La partition de la RCA en ordre de marche ?

 

Dans les chroniques n° 24 datées du 5 décembre 2014, nous avions attiré l'attention des autorités de transition sur les risques de partition de la République Centrafricaine. Les récentes déclarations du porte-parole du FPRC (Front populaire pour la renaissance de Centrafrique), faisant état, ce vendredi 11 décembre 2015, de la création de la République du Logone, viennent confirmer nos craintes.

 

1 – Les éléments précurseurs.

 

Plusieurs faits et gestes laissaient prévoir une telle issue.

 

        En décembre 2014 déjà les éléments de l'ex-Séléka s'opposaient à ce que l'Etat centrafricain déploie ses représentants à N'délé et Kaga-Bandoro. Le préfet du Bamingui-Bangoran avait été blessé par balle à l'occasion de son installation. Le « général » Al Khatim, qui se prévalait du commandement de cette zone avait lancé : « Qui ici va là-bas à Bangui pour commander ? Personne, alors pourquoi ils doivent nous amener des autorités ici »?

        Pendant la même période, l'ambassadeur de France en Centrafrique, accompagné du « général » Moussa Dafhane de l'ex-Séléka, s'était rendu à Bria pour réceptionner les travaux de réhabilitation de la caserne de gendarmerie de cette préfecture du nord de la RCA en vue d'y transférer l'état-major des Séléka établi à Bambari, préfecture de la Ouaka, au centre du pays. Il était alors question des « mesures de confiance », cantonner les rebelles sans les désarmer.

        De son exil togolais, le président autoproclamé et démissionnaire Michel Djotodia avait lui aussi enfourché le cheval de la partition, n'hésitant pas à déclarer que les populations du nord voteraient la sécession si la parole leur était donnée.

        En juillet 2014, lors du Forum de Brazzaville sur la République Centrafricaine, les représentants de la rébellion de l'ex-Séléka avaient posé le principe de la partition comme préalable à leur participation. Il aura fallu tout l'entregent du président congolais Denis Sassou-Nguesso pour les dissuader de persévérer dans cette voie.

        Pis ! En voyage officiell à Ndélé, le chef de l'Etat de la transition, Catherine Samba-Panza, n'a pas hésité à s'adresser à la population en langue arabe, vêtue en la circonstance des attributs des femmes islamiques, alors même que l'arabe n'est ni la langue nationale ni la  langue officielle de la République Centrafricaine.

        C'est dans ces circonstances que le « général » Nourredine Adam, n° 2 de l'ex-rébellion Séléka, s'est lancé cette semaine dans la brèche ainsi ouverte. Indiquant ne tolérer que l'affectation de personnels enseignants ou infirmiers dans la région du Bamingui-Bangoran, il déclarait l'autonomie de la République du Logone. Ce lundi 15 décembre 2015, au lendemain du scrutin relatif à l'adoption de la nouvelle constitution du pays, il faisait lever les couleurs de la nouvelle République en lieu et place du drapeau centrafricain.

 

A l'évidence, le rappel de ces quelques faits et gestes laisse à penser que la partition de la République Centrafricaine était voulue, préparée, acceptée et … programmée.

 

2 – Une partition acquise, sauf si …

 

La partition de la RCA et la création de la République du Logone est une vieille utopie. Le président Ange-Félix Patassé et quelques caciques du mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) en avait caressé les augures. Sous le prétexte de renflouer le dessèchement du bassin du Niger, il alla jusqu'à proposer le détournement des eaux du fleuve Oubangui, par la construction d'un canal d'amenée d'eau depuis Palembo jusqu'au lac Tchad afin de concrétiser cette partition. Le coup d'Etat du général François Bozizé enterra provisoirement l'idée.

