Mémorandum :
les révélations de Dieudonné Kombo Yaya
Radiondekeluka.org
- mercredi 14 octobre 2015 10:54
Radio
Ndeke Luka vous propose l'intégralité de ce mémorandum.
« La
mendicité est la plaie de la pauvreté », a dit Alphonse
Karr.
Je
voudrais d'abord remercier tous ceux des Pouvoirs publics et des nombreux partis
politiques qui, guidés par les valeurs de rigueur, d'intégrité et de
transparence qui me sont chères, ont choisi, en 2013, de présenter et soutenir
ma candidature comme membre de l'Autorité Nationale des
Élections.
Je
voudrais ensuite m'excuser auprès d'eux si, en démissionnant de mes fonctions,
j'ai brisé leurs espoirs de me voir conduire le processus électoral à son
terme.
Ayant
été impliqué pendant plus de 20 ans dans les processus électoraux de nombreux
États membres de l'Union Africaine, mais également en Espagne en 1995 à
l'invitation du gouvernement espagnol et en Colombie en 2007 à l'invitation de
l'Organisation des États Américains, je pensais sincèrement, mettre ma modeste
expérience au service de mon pays.
On
peut me traiter d'incompétent. J'ai la conscience tranquille. J'ai toujours fait
de mon mieux lorsqu'on me confie une responsabilité. Et je n'ai pas l'habitude
d’étouffer ce qui dérange et de magnifier ce qui arrange. J'étais et je reste au
service de la République Centrafricaine dans les limites des
lois.
Je
ne reviendrais pas sur la question de financement des opérations électorales.
C'est un acte qui relève de la souveraineté nationale dans un contexte normal.
Or, nous ne sommes pas dans ce cas de figure. Nous sortons d'une crise et sommes
donc obligés de recourir aux financements extérieurs. Mais ceci ne doit pas nous
mettre dans une situation de vassalité.
Je
dirai simplement que le Programme d'Appui au Cycle Électoral en Centrafrique
(PACEC), autrement appelé « Basket Fund » ressemble fort bien à une
femme atteinte du cancer de sein. La maladie est diagnostiquée à ses débuts. Les
médecins hésitent. Elle se développe et se métastase. Comme une ruée vers l'or,
plusieurs professeurs agrégés de médecine du monde entier se précipitent au
chevet de la malade. Trop tard. Le sein droit est suffisamment atteint.
L'ablation est la seule solution. Heureusement, qu'elle pourra vivre avec un
seul sein.
Je
ne parlerai que des chronogrammes successifs que nous avons rédigés et qui n'ont
pas été mis en œuvre pour diverses raisons.
Le
1er chronogramme
En
mars 2014, nous avons rédigé un chronogramme qui se voulait objectif mais
surtout réaliste pour servir de base aux diverses actions préélectorales. Il
déclinait les principales phases de processus avec les activités à mener, les
délais raisonnables de leur mise en œuvre ainsi que les contraintes qu'il
fallait absolument lever afin d'atteindre les objectifs
fixés.
Le
2ème chronogramme
L'infaisabilité
du premier chronogramme nous a amenés à le remanier de sorte que le referendum
constitutionnel soit organisé en mai 2015, le premier tour des élections
présidentielle et législatives en juin et le second tour en juillet. Ici
également, la faisabilité technique et la mise en œuvre dudit chronogramme
étaient tributaires de la satisfaction à brève échéance, d'un certain nombre de
préalables dont les principaux sont l'opérationnalisation de l'ANE y compris la
mise en place de ses démembrements et de son administration au niveau central
ainsi que la mise à disposition à temps des ressources pour le financement des
opérations électorales.
Le
3ème chronogramme
La
rédaction du 3ème chronogramme est confrontée à quatre problèmes d'ordre
technique, budgétaire, diplomatique et politique.
1.
Technique
Techniquement,
les scrutins auraient pu être organisés avant la fin de l'année 2015 si tous les
moyens avaient été mis à temps à la disposition de l'ANE. Organiser
techniquement les trois scrutins en décembre 2015 relève du domaine de la
fiction pour plusieurs raisons. Sauf miracle.
