Le Centrafrique et l'affaissement moral de la République.

 

Alors que les tueries se poursuivent un peu partout dans l'arrière pays, le Comité du suivi des recommandations du Forum inter-centrafricain de Bangui publie l'état d'avancement de ses activités, deux ans après la fin des travaux dudit dialogue inclusif.

 

Présidé par Joseph Bindoumi, magistrat, ancien procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bangui, ancien ministre de la justice du président François Bozizé, ancien ministre de la défense nationale du chef de l'Etat de la transition Catherine Samba-Panza, ancien ou encore – nul ne sait – président de la Ligue centrafricaine des droits de l'Homme, le rapport du Comité de suivi du Forum de Bangui traduit fidèlement l'escroquerie intellectuelle qui prévaut au sein des élites.

 

On ne reviendra pas ici sur la composition de ce comité, une équipe de bric et de broc, dont certains membres étaient déjà membres du comité de suivi des Accords de Libreville sur le dialogue politique inclusif de 2008, avec les résultats que l'on sait.

 

En ce qui concerne le Forum de Bangui, le recensement des recommandations exécutées, fait état des résultats médiocres (13,91 %) pour la sécurité, insuffisants pour la justice (12,96 %), et insignifiants (3,22 %) pour le développement économique et social. Il ne peut en être autrement car seule la sécurité garantit la libre circulation des biens, des hommes et des capitaux, condition sine qua non de tout processus de croissance économique te de développement social.

 

Le chiffre mirobolant concernant les résultats exécutés relatifs à la gouvernance (53,19 %) ne doit pas faire illusion ni impressionner. Il s'agit globalement de l'installation, par décret présidentiel, des institutions centrales destinées à  instruire la bonne gouvernance. En tout état de cause, il ne s'agit que de la nomination d'amis, parents et autres comparses à des postes juteux mais honorifiques. En effet, l'existence de ces instances de contrôle n'a aucune incidence ni aucun impact sur la vie quotidienne des citoyens centrafricains.

 

Le Comité de suivi des recommandations du Forum de Bangui n'ayant aucun pouvoir, ni de sanction ni d'injonction, on se doute que cet exercice de compilation demeurera sans effet. Les chiffres bruts relevés ci-dessus viennent contredire les évaluations satisfaisantes accordées à certains membres du gouvernement du Premier-ministre Mathieu Simplice Sarandji par le journal en ligne CNC du 17 août 2017.

 

En témoigne l'affaire des élections présidentielles truquées dont se gargarise le Chef de l’État de la transition.

Si Mme Samba-Panza dit vrai, alors le Conseil constitutionnel devrait s'interroger sur son organisation interne et son fonctionnement, d'avoir validé des résultats faussés délibérément.

Si Mme Samba-Panza dit vrai, alors la présidente de l'agence nationale des élections (ANE) devrait démissionner et saisir la justice, sauf à se faire complice objective d'une malversation électorale.

Si Mme Samba-Panza dit vrai, alors le Procureur de la République près le TGI de Bangui devrait ouvrir une information préliminaire pour connaître des circonstances d'une fraude électorale aggravée par au moins cinq circonstances, dont la menace ou la pression.

Si Mme Samba-Panza dit vrai, alors les députés centrafricains devraient exiger la constitution d'une commission d'enquête parlementaire visant à connaître qui, où, quand, comment a été organisé une fraude visant à fausser les résultats d'une élection démocratique.

Si Mme Samba-Panza dit vrai, alors le Chef de l'Etat centrafricain, bénéficiaire présumé des dites fraudes, devrait venir devant les Centrafricains témoigner de son innocence et de sa bonne foi dans cette forfaiture qui écorne sa propre légitimité.

Si Mme Samba-Panza dit vrai, alors le président de la Commission exécutive de l'Union africaine (UA) devrait s'interroger sur la capacité de cette dernière à représenter l'institution continentale dans le processus d'observation et de contrôle des différents scrutins organisés partout en Afrique, en particulier en Côte d'Ivoire, au Sénégal, etc.

La jeunesse africaine devrait collectivement se sentir responsable et comptable de ces pratiques qui violent sa liberté et qui font que la démocratie en Afrique est une foutaise ou, pour parler comme en Mai 68, « Élections, pièges à cons » !

 

En résumé, sans sécurité ni justice, il n'y aura ni amélioration notable du niveau de vie économique de la population centrafricaine, ni son émancipation politique, ni son évolution sociale. C'est le dépérissement moral de la République et de ses institutions.

 

Paris, le 28 août 2017

 

Prosper INDO

Économiste.

Carte RCA et Afrique centrale