Tarissement
progressif de l'Oubangui. Je n'irai pas aux plages de Bangui (Alerte!)
Les
données disponibles permettent d'affirmer sans réserve que nous assistons depuis
70 ans à un phénomène de tarissement progressif de
l'Oubangui.
Les
bancs de sable qui émergent à chaque saison de pluie sont l'une des
manifestations les plus visibles. Ceux-ci, loin d'être un clin d'œil éphémère du
ciel à cette ville qui ne dispose pas de littoral maritime, est plutôt le
symptôme visible de la mauvaise santé du fleuve.
C'est l'une des raisons qui
fondent mon opposition au projet du transfert des eaux de l'Oubangui vers le lac
Tchad: le fleuve Oubangui est malade.
Les
images qui suivent, prises à Bangui le 23 mars 2016 indiquent d'une part la
rigueur de cette saison sèche et constituent d'autre part le marqueur du
tarissement du fleuve.
Il
y'a une dizaine d'années, même en saison sèche, Bangui était toujours distante
de l'île des singes d'environ 430 mètres. Cette année, le fleuve est coupé
en deux. Bangui se trouve à seulement 50 mètres de l'île des singes. Le lit du
fleuve, un dépôt de matières organiques et d'objets ménagers est visible.
J'ai parcouru cette parcelle nouvelle d'environ 600m/380m.
Au
rythme actuel, le fleuve permanent ne sera plus qu'un souvenir. Il est
urgent qu'une vaste campagne pour la sauvegarde de nos cours d'eau soit lancée.
l'Oubangui,
face visible d'un pays dont l'édification fut longtemps une simple vue de
l'esprit.
Clément De-Boutet M'bamba [27/03/2016]
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BARRAGE SUR L'OUBANGUI
( réaction à l'article de Clément de Boutet M'bamba
)
L'oubangui, je l'ai vue
vieillir, comme les humains. Peut-être même plus vite que les humains. Quand
j'étais enfant à Mobaye, la rivière roulait des eaux vives, depuis les rapides,
qui me paraissaient éternelles. Je la voyais déboucher de nulle part, se
rétrécir en arrosant les deux centres- villes, avant de s'élargir peu après, au
niveau du quartier Tongba Vondo, qui faisait face à une plage d'un demi
kilomètre en territoire zaïrois. C'était avant la construction du barrage
hydroélectrique de Mobutu.
Harcelé par son
opposition, le président zaïrois s'était replié dans son village de Gbadolité,
et avait décidé de construire un barrage sur l'Oubangui.
Entre-temps, j'avais
quitté la ville de Mobaye. Quand je l'ai revue, la rivière avait pris un sacré
coup de vieux. Vue du quartier Tongba Vondo, sa face était parcheminée,
constellée d'îlots de sable, comme celle d'un varioleux. Je n'en croyais pas mes
yeux. Les eaux ne bondissaient plus, dressées sur leurs pattes de scolopendre,
plus rapides que celles d'un guépard. Elles rampaient entre les obstacles, ou
faisaient du surplace comme un python alourdi par son
gueuleton.
En amont, elles
auraient détruit des villages dont les propriétaires auraient été indemnisés par
le maréchal. Plusieurs hameaux de Ndia ont été engloutis par les flots. Le grand
léopard aurait-il oublié qu'un barrage est une retenue d'eau qui fait grossir la
rivière en amont ?
Je demande des
nouvelles des hippopotames qui se trouvaient à une quinzaine de kilomètres, en
aval de Mobaye.
--- Ceux qui ont
échappé aux fusils de la garde prétorienne de Mobutu se sont éloignés de la
rive, et se cachent dans la forêt, me répondit mon interlocuteur. Ces animaux
amphibies ont changé de mœurs, ou ont dû descendre la rivière sur plusieurs
kilomètres pour retrouver leur biotope.
Quand Mobutu est revenu
vivre dans son village, il s'est entouré d'une défense en cercles concentriques.
Malheureusement pour les pachydermes, les soldats qui se trouvaient loin du
centre, n'avaient pour manger que leurs fusils et que leurs
munitions.
Aujourd'hui, ce sont
les groupes armés qui tiennent la rive droite de la rivière. Et qui pillent,
rançonnent et violent. Si l'Oubangui pouvait parler, elle nous dirait, avec les
mots de Chirac, que pour elle aussi, les ennuis volent en
escadrille.
Pauvre Centrafrique, bourrée
de soucis ! Qui va nous rédimer la rivière de tous les obstacles qui
menacent de l'étouffer ? Commençons par ne plus la considérer comme une
poubelle.
Une catastrophe majeure se
prépare. Nous risquons une fois de plus d'être pris de
court.
L'article de Clément
de Boutet M'bamba m'a rappelé que j'avais consacré plusieurs poèmes de mon
recueil Deuil national ( qui paraîtra bientôt ) aux rivières de
Centrafrique.
GBANDI Anatole
(30/03/2016)