Centrafrique: Elections ou Troisième Transition ? Par Elie DOTE

Elie DOTE

Le 28 Avril 2015, J’avais fait une déclaration sur la situation que vit la République Centrafricaine. Je prenais acte au nom de la Centrafrique et je déclarais qu’à partir de ce jour, il faut ouvrir une voie qui, jusqu’ à présent, était fermée. Cela signifie qu’il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas et qu’il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait. Cela veut dire qu’il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d’en avoir une.

Devant une telle situation, seul un accord politique peut rétablir la paix, car il est encore temps d’espérer. A l’occasion, j’ai alors présenté un Plan de sortie de crise largement diffusé et soutenu, tant par des nos compatriotes que par nos partenaires internationaux.

En effet, compte tenu de cette situation catastrophique reconnue par tous, la seule voie possible pour sortir de ce chaos est de mettre en place, de façon urgente, une nouvelle forme de gouvernance en étroite coopération avec la Communauté Internationale, notamment la France : une Véritable Transition, avec le soutien du G8, de l’Union Européenne,
de l’Union Africaine, de la CEEAC ou voir avec la participation d’une Haute Autorité de Transition qui innovera en garantissant l’appui à l’exploitation des ressources du pays afin de réduire l’extrême pauvreté de la population et permettre à chacun une meilleure condition de vie.
C’est l’une des conditions de la stabilité du pays.

La Centrafrique a besoin d’au moins 2 années pour la reconstruction de ses bases qui n’existe plus, afin de rétablir la sécurité, la paix, la justice, la relance économique, la confiance et remettre debout les Institutions de la République, en restaurant un Etat fort.

J’avais aussi mis en garde les Autorités de Transition contre des élections précoces qui fragiliseraient davantage la situation et diviseraient les Centrafricains en l’absence d’un véritable dialogue, de réconciliation nationale, de DDR pour une sortie de crise.

« Toute élection organisée dans les conditions actuelles en Centrafrique, serait un déni de démocratie et ceux qui accepteraient cette pantalonnade démontreraient qu’ils n’entendent pas servir l’intérêt général. »

Pour illustrer mes propos, je cite les cas récents :

Hélas ! Le régime en place, non content de bâillonner les Centrafricains au cours du fameux « Forum de Réconciliation de Bangui », s’est en outre permis d’imposer des élections mal préparées et
inopportunes, connaissant par avance les résultats et les conséquences désastreuses et suicidaire .Madame Catherine SAMBA-PANZA s’emploie dans des manœuvres dilatoires pour se maintenir au pouvoir.

Elle rejette la décision des Centrafricains qui ont exprimé un « non » massif au Forum pour aller aux élections hâtives sans désarmement sur l’ensemble du territoire national. C’est pourquoi, cette tentative ne peut être qu’un mépris, déniant toute intelligence à ceux qui n’acceptent pas
les pratiques insolentes et mafieuses de ce régime. Le calendrier des élections proposé par le régime n’est qu’une illustration de ses nombreuses incohérences.

Comment peut-on organiser des élections sur une partie du territoire national, alors qu’une élection nationale doit se tenir sur l’ensemble du territoire du pays avec l’électorat de tous les centrafricains en âge de voter ? Nombreux de nos compatriotes réfugiés et déplacés internes
sont dans des situations difficiles et ne peuvent s’exprimer librement, Quelle démocratie le régime veut-il apprendre à son peuple ?

Pire, le régime de transition parle d’élection partielle, ou seule une partie de la population votera. Cette élection ouvrira le chemin à de nouvelles contestations. Ce serait sans nul doute la consécration de son soutien à la partition proposée par certains de nos compatriotes. Les Centrafricains ne peuvent pas accepter une élection dont le résultat amènera d’autres conflits et la partition inadmissible de notre pays.

12 Madame Catherine SAMBA-PANZA ne peut ôter les droits fondamentaux des Centrafricains au sein même de leur patrie, tel est le libre choix et la liberté de choisir leur propre destin, sans contrainte
aucune. Les Centrafricains aimeraient choisir librement leur Président de la République, mais bizarrement nous ne sommes pas en mesure d’opérer ce libre choix. Le peuple centrafricain déplore l’abandon de son pays entre les mains des prédateurs véreux de tout bord.

C’est pourquoi, il est indispensable de rechercher l’union et l’unité du peuple centrafricain. Le pardon, la réconciliation nationale, l’inclusivité, la démocratie apaisée, doivent demeurer la voie privilégiée pour la reconquête de la sécurité et de la paix dans notre pays. Seule une volonté politique ferme, stable, propice à la discussion et au dialogue permet de décanter les situations les plus complexes et inextricables.

La crise que vit notre pays nous conduit inexorablement vers une faillite, d’où l’unité et la cohésion nationale doivent triompher de la division politique et partisane pour la refondation d’une Centrafrique Nouvelle.

Les actions de reconstruction de notre pays visent trois (3) domaines d’intervention majeure et rapide :

a. La restauration de la Sécurité et de la paix ;

b. L’instauration et la promotion d’un Etat de droit ;

c. La promotion de la bonne Gouvernance politique, économique et sociale.

C’est pourquoi, il est bon de retenir un seul schéma : le départ de Madame Catherine SAMBA-PANZA et de son Gouvernement pour leur manquement à la mise en œuvre de la feuille de route de la Transition.

Par contre, le CNT ayant accompli sa part de mission et acquis une expérience de gestion parlementaire en périodes de crises, doit poursuivre avec son président, sa contribution aux actions de relèvement
du pays.

Chers compatriotes, la crise est profonde. Nous savons tous que c’est à travers un système abject de management, basé sur le mépris, la jalousie, le clanisme, le régionalisme, la frustration, la haine et la vengeance que la RCA a subi sa descente aux enfers.

C’est pourquoi, j’invite fraternellement, en tant que Centrafricain qui aime ses compatriotes et son pays, toutes les forces vives de la nation de tout bord et de toute origine ethnique et religieuse à s’associer à cette volonté de paix et de réconciliation pour le bien de la RCA. Nous ne devons plus privilégier la force et la brutalité en place et lieu du dialogue, de la réconciliation et du pardon.

La Troisième Transition est la seule voie qui ne divise pas, qui privilégie le dialogue entre Centrafricains, ouvre l’accès à un système unique de gestion concertée de l’Etat et permet aux Centrafricains de conclure une entente sur le modèle de société qu’ils veulent construire
pour nous sortir de l’impasse.

Le rétablissement de la sécurité, de l’ordre, de la paix sur l’ensemble du territoire, et la stabilité socioéconomique et politique implique le vrai dialogue politique inclusif, la justice et l’équité, l’état de droit, la promotion et la protection des droits de l’homme et l’intervention humanitaire. Ce sont là des actions préalables à la préparation des élections inclusives libres, transparentes, démocratiques et apaisées.

Que DIEU bénisse la République Centrafricaine, notre cher pays !

Fait à Paris le, 05 Août 2015

Elie Doté

Ancien Premier Ministre, Ancien Président de la Commission Finances à
l’Assemblée Nationale.