Lettre ouverte à
Monsieur Faustin Archange Touadéra.
Monsieur le
Président,
Peut-être me
lirez-vous. Je vous fais cette lettre, d'abord pour vous adresser mes sincères
félicitations, et ensuite pour vous mettre en garde contre le complexe d'Icare,
et contre la tentation de vous mouler dans les pires habitudes des politiciens
qui ont mené la République Centrafricaine dans le gouffre dans lequel elle se
trouve.
La victoire annoncée
se concrétise, par 62,71 % de voix en votre faveur contre 37,29 % pour votre
concurrent, en attendant les lissages habituels de la Cour constitutionnelle de
transition pour tenir compte des recours éventuels.
Le score est sans
appel mais on aurait tort de pavoiser. Une victoire, la plus nette soit elle, ne
suffit pas à assoir la démocratie. Il est des victoires qui affaiblissent la
République, laquelle a pour devoir de rassembler tous les fils et filles de la
Nation.
En l'occurrence, ce
n'est pas la victoire de Boy-Rabé contre tous les autres, mais la victoire de
tous autour de votre seul nom. L'oublier serait une faute.
Une chose est sûre en
effet : faire confiance à la cohorte des conjurés d'hier constituerait un
aveu de faiblesse qui vous perdra. La reconnaissance n'est pas synonyme de
servilité. Il serait donc illusoire de ramener au pouvoir les Bozizé, père et
fils, leur clan et leurs courtisans. Dix ans au faîte de l'Etat les ont
corrompus. Il en va de même des seigneurs de guerre de l'ex-alliance Séléka et
leurs thuriféraires. Ils ont semé l'apocalypse dans le
pays.
Vous avez été élu,
seul membre dudit sérail, pour clore définitivement la page de cette parenthèse
historique. Il importe donc de vous dégager de cette gangue putride et proposer
au peuple centrafricain tout entier la Voie de l'excellence, fondée sur
l'éthique de responsabilité que vous appelez de vos vœux.
Je ne saurais trop
vous conseiller de vous rapprocher de nos Chefs de terre, ceux-là ont protégé
nos concitoyens au plus fort de la tourmente contre les affres de la guerre
civile interconfessionnelle. Ils ont pris votre parti lors de ce scrutin
présidentiel, répondant à mon appel. Ils seront d'un bon conseil pour
l'avenir.
Quant au gouvernement
de la République, vous avez les mains libres ; les expertises et
compétences ne font pas défaut, à condition de bien les choisir. Une quinzaine
d'hommes et de femmes déterminés suffira à la tâche de reconstruction. Ils
devront partager une même communauté d'esprit, de fortes convictions dans le
futur de notre pays et, surtout, avoir la ferme volonté de servir l'intérêt
général, ce bien précieux.
En toute logique, le
chemin est tout tracé : d'abord rétablir la sécurité, ensuite redéployer
l'Etat et ses services publics, puis refonder notre économie nationale. Comme
dans la théorie des trois vagues, chaque étape devra prendre le relais de la
précédente avant qu'elle n'atteigne son apogée. C'est la condition de votre
succès.
Au plan strictement
politique, il reste à considérer les résultats définitifs des élections
législatives pour connaître le rapport des forces au sein de notre corps social,
et savoir sur quelles entités constituées vous devez vous appuyer. Encore une
fois, il faudra vous tenir à l'écart des compromissions et des calculs
opportunistes des politiciens ralliés de la dernière heure. Ils ne visent que
leur intérêt propre.
L'essentiel consiste
à établir un pouvoir fort en face d'une opposition démocratique crédible et
respectée, en renforçant l'autorité des institutions républicaines. C'est dans
ce cadre que votre concurrent devra avoir toute sa place, et jouer un rôle dans
la République.
En ce qui vous
concerne personnellement, vous voici devenu l'archange chargé de conduire
l'arche centrafricaine vers des eaux moins troubles et moins
tumultueuses.
Le travail ne
manquera pas, mais les cinq années à venir me paraissent y
suffire.
Paris, le 22 février
2016
Prosper
INDO
Président du CNR