Présidentielles
en Centrafrique :
A
l'aube du deuxième tour, les soutiens...
Depuis
ce samedi 6 février 2016, les soutiens aux deux candidats qualifiés pour le
second tour des élections présidentielles se manifestent. La boucle semble
bouclée avec le ralliement du rassemblement démocratique centrafricain à Anicet
Georges Dologuélé, et celui du Mouvement de libération du peuple centrafricain à
Faustin Archange Touadéra.
1
– Pour quelques postes ministériels de plus.
En
prenant position pour le candidat Dologuélé, le rassemblement démocratique
centrafricain de Désiré Kolingba semble avoir vendu son âme. En effet, cette
prise de position n'engage pas l'ensemble du parti de l'ancien président André
Kolingba, dont on se doute bien qu'une partie des militants et sympathisants du
RDC se détourneront de ces consignes de vote. A en croire le secrétaire général
adjoint du parti, ce ralliement est un pacte destiné à faire participer le RDC à
la politique de reconstruction du pays, si leur favori est élu, dans le cadre
d'un projet de gouvernement.
Après
le Kwa na kwa, le parti du président déchu François Bozizé qui s'était engagé
dès avant le premier tour en faveur du candidat Dologuélé, et dont une partie
des électeurs avaient fait défection, on peut craindre que Désiré Kolingba ne
subisse le contrecoup de ce choix personnel.
Cet
engagement du RDC en faveur du candidat de l'URCA consacre l'éclatement de
l'alliance des forces démocratiques pour la transition (AFDT), puisque le MLPC prend en ce qui le concerne le
contre-pied du RDC et se range derrière Touadéra. La suite dira qui a fait le
bon choix, dans la perspective des élections législatives.
Arithmétiquement,
la comptabilisation de la balance des ralliements penche en faveur du candidat
indépendant Touadéra. Ce dernier réussit ainsi à obtenir le soutien de 27 sur 30
des candidats du premier tour de scrutin. Il apparaît donc comme le président du
plus grand rassemblement ; il reste à traduire ce succès dans les
urnes.
2
– Eviter la stratégie du boa constrictor.
Pendant
que démarre la campagne du deuxième tour des élections présidentielles, de
sordides révélations continuent d'alimenter les sombres chroniques
centrafricaines.
Ainsi,
de nouveaux scandales d'abus sexuels contre des mineures impliquant des soldats
de la Minusca sont dénoncés à Bambari. Pour une fois, l'ONU réagit promptement
et consigne les troupes concernées dans leur campement en attendant les résultat
de son enquête. L'organisation des Nations Unies doit désormais aller au bout de
sa logique. Si les faits sont avérés, les troupes concernées, celles de la
République du Congo, doivent être rapatriées dans leur pays d'origine afin que
les coupables y soient jugés et sanctionnés.
Pour
sa part, le futur président élu devra rapidement se saisir de ces abus et agir,
en installant et rendant opérationnelle la Cour pénale spéciale d'une part, en
engageant la réforme des forces armées centrafricaines de défense ainsi que
celles des forces de sécurité intérieure (police et gendarmerie) d'autre
part.
Le
second scandale révélé tient aux documents rendus publics par l'association
Wikileaks aux termes desquels il apparaît que la société française AREVA,
propriétaire des mines d'uranium de Bakouma, aurait négligé la sécurité de ses
employés, foreurs, aides foreurs et agents de laboratoire travaillant sur le
site uranifère. Pis, la société qui a quitté la RCA dès 2012 aurait par ailleurs
« procédé volontairement au formatage des disques durs de tous les
ordinateurs du groupe sur le site, au verrouillage du serveur et a emporté toute
la documentation existante », rendant ainsi tout contrôle
inopérationnel.
L'existence
des gisements uranifères de Bakouma empoisonne le climat politique du pays
depuis trop longtemps, sans que personne n'en perçoive les dividendes. Sous
Bozizé, le gouvernement centrafricain aurait cédé sa participation contre 400
millions de francs CFA et l'engagement d'AREVA de construire une école et un
dispensaire localement. Ces deux structures n'ont jamais vu le
jour.
Le
scandale que constitue l'exploration des gisements d'uranium de Bakouma exige du
nouveau président une décision forte : reprendre le contrôle de ce
gisement, en attendant la construction d'une ligne de chemin de fer qui rendrait
son exploitation profitable pour le pays.
Pour
mettre fin rapidement à ces deux scandales, le président qui sera élu doit avoir
les mains libres, et ne pas succomber à la stratégie du boa constrictor qui
verrait ses soutiens l'étouffer. Il ne doit point subordonner leur ralliement à
la promesse de quelques postes ministériels dont ces derniers en tireraient
bénéfice pour eux-mêmes et non pour la nation. Ces petits arrangements entre
amis ont jusqu'ici fait du tort à la République, en mettant des incompétents et
des escrocs à la tête de départements qu'ils ne maîtrisaient pas. Le temps est
venu de faire table rase du passé.
Paris,
le 8 février 2016
Prosper
INDO
Président
du CNR