Qui
sont les principaux candidats à la présidentielle en Centrafrique
?
Par
Joan Tilouine - Le Monde.fr Le 15.12.2015 à 12h55 • Mis à jour le 15.12.2015 à
12h59
Entaché
de violences
qui ont fait au moins cinq morts, notamment dans le quartier à
majorité musulmane de PK5 à Bangui, le référendum constitutionnel du
13 décembre avait valeur de test avant la présidentielle. Plusieurs fois
repoussé, le premier tour devrait finalement se tenir
le 27 décembre.
Anicet
Georges-Dologuélé, candidat à la présidentielle en Centrafrique Crédits :
DR
De
retour à Bangui en 2013 après des années d’exil, l’ancien chef du
gouvernement a créé son propre parti politique, l’Union pour
le renouveau centrafricain (URCA), dont la devise est « Rassemblement,
paix, développement ». Le mouvement, essentiellement constitué
d’anciens cadres du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), est
peu présent sur le terrain.
Lire
aussi : Centrafrique
: la candidature de l’ex-président Bozizé rejetée
Agé
de 58 ans, l’économiste de formation a axé sa
campagne sur la nécessité de rétablir la sécurité et
la justice pour pouvoir mettre en œuvre
un programme économique ambitieux, attirer les investisseurs
et créer
de l’emploi. « Pour
édifier cette nouvelle
République centrafricaine, une rupture radicale s’impose. Ce n’est qu’ainsi que
nous construirons une République de l’unité retrouvée dans la paix et la
concorde nationale », dit-il. Et de marteler :
« de 1996
jusqu’à aujourd’hui, la seule période où il n’y a pas eu une crise militaro-politique dans le pays,
c’est quand j’étais premier ministre ».
Karim
Meckassoua, candidat à la présidentielle en Centrafrique. Crédits :
AFP
Il
est le premier candidat à avoir
tenu un meeting, le 5 décembre, au Stade 20 000 Places de Bangui, une
semaine après la visite historique du pape François.
« Elu
demain président de la République, je défendrai deux projets simples. Simples,
mais attendus depuis si longtemps. Le premier : nous réconcilier. Le
second : nous développer », a-t-il proclamé à la tribune.
Convié, le candidat rival, Anicet-Georges Dologuélé, était
présent.
Candidat
musulman indépendant de 63 ans né à Bangui dans une famille de Haoussa au Nigeria, Karim Meckassoua
se présente comme un
« candidat de l’union ». Ingénieur ergonome de formation,
il a fait campagne à grands frais grâce au soutien financier et politique du
président congolais Denis Sassou Nguessou, également médiateur de la crise
centrafricaine, dont il est proche.
Ces
derniers mois, ce candidat sans parti politique ni réel ancrage local a
multiplié les va-et-vient entre Bangui et Brazzaville tout en faisant des
escales à Paris où il dispose de soutiens, au ministère de la défense notamment.
En 2014, Paris et Brazzaville avaient appuyé sa candidature au poste de
président par intérim de la transition, en remplacement de Michel Djotodia. Son
dossier fut rejeté en raison de son passé d’ex-putschiste.
Cet
ancien homme d’affaires, qui a été actif dans le secteur minier, a joué un rôle
de premier plan dans les préparatifs du coup d’Etat du 15 mars 2003 aux
côtés de François Bozizé renversant le président d’alors, Ange-Félix Patassé. A
cette date, Karim Meckassoua est un fidèle allié de François Bozizé qui, une
fois au pouvoir, le nomme ministre des affaires étrangères. Il
occupera cinq ministères différents. Et c’est à l’ambassadeur de Centrafrique en
République démocratique du Congo, Elie Ouefio, l’ancien secrétaire général du
parti de François Bozizé, Kwa Na Kwa (« le travail rien que le
travail » en sango), qu’il a confié sa campagne.
« Réconciliation,
rassemblement, reconstruction ».
A la tête du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), le dernier
premier ministre d’Ange-Félix Patassé (2001-2003) a fait de ce triptyque son
slogan de campagne. « Il n’y
a pas de télévision ni de radio en Centrafrique, hormis à Bangui, alors, il faut
aller
sur le terrain, dans toutes les grandes villes d’un pays dont je
connais chaque commune, chaque préfecture, ce qui est ma
force », estime celui qui avait sans doute remporté l’élection
présidentielle de 2005, face à François Bozizé, et n’a pas reconnu les élections
truquées de 2011.
Il
peut compter sur une formation
très bien implantée sur le territoire avec des antennes dans chacune des seize
préfectures. Martin Ziguélé bénéficie également des réseaux de l’Internationale
socialiste, qui lui ouvre les portes du Parti socialiste
français, de l’Elysée, mais aussi des palais présidentiels d’Ibrahim Boubacar
Keïta au Mali, d’Alpha Condé en Guinée et de Mahamadou
Issoufou au Niger. Une « diplomatie » qui lui
vaut d’être perçu comme le « candidat
de la France »
par certains rivaux, qui mettent en cause son bilan de premier ministre. Lui
s’en défend et rappelle avoir mis en œuvre la première opération « mains
propres », qui avait notamment valu l’incarcération de son ministre d’Etat
aux finances.
Agé
de 58 ans, cet expert en assurances, investi par son parti en
novembre 2014, se veut la figure de proue de l’opposition à François Bozizé
et le candidat leader de cette élection présidentielle. « Mon
premier acte si je suis élu ? Mettre en œuvre un
programme efficace de désarmement, de démobilisation et de réintégration tout en
complétant le mandat de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) pour occuper les zones
minières. »
Candidat
malheureux face à Catherine Samba-Panza pour la présidence de la transition,
Bilal Désiré Nzanga-Kolingba pâtit d’un manque de charisme qui le rend inaudible
ou presque. Pourtant, c’est cet ancien député passé par la Banque mondiale,
plusieurs fois ministre sous François Bozizé, que le Rassemblement démocratique
centrafricain (RDC) a désigné en février pour prendre les rênes du
parti et briguer la magistrature
suprême. Une destinée dynastique pour ce fils de l’ancien président André
Kolingba arrivé au pouvoir par un putsch en 1981 et défait lors de la
première élection démocratique de 1993 remportée par Ange-Félix
Patassé.
Le
parcours de Bilal Désiré Nzanga-Kolingba, 59 ans, qui a mené activement campagne
pour François Bozizé en 2010 dans le fief familial de Basse-Kotto, l’a mené
à se rapprocher de ceux qui
l’ont renversé, à savoir la coalition
rebelle Séléka et l’un de ses chefs, Michel
Djotodia.
Chrétien
converti à l’islam en 1983, selon
ses dires, il s’est discrètement rendu à plusieurs reprises chez l’un des
parrains présumés de la Séléka, le chef d’Etat tchadien, Idriss Déby, qui
cherche à renforcer son influence
politique et militaire en Centrafrique. Toutefois, le RDC de Bilal Désiré
Nzanga-Kolingba souffre d’un manque de moyens et d’une implantation limitée à
deux préfectures sur les seize que compte la Centrafrique. Ce qui peut être
compensé par un soutien de l’ex-Séléka. Mais si son nom renvoie à l’histoire politique du
pays, ce « fils de » est également cité aux côtés des anciens
ministres Simplice Zingas et Abdallah Kadre dans une affaire de détournement de
20 millions de francs CFA déboursés en 2010 par le Trésor pour une
couverture médiatique du cinquetenaire de l’indépendance. Ce que tous deux
démentent. L’affaire est entre les mains de la justice.