L’ancien ministre
condamné pour viol joue la fille de l’air !
Décidément, rien
ne sera épargné au peuple centrafricain. Ni l’offense, ni le
ridicule.
La dernière
frasque en date concerne l’évasion de l’ancien ministre Romaric Vomitiadé,
récemment convaincu d’un viol sur mineure et condamné, le 8 avril 2015, à 2 ans
d’emprisonnement, 300.000 francs d’amende et 2 millions de francs CFA de
dommages et intérêts.
1 - Une évasion
sans bris de prison.
On ose à peine y
croire ! Déjà, la condamnation laissait entrevoir une mansuétude à l’égard
d’une personnalité disposant de l’autorité publique ayant commis un crime à
l’occasion ou dans l’exercice de ses fonctions, puisque le viol sur une personne
mineure a été perpétré au cours d’une mission effectuée par le ministre résident
de l’Ombella-M’Poko, dans le cadre des consultations populaires à la
base.
Les circonstances
de l’évasion sont encore plus ridicules : l’intéressé aurait bénéficié, le
11 avril 2015, d’une mesure de permission de sortie de 48 heures pour raison de
santé. Il semble que c’est la deuxième fois consécutivement qu’une telle mesure
était prise. La première se serait déroulée sans
incident.
L’ex-ministre
devait donc rejoindre sa cellule dans les locaux du SRI (le service de recherche
et d’investigation de la gendarmerie nationale) le lundi 13 avril 2015. Il était
même attendu le 14 avril 2015 au ministère du tourisme, des arts, de la culture
et de l’artisanat, pour la passation de service avec sa remplaçante, Mme
Monthé Mauricette Joséphine
Psimhis. Non, vous ne rêvez pas !
L’absence du
détenu ne sera révélée que ce jeudi 16 avril 2015, gendarmes et magistrats se
rejetant la responsabilité de cette bévue.
Théoriquement, la
condamnation de Romaric Vomitiadé n’étant pas devenue définitive, puisque son
avocat a fait appel, il reste prévenu. Dès lors, il ne peut bénéficier d’une
permission qu’aux conditions ci-après :
·
il s’agit d’un
évènement familial grave (décès d’un proche
parent),
·
l’intéressé doit être accompagné par des
agents de la force publique et,
·
la durée de la
permission ne peut excéder la journée.
Dans le cas
invoqué en la circonstance, une raison de santé, le détenu pouvait faire l’objet
d’une extraction médicale et être hospitalisé, mais toujours sous la contrainte
d’une garde statique des forces de l’ordre.
Les exégètes du
code de procédure pénale se perdront en conjectures : l’ancien ministre
aurait-il bénéficié d’un malheureux concours de circonstances, d’une complicité
objective ou, simplement, de l’incompétence d’une kyrielle de fonctionnaires
corrompus ?
2 - En
Centrafrique, on marche sur la tête !
On peut en effet
s’interroger. La mesure de permission de sortie était-elle justifiée, est-elle
assortie d’un certificat médical ? Le procureur de la République, qui doit
normalement être informé de la décision du juge de l’application des peines,
l’a-t-il été et pourquoi n’avoir pas interjeté appel de la décision pour s’y
opposer ?
On peut également
exprimer une crainte ; que l’évadé Romaric Vomitiadé ne s’attaque à sa
victime et à ses proches parents, en les soumettant à d’intolérables pressions
pour les contraindre à se rétracter. Il ne faut pas oublier en effet que
l’ex-ministre était le représentant
des milices armées anti-Balaka au sein du gouvernement du premier-ministre
Mahamat Kamoun ; à ce titre,
il doit encore avoir des comparses et des hommes de main à
disposition.
Quel crédit
accorder dès lors à un pouvoir qui présentait la condamnation du ministre Vomitiadé,
et son limogeage du gouvernement, comme un symbole de la lutte contre
l’impunité ?
L’évasion de
l’ancien ministre et sa personnalité mettent à nu le sérieux qui a présidé à la
composition de l’équipe gouvernementale ; laquelle semble composer de bric
et de broc. L’histoire du milliard évaporé du don angolais, le récent retrait des décrets relatifs à
la nomination des membres du Présidium et du Comité technique d’organisation du futur
Forum national de Bangui, traduisaient déjà le procès en incompétence de cette
formation.
