Pourquoi
la France se désengage-t-elle en Centrafrique ?
Propos
recueillis par Malo Tresca, la-croix.com - le 14/07/2016 à
16h51
Le
chef de l’État a annoncé mercredi 13 juillet que la France mettrait
définitivement fin, en octobre, à son opération militaire Sangaris en
Centrafrique alors que le pays connaît un regain de
tensions.
Lancée
en décembre 2013, la mission ne compte plus que 350 soldats sur place,
contre 2 000 au plus fort de la crise.
« Involontairement,
les forces françaises et onusiennes ont finalement favorisé l’instauration d’un
système de cogestion du pouvoir entre Bangui et les milices rebelles »,
explique Roland Marchal*, spécialiste de la Centrafrique et chercheur au CNRS et
à l’Institut d’études politiques.
Francois
Hollande en visite à Bangui le 13 mai 2016. / STEPHANE DE
SAKUTIN/AFP
« Le retrait de l’opération Sangaris
en Centrafrique relève de la logique purement politique :
la France veut se désengager parce qu’elle n’a pas d’intérêt stratégique dans le
pays. Sangaris n’a jamais été une opération très populaire. Les forces
françaises sont déployées sur d’autres fronts aux enjeux politiques et
médiatiques plus importants, comme en Syrie, en Irak, ou au Sahel et en appui à
la lutte contre Boko Haram.
De
plus, l’opération française en République centrafricaine (RCA) a été mal
préparée politiquement. Les revendications de la Seleka, la coalition des forces
rebelles, ont été ignorées trop longtemps. Les Français n’ont pas non plus
anticipé l’émergence des anti-Balaka, les milices d’autodéfense, persuadés que
tous les problèmes venaient de la Seleka.
Des
promesses non tenues
La
France a poussé la communauté internationale à se focaliser sur la tenue de
nouvelles élections, sans avoir approfondi le processus de réconciliation ni
renoué un dialogue politique dans le pays. Le gouvernement centrafricain se
retrouve maintenant confronté à d’importantes difficultés, parce que les
promesses faites aux mouvements armés pour aller le plus rapidement possible aux
élections n’ont pas été tenues.
Involontairement,
les forces françaises et onusiennes ont finalement favorisé l’instauration d’un
système de cogestion du pouvoir entre Bangui et les milices rebelles sur
l’ensemble du territoire. Remettre cette situation en cause ne peut que
provoquer des affrontements.
Mettre
fin au système de cogestion
Les
tensions centrafricaines ne sont pas uniquement liées à la faiblesse militaire
du gouvernement. Les autorités doivent relancer le dialogue intercommunautaire,
négocier avec les mouvements rebelles : tout cela n’exige pas
forcément des fonds importants ou une force militaire
conséquente.
Le
président Faustin-Archange Touadéra n’est là que depuis quelques mois, il est
encore trop tôt pour savoir s’il pourra corriger les erreurs de la transition et
avancer dans la réconciliation. Mais pour restaurer l’autorité du gouvernement
légitime, il faudra mettre fin à ce système de cogestion entre le gouvernement,
les forces internationales et les rebelles.
Or,
restées seules, les forces de la Minusca, la mission de stabilisation des
Nations unies en Centrafrique, sont réticentes à le faire parce qu’elles savent
que cela engendrerait de nouvelles tensions avec les combattants de la Seleka et
avec les anti-Balaka. Alors, pourquoi prendre le risque de mourir pour
Bangui ? »
Propos
recueillis par Malo Tresca
*
Roland Marchal,
spécialiste
de la Centrafrique, chercheur au CNRS et à l’Institut d’études politiques
(Sciences-Po Paris).