GRAND
FORMAT – CENTRAFRIQUE : «
Par
Joseph GRELA
La
transition centrafricaine cuit lentement le centrafricain. La transition, ce
contrat à durée déterminée est devenu élastique. Elle
invente des pseudos événements infertiles, improductifs, nombrilistes pour
trouver les moyens de se maintenir au pouvoir : les forums de Brazzaville et de
Bangui. Et maintenant la course contre un chronogramme intenable sous
l’influence de la communauté internationale. Elle se lève, s’active,
confond la
rapidité avec la précipitation. Elle ment. La transition de madame Samba Panza
entraîne le centrafricain dans une vie par procuration. Les objectifs sont fixés
: le déploiement de l’autorité de l’Etat dans tout le pays, le désarmement, la
sécurité… mais le résultat, décevant.
«
Imaginez une marmite remplie d’eau froide, dans laquelle nage tranquillement une
grenouille. Le feu est allumé sous la marmite. L’eau chauffe doucement. Elle est
bientôt tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue de nager.
« La
température commence à grimper. L’eau est chaude. C’est un peu plus que
n’apprécie la grenouille, mais elle ne s’affole pas pour autant, surtout que la
chaleur tend à la fatiguer et à l’engourdir.
«
L’eau est vraiment chaude, maintenant. La grenouille commence à trouver cela
désagréable, mais elle est aussi affaiblie, alors elle supporte, elle s’efforce
de s’adapter et ne fait rien.
« La
température de l’eau va ainsi continuer de monter progressivement, sans
changement brusque, jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir
par cuire et mourir, sans jamais s’être extraite de la marmite.
«
Plongée d’un coup dans une marmite à 50°, la même grenouille donnerait
immédiatement un coup de patte salutaire et se retrouverait dehors
».
Ce
qui se passe en Centrafrique n’est pas étrangère à cette fable d’Olivier CLERC.
Elle participe de l’histoire présente du centrafricain.
Le centrafricain cuit
lentement mais progressivement, sans brutalité aucune dans la marmite de la
présidente de transition, madame Samba Panza. Il ne s’en aperçoit pas. Le
Centrafrique est un pays qui ressemble à sa propre chenille qui peine à
déchirer son cocon, devenir un papillon et prendre son envol. Madame Samba
Panza ressemble à cette vipère, dans la fable de cet auteur, engourdie par le
froid, que le centrafricain, bon gré mal gré, et surtout sans avis demandé, a
recueillie, a réchauffée avec ses ressources, son peu d’argent, et qui se
retourne contre lui-même. Madame Samba Panza engourdit la pensée et la
conscience du centrafricain qui finit par se complaire de l’habitude ; cette
habitude devenue fatalité ; fatalité permanente et stable ;
fatalité véritable seconde nature. Le centrafricain s’installe aussi dans
une sorte de continuum, une « suite des comportements instinctifs que
nous adoptons depuis notre naissance avec les gens et l’environnement qui nous
entourent » selon Jean Liedloff dans son livre, Le concept du continuum aux
éditions Ambre, 1975.
Le
berceau des bantous soumis, brimé et cuit lentement
Ainsi
la transition mène le centrafricain vers des sentiers rocailleux, sinueux et
interminables. Or, à l’école indigène de brousse de Bakouté, le maître, dans sa
leçon de vocabulaire nous apprenait le mot TRANSITION. Du latin, martelait-il,
transitio-transitionis veut dire « passage ». Cette définition devrait
être retenue par cœur. Car, ce mot implique, selon ses propres termes, une
action courte, brève, éphémère. La transition est donc un passage, une
alternance, une brève action intermédiaire, un passage progressif entre deux
états, deux situations. En rédaction, assurait ce même instituteur, vous verrez
que la transition est un tout petit paragraphe qui apparaît entre les blocs des
parties développées.
En
Centrafrique, l’enseignement de mon maître est encore trahi. Madame Samba Panza
Catherine baptisée Mame Randatou-la-Fée par quelques-uns pour sa distribution
d’argent, et sa compagnie ont nié la définition de leur maître. Ils ont déformé
la transition ; une transition devenue élastique par la force de la
manipulation. Elle s’éternise. Le peuple s’épuise sous le poids des bandes
armées et de petits prédateurs. Mame Randatou-La-Fée invente et réinvente des
astuces pour s’accrocher durablement, malgré l’impatience subie des populations.
Tout le monde est fatigué. Les politiques sont essorés, vidés. Des manipulations
dispendieuses et inutiles pour les forums. Celui de Bangui a brillé par son
amateurisme et son clientélisme. Chacun a défendu sa parcelle de pouvoir. Pis,
chacun s’est campé sur ses intérêts personnels. Les pressions cyniques sur les
uns et les autres ont fait voler en éclat le but de la tenue de ce forum. Une
feuille de route incompréhensible, illisible, sibylline est née. Madame Samba
Panza, comme une déesse sortie de la machine, vit, toujours insouciante, dans ce
pays, « berceau des bantous » qu’elle « soumet, brime et cuit »
lentement.
