Ancien
enfant-soldat anti-Balaka en République centrafricaine,
le 14 mai 2015. Crédits : Emmanuel Braun /
REUTERS
Jusqu’à
quel point les entreprises forestières rackettées par les groupes armés qui ont
mis à feu et à sang
S’il
existe pour le diamant un processus dit de « Kimberley », qui permet
d’exclure du marché international toute marchandise liée à un conflit, rien de
comparable n’a jusqu’à présent vu le jour pour le commerce du bois. Même si
l’exemple du Liberia à l’époque de Charles Taylor ou celui du Cambodge sous les
Khmers rouges ont montré comment l’industrie forestière avait permis de financer
des régimes sanguinaires.
En mai 2013, deux mois après le coup d’Etat de la Seleka et
l’arrivée au pouvoir de Michel Djotodia, le processus de Kimberley
exclut ainsi
Global
Witness démontre, témoignages et documents à l’appui, comment ces entreprises,
après avoir été rançonnées, et pour certaines pillées par les rebelles de
Cette
réalité est au demeurant de notoriété publique à Bangui. Le groupe d’experts sur
Dans
cette ancienne colonie française grande comme l’Hexagone où vivent environ
4,6 millions de personnes, l’exploitation forestière se concentre dans le
sud-ouest du pays, dans une zone grande comme cent fois Paris. A côté des
petites unités artisanales dont l’activité est avant tout locale et régionale,
de grandes concessions ont été attribuées à quelques opérateurs étrangers. Trois
d’entre elles, Sefca (Société d’exploitation forestière centrafricaine), à
capitaux libanais ; IFB (Industrie forestière de Batalimo), d’origine
française ; et Vicwood, détenue par des Chinois, réalisent 99 % des
exportations. Cette activité représentait avant la crise de 2013 10 % du
revenu national et 40 % des recettes de l’Etat. L’Allemagne importe un
tiers du bois centrafricain, et
Selon
Global Witness, ces trois entreprises auraient au total versé 3,4 millions
d’euros à
N’y
avait-il aucune alternative ? C’est ce que laisse entendre Sefca
– dont les responsables n’ont pu être joints – en voulant rassurer son
principal client, la société française Tropica-Bois, installée à Nice, dont elle
détient également la moitié du capital. « A l’instar
des autres entreprises en RCA et afin de garantir la sécurité de ses
installations, même en temps normal,
Cela
jette au minimum de sérieux doutes sur la légalité du bois qui a été importé en
Europe, et en France en particulier au cours de cette période.
En mars 2013 est entré en vigueur le « règlement bois » de
l’Union européenne (UE), qui oblige en principe tous les opérateurs du
secteur à être en mesure de prouver l’origine légale du bois acheté. Le bois qui
a permis de remplir les caisses d’un régime dont le bilan se compte en milliers
de morts peut-il entrer dans cette catégorie ? « Il est
tragiquement ironique de constater qu’alors que les gouvernements européens ont
investi des centaines de millions d’euros dans les opérations militaires et de
maintien de la paix en RCA, ils n’ont pas réussi à garder le bois du conflit en
dehors des marchés de l’UE. Tant que l’Europe continuera de soutenir l’industrie
forestière en RCA, les consommateurs seront susceptibles d’alimenter
involontairement un conflit que leurs propres armées étaient censées
stopper », souligne Alexandra Pardal, de Global
Witness.
Mise
en cause pour son soutien aux grands exploitants à travers le financement des
plans d’aménagement forestier, l’Agence française de développement (AFD,
partenaire du Monde Afrique), défend sa stratégie en RCA : «
Quelle
est aujourd’hui la situation, dix-huit mois après la démission de Michel
Djotodia et la nomination d’un gouvernement de transition présidé par Catherine
Samba-Panza ? « Elle se
normalise, même si tout est loin d’être parfait », affirme
Christian Fargeot, conseiller auprès de la ministre des forêts. « Les
camions de bois sont désormais escortés par les forces de
Loin
d’être parfait en effet.
« L’administration n’est pas retournée sur le terrain. Elle n’en a pas les
moyens. Plus personne ne contrôle et les exploitants se foutent des plans
d’aménagement », témoigne un ancien ministre de l’environnement
pour qui un embargo ferait cependant « encore
plus de mal au pays ».