Retour
difficile en RCA
Dans
les rues de Bangui, les convois de musulmans se faisaient attaquer par des
groupes d’autodéfense. Photo: Till Muellenmeister/IRIN
BANGUI,
27 juillet 2015 (IRIN) - Des milliers de personnes sont rentrées chez elles en
République centrafricaine plus d’un an après avoir fui, souvent vers les pays
voisins, la crise politique complexe et violente qui secouait le
pays.
À lire :
Terror
grips Central African Republic [La République centrafricaine aux prises avec la
terreur]
Bien
que la sécurité se soit améliorée dans certaines régions, il reste difficile
pour de nombreux anciens déplacés de retrouver un semblant de vie
normale.
Depuis le mois de mai, le gouvernement de transition a fermé des
dizaines de camps de déplacés à Bangui, la capitale. Incapable d’offrir les
services essentiels à la majorité de la population, il a quand même distribué
des trousses d’aide pour faciliter le retour des déplacés, avec l’aide de
l’Organisation internationale pour les migrations. Ces trousses contiennent deux
sacs de riz, cinq litres d’huile et l’équivalent de 150 dollars.
Au
plus fort de la crise, qui avait été déclenchée par un coup d’État en mars 2013,
environ 900 000 Centrafricains étaient déplacés à l’intérieur de leur
propre pays, dont 60 000 avaient cherché
refuge autour de l’aéroport international de la capitale. Selon OCHA,
l’organe de coordination humanitaire des Nations Unies, près de 400 000
personnes sont toujours déplacées dans l’ensemble du pays, dont environ
33 000 à Bangui.
À regarder : Bangui’s
ghettos [Les ghettos de Bangui]
Nombre de
ceux qui ont quitté les camps sont retournés dans le 5e district de
Bangui.
« Nous n’avons rien à faire. Nous aimerions faire du
commerce, mais il n’y a pas d’argent », a dit Denise, une veuve âgée
rencontrée par IRIN près du poste de police du district, avec deux amies dans la
même situation. Elles étaient rentrées chez elles quelques semaines plus tôt,
après avoir passé un an et demi à l’aéroport.
D’après un rapport
publié la semaine dernière par le Comité international de secours,
plus de 80 pour cent de la population centrafricaine n’ont pas assez
d’argent pour satisfaire leurs besoins les plus essentiels. Environ
2,7 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, ont
besoin d’aide humanitaire. Pourtant, les bailleurs de fonds ont versé moins du
tiers des 613 millions de dollars demandés pour répondre à ces besoins
cette année.
Le manque d’argent est loin d’être le seul problème
pour les déplacés de retour chez eux.
« Nous ne pouvons pas boire ni
utiliser l’eau des puits pour les tâches ménagères, car beaucoup ont été
contaminés par les corps qui y ont été jetés », a dit Jeanne, une autre des
veuves.
Il
est très difficile de trouver ne serait-ce que de l’eau potable en RCA. Photo:
Crispin Dembassa-Kette/IRIN.
Les
habitants s’approvisionnent donc en eau dans les ruines de maisons et des
boutiques de leurs anciens voisins musulmans. Comme la coalition rebelle qui a
pris le pouvoir à Bangui en 2013 provenait du nord-est à majorité musulmane, les
membres de cette communauté ont été violemment pris pour cible par les milices,
surtout dans la capitale, même lorsqu’il s’agissait de civils sans aucun lien
avec les rebelles. Des non-musulmans ont aussi été attaqués pendant les violences
intercommunautaires qui ont duré plusieurs mois.
Selon
les Centrafricains rencontrés par IRIN, ces tensions se sont dans une certaine
mesure dissipées, au moins dans la capitale. La population entre et sort
maintenant en toute liberté des districts musulmans de Bangui, qui étaient
jusqu’il y a peu isolés au milieu de quartiers hostiles.
D’après le
rapport du Comité international de secours, environ 36 000 personnes
dans le pays sont encore enfermées dans de telles enclaves, « avec un accès
limité aux services essentiels et en proie à la violence et aux
exactions. »
Moins d’aide pour
ceux qui se sont réfugiés à l’étranger
Les réfugiés
rapatriés n’ont pas droit aux trousses d’aide au retour du gouvernement et il
n’existe aucune procédure officielle pour aider ceux qui reviennent de
l’étranger. Environ 464 000 ressortissants centrafricains vivent
actuellement dans les pays voisins.
Mahamadou Habibou, employé de banque
de 51 ans, est rentré récemment du Cameroun avec sa famille. Il a pu
reprendre son travail et réinscrire ses enfants à l’école. Il se sent maintenant
en sécurité pour se rendre à son travail et à la mosquée.
« J’ai
décidé de rentrer parce que je ne pouvais plus supporter d’être en exil et parce
que la paix revient dans mon pays. Je suis libre de me déplacer », a-t-il
dit à IRIN.
Nous
devons faire le bilan de ce qui s’est passé. Nous devons nous pardonner pour
vivre à nouveau ensemble et reconstruire notre
pays
M. Habibou
est cependant toujours hébergé chez des proches et doit trouver un nouveau
logement. Son ancienne maison a été détruite peu de temps après son départ pour
le Cameroun.
« Le gouvernement doit penser à rapatrier nos
compatriotes en exil, car ils souffrent. Ce n’est pas agréable d’être
exilé », a-t-il dit.
Pour Mahamat Moctar, commerçant musulman de
32 ans qui a passé 15 mois comme réfugié en République démocratique du
Congo, il est temps de tourner la page sur ce chapitre de violence en
RCA.
À lire : Le nouvel
accord peut-il ramener la paix en
RCA ?
« Nos parents et
grand-parents vivaient en paix avec les chrétiens, mais nous, nous avons réussi
à nous entretuer. C’est quelque chose qu’on n’avait jamais vu
avant. »
« Maintenant nous devons dire “plus jamais”. Nous
devons faire le bilan de ce qui s’est passé. Nous devons nous pardonner pour
vivre à nouveau ensemble et reconstruire notre pays », a-t-il dit, appelant
le gouvernement et les organisations non gouvernementales (ONG) internationales
à aider les personnes comme lui à remettre sur pied leur activité.
Alhaji
Ibrahim, barbier âgé de 65 ans, a toujours ses ciseaux et son salon et il
lui a donc été plus facile de joindre les deux bouts depuis qu’il est revenu du
Tchad avec sa famille.
« Les trois derniers mois se sont bien
passés. Je travaille comme avant. Il n’y a plus autant de clients, mais nous
nous en sortons avec ce que je gagne », a-t-il dit.
L’un des dangers
qui dissuade de nombreux Centrafricains à rentrer chez eux est la présence de
grenades, d’obus et de bombes non explosés, appelés aussi restes explosifs de
guerre (REG).
« Une explosion involontaire, des jets de grenades
parmi les populations ou des enfants jouant avec des munitions trouvées dans des
débris sont des scènes fréquentes dans certains quartiers de Bangui », a
observé récemment dans un compte-rendu
l’Agence d’aide à la coopération technique et au développement (ACTED), une ONG
internationale.
Les travailleurs humanitaires et la population en
général sont confrontés quotidiennement aux risques posés par les grenades et
autres REG « car ces engins se trouvent souvent parmi les débris des
maisons détruites à reconstruire, les hautes herbes à débroussailler ou les
caniveaux à curer », précisé
ACTED.
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