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au point de départ en République centrafricaine
BANGUI, 8 octobre 2015 (IRIN) - Le bilan des affrontements qui ont secoué la capitale
centrafricaine pendant six jours à la fin du mois de septembre est lourd :
des dizaines de morts, des centaines de blessés, des milliers de déplacés. Et
l’espoir d’une résolution imminente de la crise politique prolongé ;e et
complexe qui sévit dans le pays s’amenuise rapidement.
Les dernières
violences ont éclaté après que la dépouille d’un conducteur de moto-taxi
musulman a été retrouvée près de l’aéroport, situé à l’extérieur de Bangui, le
26 septembre. Les résidents majoritairement musulmans du quartier, connu sous le
nom de PK5, sont descendus dans la rue avec des armes et des affrontements ont
éclaté avec des anti-balakas, un groupe disparate d’unités d’auto-défense. Des
membres des forces armées sont également intervenus.
Les chiffres
officiels ont fait état de 61 victimes et 300 blessés à la fin des combats. La
Croix-Rouge, qui n’a pas été en mesure d’accéder à certains des quartiers de
Bangui affectés par les affrontements, a indiqué que le nombre de victimes était
probablement beaucoup plus élevé. Environ 40 000 habitants de la capitale
ont fui leur logement. Une église, des mosquées et les bureaux de plusieurs ONG
ont été pillés ou endommagés. Près de 600 détenus se sont évadés de la prison
principale de la ville.
Ailleurs, des manifestants ont défilé dans le
calme contre Catherine Samba-Panza, la présidente par intérim, qui a écourté son
séjour à New York, où elle assistait à l’Assemblée générale des Nations Unies,
pour rentrer en RCA.
(Mme Samba-Panza est entrée en fonction en janvier
2014, peu de temps après la démission de Michel Djotodia, chef d’une coalition
rebelle à majorité musulmane qui était arrivé au pouvoir suite au coup d’Etat de
mars 2013. Les attaques commises par les membres de cette coalition contre les
civils qui avaient fui la capitale ont déclenché des représailles des milices
anti-balakas à majorité chrétienne ; les violences revêtaient en général un
caractère religieux).
A
qui la faute ?
D’après
le gouvernement, les derniers événements ont été orchestrés.
« Au
moment même où nous sommes venus annoncer aux Nations Unies les résultats
encourageants du processus de la transition qui tend à sa fin, par
l’organisation des élections d’ici la fin de l’année 2015, les ennemis de la
paix ont une fois de plus porté un coup dur au processus par des violences
aveugles, des assassinats et des crimes odieux », a dit Samuel Rangba, le
ministre des Affaires étrangères.
La Présidente est allée plus loin, en
déclarant que les affrontements qui ont secoué la capitale étaient une
« tentative de prise du pouvoir par la force ».
Le premier
jour des violences, Dominique Said Paguindji, ministre de la Sécurité publique,
s’est entretenu avec les journalistes d’IRIN. Il les a imputées « aux
groupes armés qui n’adhèrent pas à la logique de désarmement et veulent diviser
le pays » et à « certains acteurs politiques qui sont exclus des
prochaines élections ». Il a pointé du doigt l’entourage de l’ancien
président, François Bozizé, qui a été chassé du pouvoir par le coup d’Etat de
2013 et qui était à la tête d’un groupe rebelle quand il a accédé aux plus
hautes fonctions.
« Tous ces individus ont des intérêts communs, à
savoir déstabiliser l’Etat, empêcher la tenue des élections et retarder la
transition », a dit M. Paguindji.
Mais l’administration provisoire a
également été accusée d’avoir une part de responsabilité dans les
violences ; un ancien ministre a évoqué son incapacité à tenir ses
engagements concernant le désarmement de la myriade de groupes armés qui
sévissent à travers le pays.
Le parti politique de M. Bozizé s’en est
pris à la mission de paix des Nations Unies et au contingent de soldats français
déployés en RCA, en les accusant « de complicité et d’impuissance »,
bien que le Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies confère à la mission de
paix un pouvoir d’intervention important.
L’aversion de la population à
l’égard de ces forces extérieures apparaissait clairement sur les pancartes
brandies lors des manifestations de lundi, à Bangui. Certains manifestants ont
jeté des pierres sur les véhicules des Nations Unies qui passaient dans les
rues.
