Centrafrique:
désespérée d’attendre la paix, la population s’en remet au pape
maliactu.net - 9 novembre 2015
Exactions
et meurtres quasi-quotidiens malgré la présence de forces internationales,
polémiques sur la sécurité: les Centrafricains, désespérés de voir la paix
revenir dans leur pays s’en remettent au pape François, attendu fin novembre à
Bangui, pour assurer leur salut.
« Si
nous prenons le nombre de pays qu’il y a dans le monde (…) nous ne représentons
rien avec le spectacle de désolation que nous offrons. Mais c’est dans ce grand
bordel que le pape veut séjourner. Je me dis que c’est Dieu qui veut nous
conduire au salut », confesse à l’AFP sous couvert d’anonymat une
personnalité des institutions de transition, de plus en plus critiquées pour
leur incapacité à rétablir la sécurité deux ans après les massacres
intercommunautaires ayant précipité la Centrafrique dans le
chaos.
Pour
sa défense, le gouvernement de transition pointe régulièrement le fait qu’il n’y
a plus d’armée en Centrafrique et que les forces de police et de gendarmerie
restent embryonnaires. Et que parallèlement les groupes armés – se revendiquant
des milices majoritairement chrétiennes anti-balaka ou de l’ex-Séléka à
dominante musulmane – pullulent à Bangui et en province.
Aussi
la présidente Catherine Samba Panza veut – notamment pour assurer la sécurité du
souverain pontife – le réarmement rapide des soldats des Forces armées
centrafricaines (FACA).
–
‘Saborder la visite du pape’ –
La
grande majorité de ces soldats a été recrutée par l’ex-président François
Bozizé, renversé en 2013 par la rébellion Séléka de Michel Djotodia, lui-même
chassé du pouvoir à la suite de l’intervention militaire française Sangaris en
décembre 2013.
Mais
pour la communauté internationale, un tel réarmement est catégoriquement exclu.
En 2014, la cérémonie symbolique de reformation des FACA s’était soldée par un
désastre à Bangui avec le lynchage atroce et public d’un présumé Séléka par des
soldats.
« Les
FACA doivent d’abord se transformer en une force républicaine, ethniquement
équilibrée, respectueuse des droits de l’Homme, avant d’être
réhabilitées », insiste la Mission des Nations unies en Centrafrique
(Minusca).
Aussi,
la sécurisation d’un pays plus vaste que la France, reste en très grande partie
à la charge des 10.000 Casques bleus et du millier de soldats français de
Sangaris.
Notamment
à Bangui, où pillards et miliciens sévissent et où le gouvernement a mis en
cause la réaction tardive des Casques bleus lors de la dernière vague de
violences meurtrières, fin septembre.
Dans
un récent discours, Mme Samba Panza a fustigé ces « pratiques barbares et
inadmissibles, ayant pour but avoué d’accentuer la fragilisation de la
transition et pour funestes objectifs de saborder la visite du pape
François », attendu à Bangui les 29 et 30 novembre.
–
‘Il y a des armes partout’ –
En
dépit de cela, la présidente souhaite que ces compatriotes accueillent le pape
dans la paix.
La
visite du pape et les élections prévues en principe d’ici la fin de l’année
« doivent être vécus par les Centrafricains comme des évènements
unificateurs, œucuméniques et refondateurs à vivre dans l’apaisement »,
notamment pour la réconciliation entre communautés chrétienne et musulmane,
plaide-t-elle.
Car
la population, très croyante, attend beaucoup de la venue de
François.
« C’est
l’envoyé de Dieu qui arrive. Nous sommes désespérés face à ce que nous vivons,
et inquiets quant à l’avenir du pays », témoigne Maurice Ngoula,
fonctionnaire à la retraite: « et nous ne savons pas comment ça va se
passer dans cette poudrière. Il y a des armes partout à Bangui. C’est dangereux
pour la sécurité du pape ».
« Je
ne sais pas si les forces internationales qui n’ont pas réussi à sécuriser
Bangui parviendront à garantir la sécurité le moment venu » pour le
souverain pontife, relève de son côté un ancien officier de l’armée
centrafricaine sous couvert d’anonymat.
« Le
pape va nous amener le salut. J’y crois et je prie sans cesse pour que tout se
passe bien pour lui », dit Marie Yangbo, une commerçante du centre de
Bangui, illustrant la ferveur et la peur qui règnent à trois semaines de
l’arrivée de François.