D'abord
la liste électorale provisoire n'est pas encore prête. Certes, 1,800.000
personnes ont été enregistrées et environ 550.000 dossiers ont été scannés et
traités au Centre de Traitement des Données (CTD). Lorsque le traitement sera
fini, le dossier sera envoyé à un prestataire à l'étranger qui établit et envoie
la liste provisoire. Celle-ci est affichée afin de permettre la correction des
différentes erreurs ou omissions. Une fois cela fait, elle est renvoyée pour
l'établissement de la liste définitive. Je rappelle que la liste est unique et
doit être traitée globalement.
Il
y aura les délais de contentieux en matière d'inscription sur les listes
électorales (requête, audience du tribunal et appel) mais également les délais
des contentieux des opérations électorales (requête, notification du Greffe,
mémoires en défense et audience de la Cour Constitutionnelle de
Transition).
Nous
avons tenu compte de ces délais dont certains ont subi de coupes notamment en
matière des opérations électorales pour produire un chronogramme technique
plausible. Un chronogramme qui puisse nous permettre d'organiser le référendum
le 13 décembre 2015 ; le premier tour des élections couplées le 27 décembre
et le 2ème tour le 07 février 2016. Nous ne pouvions faire autrement. Tenter de
réduire encore ces délais serait contre productif.
2.
Budgétaire
Le
chronogramme budgétaire est celui du Fonds Monétaire International teinté de
chantage. Son leitmotiv : « Pas d'élections avant le 30 décembre 2015,
pas d'aide budgétaire ». Refrain religieusement repris en chœur à chaque
réunion du Comité Stratégique.
3.
Diplomatique
A
New-York et Addis-Abeba, mais aussi dans certaines capitales occidentales et
africaines, le refrain est le même. Il faut aller aux élections avant le 30
décembre 2015. Que le Bon Dieu aide la République
Centrafricaine.
4.
Politique
La
transition doit prendre fin le 31 décembre 2015. Les autorités politiques de la
transition affirment haut et fort leur volonté de passer la main aux nouvelles
autorités qui seront issues des urnes. Les menaces du FMI sont comme l'épée de
Damoclès sur leurs têtes. Le pays court d'énormes risques d'asphyxie financière
au-delà de décembre 2015.
Il
faut aller aux élections en zappant les délais des contentieux. C'est
l'injonction que sont venus me transmettre ce 08 octobre M. Léon Diberet,
ministre conseiller à la présidence de la République chargé de l'Administration
du Territoire, temporairement désigné pour suivre le processus électoral, et
Madame Brigitte Izamo née Balepou, conseiller juridique du Chef de
l’État. Ils ont frappé à la mauvaise porte.
Je
rappelle que 35 articles de la Loi N°10.003 du 13 novembre 2013, portant Code
électoral de la République Centrafricaine ont été amendés par la loi N°15.004
portant dérogation à certaines dispositions dudit Code dont les
articles :
-
163 al.1 nouveau sur la convocation des électeurs pour le referendum qui passe
de 60 à 30 jours ;
-
article 68 al.2 nouveau sur le délai de localisation des bureaux de vote qui
passe de 60 à 20 jours ;
-
article 69 al. 1 nouveau sur la nomination des membres des bureaux de vote qui
passe de 45 à 15 jours ;
-
article163 al. 2 nouveau sur le début de la campagne électoral qui passe de 14 à
10 jours ;
-
article 53 tiret 2 nouveau sur le dépôt des candidatures aux élections
présidentielle et législatives qui passe de 60 à 25 jours
-
article 118 al. 1 nouveau sur la convocation du corps électoral aux élections
présidentielles qui passe de 60 à 45 jours.
Un
proverbe anglais dit « Qu'on peut conduire un cheval à l'abreuvoir mais
non le forcer à boire ». Nul ne peut me forcer à écarter les
dispositions d'une Loi.
Si
l'abandon des contentieux est non négociable comme me l'ont déclaré M. Léon
Diberet et Madame Brigitte Izamo née Balepou, ma liberté et ma
responsabilité sont également non négociables.
Libre,
j'ai pris mes responsabilités en démissionnant de mes fonctions. Victor
Hugo n'avait pas tort lorsqu'il disait que « Tout ce qui augmente la
liberté augmente la responsabilité ».
Fait
à Bangui, le 08 Octobre 2015
Dieudonné
KOMBO YAYA