Centrafrique
: élection présidentielle l’heure de vérité approche
05
le 05 janvier 2016 à 17h55 – jeunesafrique.com
par
Didier
Niewiadowski - Didier
Niewiadowski est universitaire et ancien conseiller de coopération et d’action
culturelle à l’ambassade de France à Bangui.
Dépouillement
dans un bureau de vote, le 30 décembre 2015 à Bangui. © Issouf Sanogo /
AFP
Trois
ans après les Accords de Libreville et deux ans après le début de la mission
confiée à Mme Catherine Samba-Panza d’organiser des élections crédibles, le
peuple centrafricain a enfin été consulté.
Évidemment,
il l’a été dans des circonstances exceptionnelles. À peu de choses près,
les mêmes que celles qui existaient en 2014. Étant donné les premiers rapports
des élections du 30 décembre 2015, on peut d’ailleurs se demander si des
élections en 2014 auraient été plus difficiles à organiser. Si l’heure de vérité
approche, l’heure de tous les dangers est aussi au
rendez-vous.
Le
réveil tardif des « Ramasse-miettes »
Quinze
jours avant les scrutins du 30 décembre 2015, le référendum s’était déroulé
dans l’indifférence générale. Aucun des candidats présidentiels, déçus par leur
score et qui viennent de se liguer pour dénoncer la « mascarade électorale » du
premier tour des élections présidentielle et législatives, ne s’était
élevé contre cette première mascarade. Pourtant ce référendum engageait l’avenir
du pays et n’aurait pas dû être ignoré par ces défenseurs d’élections crédibles
et démocratiques.
Il
serait souhaitable que ces candidats malheureux, souvent crédités de miettes
électorales ce qui leur vaut le qualificatif habituel de « Ramasse-miettes »,
pensent d’abord à l’intérêt général et essayent de surmonter leur immense et
parfois légitime déception, teintée d’une sourde révolte. Par leur comportement
et leurs déclarations, ils doivent contribuer à sortir le pays de la tourmente
et à apaiser les tensions. En dépit des innombrables irrégularités et des
dysfonctionnements majeurs, les scrutins ne peuvent pas être purement et
simplement annulés. Le processus électoral est irréversible. Il reviendra à la
Cour constitutionnelle de dire le droit. Ayons confiance en elle car elle a
prouvé son indépendance et ses compétences juridiques.
Le
Peuple centrafricain est le seul vainqueur
La
gestion calamiteuse de la Transition, depuis les Accords de Libreville du 11
janvier 2013 n’est plus à démontrer. Rarement une telle incurie, une telle
incompétence, de telles complicités venant de tous les horizons nationaux et
internationaux, de tels pillages des biens publics et privés ont été réunis en
toute impunité. Le Peuple centrafricain a tellement souffert à cause de ces
prédateurs, qui ne sont pas tous venus des pays limitrophes, qu’il s’est levé
pour les chasser par les urnes. Nul doute que le temps d’instruire les
responsabilités des uns et des autres viendra.
N’accablons
pas davantage l’Autorité nationale des élections, véritable bouc-émissaire, qui
a perdu en route ses deux principaux responsables et qui n’avait pas la tâche
facile en l’absence d’un État et d’une administration territoriale. Cette
institution n’a peut-être été qu’un leurre afin de cacher les réalités de la
gouvernance de la Transition.
Le
Peuple centrafricain a retrouvé sa dignité et sa volonté de vivre ensemble. Il
devait le prouver, une nouvelle fois. Il l’a fait le 30 décembre
2015.
La
visite du Saint Père, les 28 et 29 novembre 2015, a-t-elle été « la main de Dieu
» ? En tous cas, le peuple centrafricain a alors apporté un cinglant démenti aux
prophètes de mauvais augures. Quel succès ! Le Peuple centrafricain a retrouvé
sa dignité et sa volonté de vivre ensemble. Il devait le prouver, une nouvelle
fois. Il l’a fait le 30 décembre 2015.
La
défaite des fossoyeurs de la République
Parmi
les « Ramasse-miettes », il y a des hommes intègres et il faut féliciter
certains d’entr’eux qui ont apporté leur contribution à la réconciliation
nationale. Mais il y a aussi des politiciens qui devraient avoir des comptes à
rendre au Peuple centrafricain pour leur passage aux affaires. Des responsables
politiques auront aussi à expliquer leur échec et leur rôle dans la descente aux
enfers de ces trois dernières années. La justice pourrait bientôt s’intéresser à
eux. L’Histoire nous enseigne que l’impunité ne résiste pas au
temps.
Le
bon choix du Peuple centrafricain
Les
résultats partiels et provisoires du premier tour de l’élection
présidentielle, présentés par l’ANE, indiquent une tendance qui
apparaît solide. Deux anciens Premiers ministres, nommés l’un par Ange Patassé
et l’autre par François Bozizé, sont largement en tête devant les fils de deux
anciens présidents de la République, Jean-Serge Bokassa et Bilal Kolingba.
L’Histoire de la Centrafrique est donc bien présente dans ce rendez-vous
déterminant pour le pays. Les deux candidats en tête ont fait une campagne à
leur image : modeste, non racoleuse, fondée sur des valeurs et la compétence.
Les sociétés internationales de communicants, utilisées à grands frais, par
quelques candidats, favoris des medias internationaux, n’ont pas pu influencer
le choix du Peuple centrafricain, notamment de sa jeunesse. Les deux candidats
en tête ont probablement été appréciés pour leurs qualités de gestionnaires et
leur non-compromission avec le régime calamiteux de Djotodia et les dérives de
la Transition qui a suivi.
Que
ce soit au premier ou au second tour, le choix du Peuple souverain sera le bon.
On peut espérer que le candidat classé en seconde position sera associé à la
gouvernance du nouveau Président de la République. La réconciliation et la
concorde devront aussi l’emporter sur la division et l’affrontement. L’heure de
l’Union nationale a sonné !