«Nous
sommes en train de développer un accord de paix et de réconciliation en
RCA»,
Professeur
Mohamed El Hacen Ould Lebatt
RFI,
Par Carine Frenk - 14/02/2017.
Depuis
le mois de novembre, l’Union africaine a pris les rênes de la médiation pour
tenter de réunir le gouvernement centrafricain avec l’ensemble des groupes
rebelles et parvenir à un accord de paix et de réconciliation. Les contacts sont
pour le moment plutôt souterrains. Mohamed El Hacen Ould Lebatt, représentant
spécial de l’Union africaine pour la République centrafricaine et chef de la
Mission de l’UA pour l’Afrique centrale, est l'invité matin de
RFI.
RFI
: Professeur Mohamed El Hacen Ould Lebatt, alors que les violences font rage sur
le terrain, l’Union africaine cherche une solution négociée
?
Professeur
Mohamed El Hacen Ould Lebatt : Oui, tout à fait. Nous
sommes en train de développer une initiative qui s’appelle Initiative africaine
pour un accord de paix et de réconciliation entre le gouvernement et les groupes
armés. Cela inclut l’ensemble du groupe anti-Balaka et le groupe issu de
l’ex-Séléka. Cette initiative, qui a été décidée avant le Sommet
extraordinaire de la CEEAC qui s’est tenu le 30 novembre à Libreville, vient
d’être endossée par le
Sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à
Addis-Abeba les 30 et 31 janvier. Elle est portée par
l’Union africaine, la CEEAC, la CRGL et certains pays africains de la
région.
Le
président Touadéra a déjà ouvert un dialogue. Quelle est l’utilité d’une
démarche parallèle ?
Cette
démarche consiste à renforcer la politique sage du président
Touadéra, qui est une politique de main tendue à tous les
fils et filles du pays. Beaucoup de gens y ont adhéré, y compris un certain
nombre de groupes armés dans le cadre de la stratégie du DDR qu’il a initié avec
le soutien des partenaires internationaux, mais il en reste en dehors et nous ne
sommes pas encore parvenus à une paix totale sur l’ensemble du pays, après ces
derniers événements et nous voulons en finir avec cette situation. Il y a un
besoin de renforcer cette politique.
Et
quelle forme pourrait prendre ce nouveau dialogue
?
Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui
souhaitent ici ou là qu’on revienne à un dialogue inclusif, large, incluant tout
le monde. Je ne me prononce pas sur cela. Ce que je sais c’est que l’initiative
africaine actuelle est exclusivement limitée aux groupes armés. Mais dans la
constellation des groupes armés, il est inclusif. Nous n’entendons pas exclure
un quelconque groupe armé.
Des
contacts ont eu lieu en Angola
?
Il
y a quelques contacts qui ont eu lieu en Angola, il y a des contacts aussi que
la mission de l’Union
africaine a entamés avec la CEEAC en RCA elle-même et
nous les poursuivons. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de lancer, au nom de
l’Union africaine, un appel sincère et pressant à tous les groupes armés pour
cesser immédiatement les actes de violence contre les civils, entre eux-mêmes et
contre les forces internationales, puisque sans ce cessez-le-feu général nous ne
pouvons absolument pas engager un processus de discussion entre le gouvernement
et la poursuite de ces actes par un quelconque groupe aujourd’hui – que ce soit
à Bria, à Bambari ou à Markonda, etc, etc – et la poursuite de ces actes de
violence nous la considérons comme une manière de saboter nos efforts et nous
aurons à le dire. Et pour le moment rien ne laisse penser qu’ils vont
écouter. Les combats de ces derniers jours sont particulièrement
violents.
Je
ne partage pas tout à fait votre pessimisme. C’est vrai que les combats ces
derniers temps sont violents, c’est pourquoi nous sommes en train d’accélérer le
processus pour l’initiative africaine. Donc ce n’est pas une menace, c’est un
souhait de faire entendre raison à ceux qui sont engagés. Nous leur offrons
aussi une autre alternative. Nous leur offrons l’alternative d’envisager
l’avenir dans la paix, la discussion et l’échange avec
l’autre.
Est-ce
que l’amnistie des chefs comme Nourredine Adan fait partie des questions qui
sont sur la table ? Le président Touadéra comme les partenaires refusent de
consacrer l’impunité ?
A
l’Union africaine nous n’avons pas de tabou. On peut discuter de tout et ce
n’est pas impossible. La Centrafrique n’est
pas le seul pays qui ait connu des massacres, des guerres, des violations
massives des droits de l’Homme et des crimes contre l’humanité. Nous apportons
des solutions appropriées qui aménagent le droit, la justice et les impératifs
politiques de réconciliation. Mais c’est une décision qui appartient dans ce
domaine exclusivement et souverainement aux
Centrafricains.
Pourquoi
ne pas choisir l’option militaire pour ceux qui refusent la main tendue ?
Beaucoup le demandent en Centrafrique.
Oui,
parce que l’option militaire - soyons francs - n’est pas praticable pour une
série de raisons. Soit l'absence de mandat des forces internationales, soit
l'absence de moyens et de volonté. Et donc, il s’impose de régler le problème du
pays, d’entreprendre la voie politique qui est la voie africaine par
excellence.
Depuis
des mois, ce discours est tenu, mais sur le terrain ce sont les combats, les
affrontements, les violences...
L’initiative
africaine est quelque chose de tout à fait nouveau. Et d’ailleurs c’est pourquoi
pour la première fois je m’exprime là-dessus de façon publique. Je pense que
maintenant que nous sommes engagés là-dedans et qu’il y a une plus grande
compréhension des acteurs internationaux, en particulier des Nations unies, je
suis assez optimiste quant au progrès de cette initiative, quant à son
aboutissement et quant à son aboutissement dans des délais raisonnables.
Maintenant il ne faut pas non plus bousculer les choses pour faire n’importe
quoi. Il faut avancer de façon méthodique, cohérente et en s’assurant que tout
le monde accompagne le mouvement.
http://m.rfi.fr/emission/20170214-rca-centrafrique-accord-paix-reconciliation-ua-ould-lebatt