Ces
dernières semaines, les ventes de bois ont connu d’importantes baisses en
Centrafrique. En juin, un rapport de l’ONG Global Witness avait accusé des
entreprises d’avoir financé les rebelles pour poursuivre coupes et exportations
de bois.
Deux
mois après la publication d’un rapport à charge
de l’ONG Global Witness contre les entreprises forestières en Centrafrique, la filière
du bois encaisse le choc. "Depuis janvier, l'annulation des commandes
représentent 40 % de la production totale", explique Ibrahim Fakhoury, directeur
général adjoint de la société Sefca, accusée, dans ce rapport, d'exportation
illégale. Le mois de janvier correspond au début de l'action de Global Witness
dans le pays.
Dans
ce compte-rendu intitulé "Bois de sang, comment l'Europe a
aidé à financer la guerre en République centrafricaine (RCA)" et
publié en juin, cette ONG estime que des sociétés étrangères ont fermé les yeux
sur les exactions commises dans le pays par des rebelles armés entre 2012 et
2014 et leur ont versé plusieurs millions d'euros. L’intérêt : pouvoir, malgré
la guerre civile, continuer à extraire et à exporter - essentiellement vers
l'Europe - du bois de ce pays ravagé.
"Des
entreprises européennes ont acheté du bois à des sociétés forestières de RCA,
qui ont payé en 2013 plus de 3,4 millions d'euros aux rebelles pour continuer
d'exploiter les forêts en toute illégalité, à grande échelle et pour des
bénéfices considérables", avait précisé Global Witness.
L'ONG
a depuis demandé un moratoire sur le bois centrafricain. De quoi décourager les
potentiels acheteurs.
"Nous
n'avons vraiment pas besoin de ça en ce moment"
Ces
annulations de commande sont d’autant plus inquiétantes, selon les acteurs du
marché, étant donné la situation économique alarmante du pays. En Centrafrique,
la filière forestière représente la majorité des recettes du pays dans le
domaine de l'exportation. Avant la crise de 2013, cette activité représentait 10
% du revenu national et 40 % des recettes de l’État, selon un article du journal
"Le
Monde".
Pour
le gouvernement, il faudrait encourager la reprise économique, et non imposer un
moratoire.
"Nous
ne pouvons pas l'accepter car nous avons entre 60 et 70 % de nos exportations
vers l'Europe", commente Isabelle Gaudeuille, ministre des Eaux et Forêts. "De
plus, cela aurait de graves répercussions au niveau social. Il y aurait du
chômage et nous n'avons vraiment pas besoin de ça en ce
moment."
Pour
contrer le rapport de l'ONG, la Centrafrique prépare elle aussi un rapport
qu'elle présentera devant l'Union européenne en septembre. Un document dont le
contenu n'a pas été dévoilé.
france24.com/fr/
- 01/09/2015
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Regards
sur la Centrafrique. Chroniques d’un pays en crise -
Le commerce du bois en pleine guerre civile :
'business as usual' en Centrafrique
beafrika.blogs.france24.com
- Vendredi, 17 Juillet 2015 -
19:47
L’ONG Global Witness crie
au scandale. Des entreprises française, libanaise et chinoise ont, malgré la
guerre civile qui ravage le pays depuis 2013, continué leur activité
d’exploitation forestière en Centrafrique, finançant au passage la rébellion
armée de la Séléka et, dans une moindre mesure, les anti-balakas, en se
soumettant aux règles des "pots-de-vin routiniers". En clair, l’organisation
accuse ces entreprises - IFB (française), Sefca (libanaise) et Vicwood Group
(chinoise) - d’avoir voulu maintenir leur activité à n’importe quel
prix.
Les sommes versées s’élèvent à 3,4 millions d’euros pour la Séléka
pour l’année 2013 et à 127 000 euros (selon "une estimation basse" de l’ONG)
pour l’année 2014. De quoi s’acheter un bon nombre de grenades, lesquelles
coûtent moins cher qu’une bouteille de
Coca-cola dans le pays (entre 50 cents et 1 euro pour les grenades de
type 82-2, les plus répandues).
Outre le financement de ces groupes armés
responsables d’exactions, l’ONG pointe, dans un second temps, des entorses à la
loi centrafricaine : faux permis d’exploitation obtenus parfois sous des noms
différents, arriérés de taxes et non application des plans d’aménagement censés
profiter à l’essor de l’économie locale. Résultat, ces entreprises viendraient
dans le pays prendre illégalement le bois situé dans la forêt tropicale du
sud-ouest. Sous le regard d’instigateurs du chaos grassement soudoyés. La
population verrait alors l’une de ses principales - voire seules - sources de
revenus filer vers l’Europe, sans contrepartie.
