Abus sexuels par des militaires français en Centrafrique: le parquet de Paris ouvre une nouvelle enquête

AFP 05 avril 2016

Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur de nouveaux soupçons d'abus sexuels évoqués par l'ONU la semaine dernière et visant des militaires français basés en Centrafrique, a-t-on appris mardi de source judiciaire.

Le parquet a reçu via le ministère de la Défense une dénonciation des Nations unies sur des soupçons d'exploitation et d'abus sexuels, de 2013 à 2015 à Dékoa (est), impliquant des militaires français. Selon la source, ce signalement ne donne pas de précision sur le nombre de victimes, leur âge, ou le nombre de militaires impliqués.

L'enquête, ouverte vendredi, est confiée à la gendarmerie prévôtale, chargée d'enquêter sur les crimes et délits commis par des militaires français lors d'opérations extérieures.

La semaine dernière, l'ONU a révélé avoir reçu des informations selon lesquelles des soldats français de Sangaris auraient forcé en 2014 des jeunes filles à avoir des rapports sexuels avec des animaux en échange d'une somme d'argent.

Des responsables de l'ONU ont pu interroger 108 victimes présumées d'abus sexuels, en "grande majorité" des mineures, a indiqué la semaine dernière Stéphane Dujarric, le porte-parole de l'ONU.

Outre la France, la centaine d'allégations concerne les contingents burundais et gabonais de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca), présents dans la région de Kémo, entre 2013 et 2015.

Selon un rapport de l'ONG AIDS-Free World, trois jeunes filles ont affirmé à un officier des Nations unies qu'en 2014, elles avaient été déshabillées et attachées par un militaire de Sangaris à l'intérieur d'un camp et auraient été forcées d'avoir des relations sexuelles avec un chien. Chacune a ensuite reçu de l'argent, selon l'ONG. Ces faits "n'ont pas été confirmés", selon le porte-parole de l'ONU.

En France, une information judiciaire confiée à un juge d'instruction et une enquête préliminaire du parquet de Paris sont déjà en cours sur plusieurs accusations de viols portées par des mineurs centrafricains contre des soldats de la force française Sangaris. Cinq soldats de Sangaris ont été entendus dans le cadre de l'instruction sans être inculpés.

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Casques bleus accusés de viols en Centrafrique: trois soldats comparaissent en RDC

AFP – le 05 avril 2016

Un sergent-major de l'armée congolaise comparaît devant le tribunal militaire de Kinshasa pour viol et violation des instructions, lors du procès des soldats congolais de la Minusca, le 4 avril 2016
Un sergent-major de l'armée congolaise comparaît devant le tribunal militaire de Kinshasa pour viol et violation des instructions, lors du procès des soldats congolais de la Minusca, le 4 avril 2016

Trois soldats congolais ont comparu lundi devant la justice militaire à Kinshasa dans le premier procès lié au scandale des violences sexuelles éclaboussant la force onusienne de maintien de la paix en Centrafrique à s'ouvrir en République démocratique du Congo.

Les trois sous-officiers, anciens du contingent congolais de la Mission de stabilisation des Nations unies en Centrafrique (Minusca) sont apparus en veste bleue de prisonnier devant le tribunal militaire de Ndolo, prison militaire du nord de la capitale congolaise.

Au total, 21 soldats congolais doivent être jugés pour viols ou tentatives de viols sur des civils centrafricains par cette cour. Les 18 coaccusés étaient présents à l'audience.

"Le sergent Jackson Kikola est poursuivi pour viol sur [jeune fille] de 17 ans et pour violation des consignes [...] le sergent-major Kibeka Mulamba Djuma est poursuivi pour violation des consignes et viol", et "le sergent-major Nsasi Ndazu est poursuivi pour tentative de viol et violation des consignes", a déclaré le sous-lieutenant Ngoy Mposhi, officier du ministère public en donnant lecture de l'acte d'accusation.

Interrogés par le tribunal, les accusés ont rejetés ces accusations, déclarant qu'ils n'étaient pas coupables des faits qui leur sont reprochés.

"Pour ce procès, nous voulons la transparence absolue", a déclaré à l'AFP le ministre de la Justice congolais, Alexis Thambwe Mwamba, "quelques individus ne peuvent discréditer notre armée".

A raison de trois audiences par semaines, le procès pourrait durer plusieurs mois.

L'ONU fait face depuis plusieurs mois à un scandale planétaire lié aux viols dont sont accusés des Casques bleus en opération dans des pays où ils sont censés protéger les populations.

Selon le dernier rapport annuel du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, 69 cas d'agression sexuels auraient été commis par des Casques bleus en 2015, en "nette augmentation" par rapport à 2014.

A elles seules, deux missions cumulent la moitié des cas: la Minusca et la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la RDC (Monusco).

Selon les règles onusiennes, seuls les pays fournisseurs de soldats aux missions sont habilités à sanctionner pénalement les coupables.

Interrogée par l'AFP, Ida Sawyer, de l’organisation Human Rights Watch (HRW) en RDC a estimé que l'ouverture du procès à Ndolo était "une première et bonne étape pour la fin de l'impunité et pour montrer qu'il y a des conséquences à ce type de comportements".

Rappelant qu'il n'y a avait pas que des militaires congolais accusés d'agressions sexuelles en Centrafrique, elle a appelé tous les pays concernés à prendre "très au sérieux" les accusations visant leurs soldats afin que soit rendue une "vraie justice".

Pour Venance Kalenga, qui a assisté à l’audience comme observateur pour l'ONG de défense des droits de l'Homme congolaise Action pour l'accès à la justice (ACAJ), "l’absence des victimes constitue un obstacle majeur dans la manifestation de la vérité".

A l’issue des travaux d’une commission d’enquête dépêchée en Centrafrique en août 2015, la justice militaire congolaise avait classé sans suite une première série de plaintes contre des Casques bleus originaires de RDC.

Après de nouvelles mises en causes visant certains de ses soldats le contingent de la RDC au sein de la Minusca a été rapatrié par étapes. Depuis la fin de cette opération fin février, des hommes de ce contingent ont été visés par huit nouvelles accusations de violences sexuelles (dont sept sur mineurs).