Toute
chose a un début et une fin. Il faut savoir partir. Des prédécesseurs, arrivés
au pouvoir, se sont accrochés ; ils sont partis malgré leur
aveuglement.
Le
forum de Bangui est terminé. Et quoi encore ?
L’entêtement
et l’obstination dans l’échec ne sert qu’aux dictateurs et aux écervelés. Madame
Samba Panza, Mame Randatou-La-Fée ne prend peut-être pas conscience de
l’histoire de son pays. Elle peine à en faire la réminiscence. Elle peine à se
projeter dans la souffrance de ses compatriotes. Oublie-t-elle peut-être son
propre passé ! L’Alzheimer a effacé tous ses souvenirs ! Elle campe sur sa
propre histoire présente, sur son pouvoir et dénie la situation chronique et
incurable du pays qu’elle gouverne, transitoirement.
L’histoire
des pouvoirs politiques en Centrafrique n’inspire guère cette dame. C’est «
son tour » , celui de ses parents et amis, compétents ou incompétents dans
cette transition qui perdure et qui perd tout son sens.
Le
peuple est usé, sa voix s’affaiblit. Les chiens n’aboient plus sur la caravane
de Samba Panza qui passe. Pauvre centrafricain toujours foulé aux pieds des
pouvoirs cyniques.
« Le
gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles,
que les mauvais ne le soient pas », ainsi parlait Georges
Clemenceau
En
Centrafrique, les mauvais citoyens sont tranquilles au détriment de bons qui
souffrent. La transition ne veille pas sur les bons ; elle est malade, elle
tousse, éternue mais ne se soigne pas. Et pourtant les médicaments prescrits par
sa population, entendez les aspirations profondes du peuple sont en attente : la
sécurité, l’autorité de l’Etat, la justice sociale, les élections libres,
transparentes et crédibles comme le réclament la charte constitutionnelle et la
communauté à son chevet.
Notre
transition n’a aucune componction pour son peuple, aucune marque
assurée d’une véritable repentance, aucun regret d’avoir offensé son peuple par
ce « comportement anti-national ». Notre transition est
prédatrice. Elle cultive un affairisme galopant avec des ressources des
centrafricains. Elle accapare le peu d’appareils de production, les richesses
naturelles du pays. Cette transition assèche les plumes des compatriotes épris
du vrai changement. Leurs stylos accusent des pannes-sèche, manquent de
vocabulaires et d’expressions littéraires ou politiques pour qualifier cette
transition qui dure et perdure, cette transition qui ne cherche aucune porte de
sortie pour céder sa place à un nouveau président issu des urnes ; un vrai
président de
La
transition ment substantiellement au peuple. Elle annonce les élections, publie
un calendrier, probablement, intenable, un chronogramme chimérique. Qu’à cela ne
tienne. La transition souffre de l’amateurisme et d’un agrégat de plaisanteries
puériles : se moquer des centrafricains. Le peuple centrafricain n’est ni un
jouet, ni une poupée Barbie entre leurs mains. Il faut ramer, manœuvrer dans le
même sens que les aspirations du peuple.
A
titre de rappel, madame Samba Panza est aux manettes de la transition depuis
janvier 2014, soit 18 mois actuellement. La feuille de route limpide qui lui a
été remise est tout simplement oubliée. « Le pays n’est pas sécurisé pour
permettre la circulation des candidats » susurrent les observateurs. Les
transporteurs sont encore accompagnés par la minusca ou les sangaris. Ce constat
autorise la réflexion suivante : Les élections n’auront, peut-être, pas lieu
dans certaines localités dites insécurisées où la présence de l’Etat et des
candidats risque d’être considérée comme une provocation par les « mauvais
citoyens », profiteurs et petits chefs aux lois intransigeantes et prédatrices à
la limite des règles religieuses.
Si,
madame Samba Panza échoue, ce sera, pour elle, une échappatoire « La
transition a proclamé des dates pour les élections. La communauté internationale
n’a pas tenu sa promesse financière ». Ce qui justifiera ou ne justifiera
pas sa mauvaise foi. L’échec sera comptabilisé au détriment de la communauté qui
l’accule… qui lui a imposé les élections très éloignées de la réalité du
terrain. Le caméléon, qu’elle est, épousera la couleur verdoyante (celle de
l’espoir), attrayante pour endormir les politiques et certains
compatriotes.
Le
centrafricain doit-il attendre les conditions de sécurité ou en créer pour se
libérer ?
La
paraphrase de la pensée d’Olivier Clerc est édifiante : Le centrafricain est
capable de créer les conditions de s’arracher par lui-même à l’inertie ambiante,
endormante pour provoquer, déclencher le changement auquel il
aspire.
Alors,
centrafricain, ne te laisse pas cuire lentement dans la marmite de madame samba
Panza. Comme une chenille, extraie-toi du cocon pour prendre ton envol.
Joseph
GRÉLA
L’élève
du cours moyen
De l’école indigène
De brousse de
Bakouté
(2e
édition : 06/08/2015)