Des
coupes de bois en provenance de Centrafrique. Photo : Global
Witness
"L’argent
donné aux rebelles n’a visiblement pas servi à payer la retraite des grand-mères
centrafricaines", lance Alexandra Pandral, directrice de campagne à Global
Witness. Selon elle, ces sommes ont entraîné une hausse du trafic d’armes et des
violences. "Il s’agit tout bonnement de complicité de crimes, de violation de
droits de l’Homme. Ces sociétés devraient être
sanctionnées."
"Fallait-il
fuir et tout laisser s’écrouler ?"
Mais
les sociétés en question s’offusquent aussi et plaident, de leur côté, le
principe de réalité. "Je me demande si ces Messieurs ont une fois mis les pieds
en Centrafrique pour chercher à savoir la réalité sociale dans ce pays",
s’interroge un représentant de la société libanaise Sefca, dans un courrier
adressé au dirigeant de l’entreprise partenaire Tropica-Bois, en
France.
Selon
leur ligne de défense, leur faire porter la responsabilité du développement du
conflit est trop facile. "Il y a un disfonctionnement du gouvernement central et
les sociétés se trouvent bloquées par la mauvaise gouvernance en RCA", commente
Jean-Luc François, chef de division agriculture, développement rural et
biodiversité à l’Agence française de développement (AFD), mise en cause dans le
rapport de Global Witness
pour avoir soutenu les entreprises incriminées.
Le
gouvernement central ne remplirait d’ailleurs pas son rôle de redistribution des
taxes aux communes. Au fil du temps, les sociétés s’en sont donc moins
acquittées, commente-t-on dans l’entourage des entreprises. Autre point :
l’environnement économique et social du pays ne serait pas favorable à la mise
en place de mesures d’encadrements prévue par la loi pour toute activité
d’exploitation forestière. Qu’importe, l’activité
continue.
"En
quoi, nous nous le demandons, cela peut-il faire des opérateurs économique que
nous sommes, des sources de conflit et nos produits, des produits du conflit,
nous qui comptons parmi les victimes ? Nous n’avons pas appris, suite aux
décisions de la Communauté Internationale, que la RCA devait cesser de vivre en
attendant l’avènement d’un gouvernement "légitime"", est-il également stipulé
dans le courrier sus-cité. En d’autres termes, "business as
usual".
L’AFD
ne dit pas autre chose. "Le rapport se réfère à une situation de guerre
civile. Les entreprises ont sans doute cherché à se protéger en payant des
rebelles", explique à France 24 Jean-Luc François, chef de division agriculture,
développement rural et biodiversité au sein de cet organisme public. "Dans ce
genre de situation, soit tout est pillé, soit il y a négociation avec des
troupes rebelles. Fallait-il fuir et tout laisser s’écrouler
?"
La
question, en effet, se pose.
Realpolitik
as usual
Elle
se pose cependant avec moins d’acuité, semble-t-il, pour des entrepreneurs
habitués à travailler dans des zones de conflit. "C’est l’Afrique. [La guerre],
c’est tellement quelque chose d’habituel là-bas qu’on n’y prête pas vraiment
attention […] Ce n’est pas une guerre où ils s’en prennent aux Blancs, il n’y a
pas de problème avec les expatriés", explique une employée de la société
Tropica-Bois, basée à Nice dans le sud de la France, sans savoir qu’elle est
filmée en caméra cachée par l’ONG Global Witness.
L’entreprise
en question est détenue par un Français et, à 50 %, par deux frères, Jamal et
Nessrallah el Sahely, les deux dirigeants libanais de la société Sefca, qui est
pointée du doigt pour exportation illégale dans le rapport. Peu déstabilisés par
le chaos dans lequel est plongé le pays, les associés de Tropica-Bois ont
empoché en décembre 2013 un dividende de 668 000 euros, selon des documents
récupérés par l’ONG. Contactée, l’entreprise n’a pas donné suite à la
sollicitation de France 24.
"Les
entreprises veulent continuer leur business. Elles veulent faire du bénéfice
donc elles restent. C’est un commerce entre les entreprises qui viennent
exploiter et les rebelles qui s’en mettent plein les poches, C’est ce qu'il
s'est passé avec le diamant et l'or", tranche Johnny Bissakonou, journaliste
centrafricain exilé en France. "Tout cela, c’est de la
realpolitik."
De
là à parler d'irresponsabilité de la part de ces chefs d'entreprise, il n'y a un
pas, que le jeune homme ne franchit pas. "D’un point de vue moral, ce qu’ils
font est condamnable", se contente-t-il de dire.
http://beafrika.blogs.france24.com/article/2015/07/17/commerce-bois-guerre-civile-business-usual-centrafrique-entreprises