RCA : Le temps des
grandes décisions
La République centrafricaine (RCA) offre
le spectacle d’un Etat néant. En effet, tout porte à croire que les autorités de
la Transition n’ont aucune maîtrise de la situation. Pire, rien n’indique que
les choses s’améliorent sur le terrain. Les derniers événements en date, sont
suffisamment éloquents à ce sujet. En effet, la vice-présidente du Conseil
national de la transition (CNT) centrafricaine a été, pendant quelques heures,
l’otage d’une cinquantaine d’hommes armés appartenant aux anti-balaka. Ces
éléments lui ont remis une liste de revendications pour les autorités du pays.
Quelques heures après, ce sont des gendarmes qui ont été pris à partie et
désarmés. Ces événements en disent long sur le climat délétère qui prévaut à
Bangui. Quand on sait que la vice-présidente prise momentanément en otage
rentrait d’un enterrement, on se fait une idée de l’ampleur de la décrépitude
morale qui règne dans ce pays.
Le retrait des soldats tchadiens a
contribué à rendre la sécurisation du pays plus difficile
Actuellement, l’Etat centrafricain n’a
que très peu d’autorité pour ne pas dire aucune du tout. Les violences de toutes
sortes sont exercées contre des populations civiles, voire des forces de défense
et de sécurité dans une impuissance quasi générale des autorités de la
Transition. Tant et si bien qu’il est difficile de démentir ceux qui pensent que
Catherine Samba-Panza et son équipe ont échoué en tant qu’autorités devant
organiser le retour à la normale. La date des élections a déjà été plusieurs
fois repoussée et rien n’indique à ce jour que la nouvelle échéance de décembre
2015 sera tenue. En effet, au regard du climat d’insécurité quasi-générale qui
règne dans le pays, il n’est point besoin d’être clerc pour savoir que des
élections ne peuvent pas se tenir. En tout cas, pas des élections fiables et
dont les résultats pourraient ouvrir une nouvelle ère pour le pays. La situation
de la Centrafrique est d’autant plus préoccupante que la cause de la
restauration de l’autorité de l’Etat semble de plus en plus orpheline. Du moins,
les soutiens extérieurs ne se bousculent pas aux portes des autorités
centrafricaines. Certes, il y a la MINUSCA, mais elle peine à obtenir des
résultats tangibles. Mais le retrait des soldats tchadiens de la RCA et
l’implication moins prononcée du président tchadien Idriss Déby Itno dans la
quête de solution à la crise, ont contribué à rendre la sécurisation du pays
plus difficile. On connaît, en effet, les faits d’armes des soldats tchadiens en
termes de combat, et leur capacité avérée à mettre en déroute des groupes armés
illégaux aurait pu rendre un immense service à la République centrafricaine
engluée dans cette transition sans fin, dans la sécurisation du pays. Les
autorités des autres pays voisins ne peuvent pas non plus être d’un grand
secours, étant donné qu’elles ne sont pas des exemples de bonne gouvernance à
même d’aider les Centrafricains à sortir franchement du bourbier dans lequel ils
sont empêtrés. En tout état de cause, c’est le temps des grandes décisions
pour la RCA. Les autorités de la Transition doivent assumer pleinement leur
rôle, bien entendu avec une implication totale de la communauté internationale.
Il est de notoriété publique que l’un des facteurs déstabilisants et non des
moindres, réside dans le jeu trouble des anciens dirigeants que sont François
Bozizé et Michel Djotodia.
Au besoin, il ne faudrait pas hésiter à
mettre la République centrafricaine sous tutelle onusienne
Ces parrains, respectivement des
anti-balaka et des Séléka, sont pour beaucoup dans le déchirement du pays et ce
climat de violence généralisé. Pourtant, les autorités de Bangui ne font rien
pour crever l’abcès. De deux choses l’une : soit Samba- Panza et son équipe
admettent qu’il n’y a pas d’autre solution et convient ces deux éléments à la
table des discussions, soit, elles s’assument et engagent des procédures
judiciaires contre eux avec l’appui de la communauté internationale, pour les
mettre hors d’état de nuire. Toujours est-il qu’elles doivent arrêter de
tourner en rond et prendre des décisions fermes. L’exemple de la Transition
burkinabè doit achever de convaincre la présidente de la Transition
centrafricaine et son équipe que le louvoiement est contreproductif face à des
gens qui ne sont pas des enfants de chœur. Soit on ne peut pas avancer sans eux
et on les associe en faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Soit, on sait
qu’on peut calmer les ardeurs de leurs hordes en les anéantissant et on opte
pour cette solution. Il est grand temps, pour la Transition centrafricaine de se
déterminer, de décider de façon ferme et rigoureuse pour permettre au pays
d’avancer. Samba-Panza pourrait convoquer un forum pour permettre à la
Centrafrique de trouver sa voie. Cette fois-ci, et pour éviter que ce soit un
forum de plus, les autorités centrafricaines doivent éviter soigneusement de le
faire parrainer par des dictateurs, des contre-exemples comme ce fut le cas dans
le passé avec Denis Sassou Nguesso. Du reste, le président congolais, Denis
Sassou Nguesso, qui avait joué les bons offices, a de moins en moins le cœur et
l’esprit à jouer au médiateur en RCA, préoccupé qu’il est par ses propres
angoisses. Le pouvoir congolais fait, faut-il le rappeler, face à une fronde
contre son projet de tripatouillage constitutionnel visant à permettre au
président actuel de briguer un nouveau mandat. Il n’a donc pas le temps de
s’occuper des problèmes de la RCA. La Centrafrique ne peut compter d’abord et
avant tout que sur elle-même. Et c’est tant mieux ainsi. En plus d’éviter des
parrainages contreproductifs, le forum devrait, s’il veut être salutaire,
accoucher d’engagements pour chaque acteur. Des engagements dont l’inexécution
ou la mauvaise exécution doit faire l’objet de sanctions vigoureuses et
immédiates, y compris par la force armée, avec le concours de la communauté
internationale. C’est dire combien il importe que la communauté
internationale aussi joue à fond sa partition dans cette crise centrafricaine.
Il ne faut plus y aller avec le dos de la cuillère. Les Nations unies seraient
enfin bien inspirées de taper du poing sur la table et de mettre les bouchées
doubles pour désarmer effectivement les milices et sécuriser le pays. Sinon,
elles se rendent complices de ce surplace, voire de l’enlisement du pays. Au
besoin, il ne faudrait pas hésiter à mettre la République centrafricaine sous
tutelle onusienne, le temps qu’elle redevienne un Etat digne de ce nom. En tout
cas, une meilleure implication de la communauté internationale en Centrafrique
est indispensable pour aider à restaurer l’autorité de l’Etat, à sécuriser le
pays et organiser des élections apaisées et fiables.
« Le
Pays », « Le Pays » N°5961 du 20/10/2015 - http://lepays.bf/rca-le-temps-des-grandes-decisions/