Quel
avenir pour la Centrafrique ?
Jeune Afrique - 20 février 2017 à 19h30
par
Didier Niewiadowski
Des éléments de la force Sangaris à Bambari, en Centrafrique, le 22 mai 2014. ©
Jerome Delay/AP/SIPA
Le
risque d'un scénario à la somalienne, évoqué dès 2013, n’est toujours pas
écarté.
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Certes,
Bangui n’est pas Mogadiscio. Les bandes armées de l’ex-Séléka ne sont pas
comparables aux milices shebabs et les razzieurs centrafricains ne sont pas des
jihadistes. De nombreux faits montrent néanmoins que les fonctions régaliennes
disparaissent inexorablement sur une grande partie du
territoire.
Il
est aujourd’hui admis que près de 60% du territoire national soit sous le
contrôle de bandes armées qui prélèvent l’impôt, contrôlent les voies de
communication et rackettent la transhumance du bétail. Les appels au secours des
religieux et de quelques rares députés restent sans écho. La partie orientale du
pays, de plus en plus tournée vers le Darfour (Soudan) et le Bahr el-Ghazal
(Soudan du sud), se détache progressivement d’un pays dont l’existence en tant
qu’État unitaire est en question.
Va-t-on
vers un scénario à la Puntland, ou à la Somaliland ?
L’actuelle
« cogestion » du pays peut très bien se transformer en plusieurs
entités politico-administratives, comme ce fut le cas dans l’ex-Somalie. Va-t-on
vers un scénario à la Puntland, c’est-à-dire vers le fédéralisme, ou plutôt vers
un Somaliland, tourné radicalement vers un État indépendant
?
La
quasi-totalité des Centrafricains rejette avec force une telle perspective. La
République centrafricaine peut rester un État unitaire, mais à la condition que
de profonds changements soient apportés dans la
gouvernance.
Des
partenaires présents
Les
partenaires techniques et financiers ont montré leur attachement à ce pays,
notamment lors d’une récente table ronde à Bruxelles. Christine Lagarde a
récemment confirmé les bonnes dispositions du FMI, mais elle a aussi rappelé les
engagements de la partie centrafricaine qui tardent à se
concrétiser.
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Dans
un contexte de sécurisation très difficile, on peut saluer le changement de
stratégie de la Minusca, alliant désormais « négociation » et actions
robustes, comme celles menées récemment au PK5 de Bangui ou dans la région
d’Ippy.
On
doit aussi se féliciter de la plus grande implication de l’Union africaine, avec
le Tchadien Moussa
Faki Mahamat à la présidence de la Commission.
Autre bonne nouvelle, le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres,
grâce à son expérience au HCR, connaît bien toutes les données de la crise
centrafricaine.
Ces
partenaires doivent être les garants de la réussite du prochain DDRR
(désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement), lequel devra
éviter les déboires du précédent (2010-2011), lorsque l’actuel chef de l’État
était le premier ministre du Président Bozizé.
L’indispensable
évolution de la gouvernance
Aucune
amélioration n’est toutefois possible sans une meilleure gouvernance et une
volonté de changement des mauvaises pratiques. Il paraît opportun de réfléchir à
une nouvelle dévolution des pouvoirs
politico-administratifs.
L’actuelle
Constitution, adoptée par référendum sous la transition de Catherine
Samba-Panza, ne répond pas aux problèmes de la crise centrafricaine. Un Sénat,
un Conseil économique et social et un Haut Conseil à la bonne gouvernance
sont-ils vraiment indispensables actuellement ? Comment financer de telles
structures alors que le déficit budgétaire est déjà hors
normes ?
La
Cour des comptes demeure une coquille vide.
En
revanche, les financements dévolus à la Justice sont très insuffisants, ce qui
permet une large impunité, moteur de la destruction de la cohésion nationale. La
Cour des comptes demeure une coquille vide, tandis que la Cour pénale spéciale,
créée le 3 juin 2015, ne sera pas opérationnelle avant de nombreux mois, étant
donné que seule la nomination du Procureur général vient d’être
officialisée.
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Une
profonde révision constitutionnelle pourrait notamment intégrer une véritable
décentralisation administrative, abolir l’hyper-concentration du pouvoir à
Bangui, réguler les attributions de compétences et supprimer les structures
inappropriées.
Une
véritable « rupture avec le passé » serait à ce prix, mais les
autorités centrafricaines sont-elles vraiment disposées à rompre avec le
passé ?
Didier
Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au
ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.