Un
pas en avant, deux pas en arrière
Les
violences de la semaine dernière sont intervenues au moment où le pays semblait
tourner la page de trois années de conflit ; le calme était
revenu dans plusieurs zones, des progrès étaient enregistrés dans la
réconciliation, bon nombre de personnes déplacées étaient rentrées chez elles et
la préparation des élections avait débuté. Tout cela est
menacé.
« Cette situation montre que la paix et la réconciliation
sont encore fragiles et qu’il faut un soutien plus solide et durable pour que le
pays ne retombe pas dans un cycle de violence généralisée », a dit M.
Rangba, le ministre des Affaires étrangères.
Charles-Armel Doubane,
ancien ambassadeur de la RCA aux Nations Unies et candidat à l’élection
présidentielle, n’y est pas allé par quatre chemins. « Deux années de dur
labeur en faveur de la cohésion sociale et de la reconstruction nationale
sont parties en fumée », a-t-il dit à IRIN.
Concernant les
élections présidentielles et législatives, qui doivent se tenir le 18 octobre et
le 22 novembre, Mme Samba-Panza a reconnu lors de son séjour à New York qu’elles
risquaient d’être reportées. Rares sont les Centrafricains qui parient sur le
maintien du calendrier électoral.
Photo:
Crispin Dembassa-Kette/IRIN -Ce bâtiment abritant une ONG musulmane a été
saccagé
Discours
trompeur
Les
chefs religieux ont appelé les citoyens à ne pas accepter la présentation trop
simpliste de la crise qui secoue la RCA, une présentation souvent reprise par
les médias et selon laquelle il ne s’agit que d’une lutte fratricide entre des
communautés rivales, les musulmans et les chrétiens.
« Tout le
monde sait qu’il suffit d’enlever un individu, de le tuer, de lui donner
l’apparence d’un musulman et de le ramener ici (dans le PK5) pour que tous les
habitants du PK5 se soulèvent », a déclaré Ali Ousman, coordinateur des
organisations musulmanes du pays, lors d’une grande manifestation qui a eu lieu
dimanche.
Telles sont les tactiques cyniques employées par les individus
responsables des violences, a-t-il expliqué, avant de dire que ces personnes
sont des « ennemis de la paix et de ce pays, des politiciens nostalgiques
du pouvoir, qui ont perdu le pouvoir et veulent le reprendre par la
force ».
L’Archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapailianga, qui est
l’homologue de M. Ousman au sein de la Plateforme interconfessionnelle pour la
paix en RCA, a tenu un discours identique à l’hebdomadaire catholique La
Croix.
« La crise que nous traversons n’est pas une crise
religieuse », a-t-il dit au magazine. « Des individus profitent de ces
problèmes pour attiser les braises. Ils sont toujours prêts à en découdre et à
descendre dans la rue avec des armes. [Les armes sont] omniprésentes à Bangui,
car le désarmement n’a pas été efficace ».
A
lire : What's wrong in the Central African
Republic
Et
maintenant ?
Presque
tout le monde en RCA sait que la priorité la plus imminente est le désarmement
de tous les groupes non étatiques. La question est : comment y arriver ? Après
tout, il y a déjà eu plusieurs tentatives infructueuses au cours de ces
dernières années.
A son retour de New York, la présidente Samba-Panza a
dit que le processus devait se faire sans discrimination et qu’il ne fallait pas
employer la force contre les individus récalcitrants à rendre leurs armes.
M. Doubane, un candidat à l’élection présidentielle, a dit à IRIN qu’il
était « de la responsabilité du chef de l’Etat de réunir les principaux
acteurs du pays, quelles que soient nos différences, pour parler et trouver les
moyens de restaurer la sécurité en RCA immédiatement.
« Cela inclut
le désarmement, qui ne peut pas attendre et doit être mené par la communauté
internationale représentée par [la mission des Nations Unies et la mission
française] et nos propres forces de défense ».
L’organisation
réussie des élections et une participation satisfaisante au scrutin
« offriraient à notre pays une chance de revenir à la normalité, de
retrouver sa stabilité et de mettre en place des institutions crédibles »,
a-t-il ajouté.