Comment dans ces
conditions les citoyens peuvent-ils faire confiance à ceux qui les
gouvernent ?
Le pire, c’est que
cette évasion n’a suscité aucune réaction politique de la part du pouvoir, ni du
chef du gouvernement ni du chef de l’Etat de la transition. Sous d’autres cieux,
les responsables de cette grotesque affaire seraient remerciés
illico.
3 - Le ministre de la justice peut dormir
sur ses deux oreilles.
Lorsqu’il était
ministre de l’aménagement du territoire sous la présidence du chef rebelle
Michel Djotodia, Aristide Sokambi avait reconnu des nominations de complaisance
dans le corps préfectoral, cédant aux pressions conjuguées, disait-il, du chef
de l’Etat de transition, du Premier-ministre d’alors, Nicolas Tiangaye, et même
du chef du parti MLPC, le nommé Martin Ziguélé, aujourd’hui candidat aux
prochaines élections présidentielles. Chacun exigeait de voir nommer ses partisans,
adhérents ou militants. Et le ministre obtempérait, au mépris des règles
statutaires. Il laissera ce département ministériel dans un état de délabrement
avancé.
Le 27 août 2014,
Aristide Sokambi est nommé ministre d’Etat, ministre de la défense nationale, de
la restructuration des forces armées, des anciens combattants et victimes de
guerre, par le chef de l’Etat de la transition, Madame Catherine Samba-Panza.
Prenant la parole ce jour-là, il déclarait : « Ma grande satisfaction
serait qu’on remette notre armée nationale sur rail ». Hélas, son seul coup
de génie à ce poste stratégique sera la distribution, le 1er décembre
2014, des distinctions honorifiques
des grades de commandeurs du Mérite centrafricain, d’officiers et
chevaliers de la reconnaissance centrafricaine et les étoiles du mérite
militaires et postales à 870 récipiendaires ! Quant à l’armée nationale,
elle est toujours désarmée et réduite aux corvées de nettoyage dans la
capitale.
Un an après cet
exploit, le ministre d’Etat est fait garde des sceaux, ministre de la justice, à
la faveur d’un réaménagement technique du gouvernement. Son nom restera sans doute à jamais
attaché à l’évasion d’un violeur en cavale.
Aux dernières
nouvelles, Romaric Vomitiadé aurait été arrêté à Kinshasa, la capitale de la
République démocratique du Congo, ville située à plus de
Il ne reste plus
au procureur de la République de Bangui qu’à requérir un mandat d’amener
international.
En attendant, on
se souviendra qu’il y a quelques jours, le vendredi 10 avril 2015, le ministre
de la sécurité publique, Samedi Nicaise Karnou, s’était rendu nuitamment à la
SRI dans la cellule d’un prévenu. La rumeur prétend qu’il se serait rendu auprès
du nommé Michel Amine, poursuivi pour détention de faux passeports, pour
abreuver celui-ci de menaces. Le ministre de la sécurité publique aurait-il
profité de cette escapade nocturne pour s’enquérir de la santé de son
ex-collègue du gouvernement, Romaric Vomitiadé, lui aussi détenu au même
endroit ? Il n’en demeure pas
moins que le samedi 11 avril, l’ancien ministre du tourisme bénéficiait d’une
permission de sortie pour raison de santé. Le 14 avril, c’est au tour de Michel
Amine de bénéficier d’une mesure de
liberté provisoire. Sans blague!
Mais, pendant que le ministre Samedi
Nicaise Karnou joue au shérif, dans un remake africain de « Peur sur la
ville » d’Henri Verneuil, les policiers de la ville de Bangui sont en grève
depuis ce 11 avril 2015 et attendent d’être reçus en audience par leur autorité
de tutelle !
Comme dit le Sage
africain : le fleuve fait des méandres parce que personne ne lui indique le
chemin.
Paris, le 21 avril
2015
Prosper
INDO
Haut-Commissaire du
CNR