 

Quelques théoriciens cependant veillaient : l'universitaire Hamat Mal Mal s'était fait le chantre de cette nouvelle « épopée ». Il définissait ainsi les frontières du nouvel Etat entre la Vakaga, le Bamingui-Bangoran et la Kémo-Gribizi, voire la Haute-Kotto. L'adjonction du Haut-Mbomou et du Mbomou n'était qu'un leurre.

A l'époque, la « République du Dar El Kouti », dont il prônait la création, faisait référence à la période pré-coloniale, lorsque les dites régions étaient la propriété du sultan Rabah et du sultan Sénoussi. Ce dernier était le lieutenant puis le successeur de Rabah, après l'assassinat de ce dernier par les troupes coloniales françaises. La réhabilitation historique de cette période était également portée par un autre universitaire centrafricain, le professeur Bernard Simiti, nommé depuis ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans le 3ème gouvernement de transition du premier-ministre Mahamat Kamoun. Tel le cheval de Troie, l'un des théoriciens de la partition est donc au cœur de l'Etat.

 

La conjonction des initiatives rappelées ci-dessus est sans doute à l'origine de la prétention du chef de l'Etat de la transition visant la réhabilitation des autorités traditionnels et des sultanats !

 

Comme on peut s'en rendre compte, la partition a été pensée et voulue. Il est curieux que les autorités de la transition n'aient pas saisi l'occasion du vote référendaire du dimanche 13 décembre 2015 pour poser la question de l'intégrité territoriale et de l'indivisibilité de la République Centrafricaine. Le débat aurait permis d'y voir plus clair et d'affirmer l'intangibilité des frontières actuelles de la RCA.

 

Tout pousse à croire que la présence d'importantes réserves de pétrole découvertes sur cette portion du territoire n'est pas étrangère à cette politique de sécession. Ce champs d'or noir est contigu aux réserves pétrolifères du Tchad, concédées à la société française Total. L'erreur commise par le dernier gouvernement du président déchu François Bozizé aura été, semble t'il, de promettre la concession de ces réserves de pétrole, côté centrafricain, à des investisseurs chinois.

 

Aujourd'hui, il semble acquis qu'on s'achemine progressivement vers la partition, sauf si l'organisation des Nations Unies, en la personne de son Secrétaire Général, n'y met le holà, par l'intermédiaire des forces internationales intégrées au sein de la Minusca. Ces dernières doivent investir Kaga-Bandoro et procéder à la neutralisation des chefs de guerre qui y sont installés. Les condamnations verbales du Conseil de sécurité n'ont aucune portée, même symbolique, pour ces « ennemis de la paix ».

 

En effet, les rebelles de l'ex-Séléka se sentent forts car ils disposent d'un armement lourd dont sont dépourvues les Forces armées centrafricaines, frappées elles d'embargo. On comprend dès lors pourquoi les « généraux » rebelles considèrent le réarmement des FACA comme une déclaration de guerre, nonobstant le fait que leurs propres troupes sont régulièrement réarmées de fusils mitrailleurs de fabrication israélienne, les mêmes armes que celles en dotation au sein des éléments de la garde présidentielle tchadienne.

 

En outre, il appartient aux différents candidats aux prochaines élections présidentielles en Centrafrique de se prononcer clairement sur ce point, en faisant valoir les voies et moyens qu'ils envisagent de prendre pour faire respecter l'intégrité du pays d'une part et, d'autre part, le sort qui sera réservé aux factieux et autres sécessionnistes du même acabit.

 

L'heure n'est plus aux conciliabules et dialogues improductifs qui sont exigés par les tenants de la partition. Ces consultations n'ont qu'une vertu : gagner du temps en espérant une amnistie générale, et une participation au gouvernement de la République. Les recommandations du Forum inter-centrafricain ainsi que les consultations populaires à la base ont largement débattu de ces questions. Leurs préconisations sont claires : un seul pays, un seul peuple, un seul Etat !

 

Il faut être clair : il n'y a plus rien à négocier.

 

Paris, le 17 décembre 2015

Prosper INDO

Président du CNR