Hommage
à mon condisciple Jacques MBOSSO
Adieu
Alcide, l’Ami Jacques
Notre
vie humaine est ainsi faite qu’un jour nous devrons plier bagages, retourner au
néant ou tout au moins rejoindre dans l’éternité ceux que nous avons tant aimés
et qui nous ont précédés dans cet univers dont on ne revient
plus.
1967:
Nous faisions connaissance pour la première fois à la rentrée des classes et
deux années durant nous allions partager cette camaraderie qui ne t’a jamais
quittée jusqu’à ce jour du 3 mai 2021 où on nous annonce que tu as tiré ta
révérence. Comme toujours dans ce cas on s’interroge, on doute mais on en vient
vite aux réalités. Triste moment toujours, où on va épiloguer sur la mort, sur
la vie, sur la valeur des relations humaines et les objectifs que chaque homme
se donne ici-bas. Malgré le choc et la tristesse, le compte à rebours des
souvenirs s’invite concomitamment et l’absurde, c’est qu’on ne peut plus les partager autour d’un verre, d’un plat avec ce fou
rire d’ados qui ne nous a jamais quittés.
Vous
arriviez de Berberati, 5 ou 6 je ne sais plus trop, pour finir votre lycée à
Boganda, avec des sobriquets, Dabster, Senghor, Alcide etc.; l’œil vif, tous
sportifs, nullement impressionnés par vos futurs condisciples de Bangui tentant
de vous intimider. On sentait en vous une détermination, une folle envie
d’apprendre, d’être les meilleurs pour le futur de votre pays, ce que finalement
vous fûtes tous, toi particulièrement. A l’internat, j’ai eu le loisir de
partager avec toi notre pair de lits, toi au-dessus et moi en bas. A partir de
cette année-là, quelque chose nous a unis, une bonne camaraderie que nous
retrouverons plus tard quand le hasard de la vie nous réunira de nouveau en 1993
dans le Gouvernement du Premier Ministre Jean-Luc Mandaba suite à l’élection du
Président Patassé. Et encore une fois, au conseil des Ministres, j’étais coincé
entre toi et notre regretté aîné Dotté Badékara. Tu en étais à ton deuxième
expérience de Gouvernement. J’ai pu à cette occasion apprécier la valeur de la
complicité née de nos jeunes années, qui nous permettait de communiquer en
Tandem et surtout de rigoler en douce comme il pouvait se faire de temps en
temps malgré la solennité des séances.
Ta
forte connaissance du Droit, a plus d’une fois fait honneur à notre délégation
pendant les discussions réunissant les Ministres Techniques de la sous-région
chargés, d’élaborer, d’affiner et de soumettre aux Chefs d’Etats les conventions
pour la création de la CEMAC, et la révision des statuts de la BEAC lors de
nombreux déplacements à Ndjamena, Yaoundé, ou Douala. Et il nous arrivait de
nous éclipser pour diner à deux, histoire de rire un peu. Sarcastique comme j’ai
toujours été, j’aimais te taquiner, pour en fait te détendre, te trouvant
toujours un peu trop sérieux. Pas une seule fois tu n’as pris ombrage de mes
plaisanteries même les plus osées. Ministre de la Justice, Garde des sceaux, tu
m’as fait l’amitié de faire siéger mon épouse au conseil supérieur de la
Magistrature et ce malgré mes réserves dues à notre amitié. Enfin de Côte
d’Ivoire, lorsque l’occasion t’était donnée de passer à Paris en mission pour
l’OHADA, ou en privé, tu ne manquais jamais de prendre de mes nouvelles ou de
chercher ma compagnie et toujours avec un cadeau sous la main. Je me suis
souvent interrogé sur une si amicale attention et quel plaisir tu pouvais tirer
d’un lien somme toute sans grand intérêt, mis à part cette rencontre du lycée et
mes petites bouffonneries! En réalité j’ai compris que tu avais grandi avec
cette bienveillante attention aux autres, habité par la fidélité à l’amitié,
découlant d’une humilité dont tu avais fait un des principaux traits de ton
caractère grâce à laquelle tu as échappé à cet orgueil qu’on retrouve chez la
plupart des élites africaines. Jamais aucune de tes fonctions ne t’a fait
prendre la grosse tête, tu es resté le même Alcide du début à la
fin.
Cher
Jacques, je pourrais écrire, écrire et écrire que je n’exprimerais que bien mal
ce que je ressens au moment où tu me précèdes sur ce chemin. Mais je ne pouvais
pas ne pas te rendre cet hommage amical et dire tout le bien que j’ai eu à
compter parmi tes amis et mes regrets de n’avoir pu te revoir ces derniers
temps, les situations étant devenues quelque peu compliquées.
Peu
d’hommes dans ce monde savent regarder les autres avec la considération
que tu accordais à tous ceux que la providence avait mis devant toi. Je peux
témoigner, de cette grande disposition d’esprit et surtout de cette simplicité
relationnelle qui a accompagné notre génération. Tu t’es donné à ton pays et à
tes amis jusqu’à l’ultime. Même si le mystère de la mort t’arrache si
brutalement à l’affection des tiens, qu’ils retiennent que tu as été un modèle,
un bosseur passionné du droit et un haut cadre opiniâtre jusqu’à l’entêtement;
un de ces rares Centrafricains dont le grand nombre aurait pu aider notre pays à
avancer vers un destin meilleur.
Que
ta chère épouse, tes enfants et petits-enfants, durement éprouvés par ce départ
brutal, veuillent accepter ma profonde compassion et mes sincères condoléances
qui sont aussi celles mon épouse. Loin d’eux en ces moments difficiles, nos
prières et notre soutien amical les accompagnent.
Jacques,
aucun homme n’a d’emprise sur la mort, nous sommes tous condamnés à la subir.
Mais tu laisses après toi tant d’amis et tant de souvenirs heureux. Mon cher
Alcide, la terre qui t’a vu naître et nous, tes condisciples et collègues ne
t’oublieront pas. Nous te disons affectueusement, vas et reposes en Paix à côté
de nos amis qui sont déjà là-haut. Que cette Paix inonde aussi tes proches et
les aide à surmonter ce vide créé par ton départ inattendu. Adieu mon cher Ami
et merci à la providence qui nous a fait rencontrer.
Reims
le 06 Mai 2021
Léon
ODOUDOU IGNABODE