Centrafrique, le
surprenant optimisme de l’ONU sur les élections de décembre 2020
By Aza Boukhris -
20 octobre 2020
Le
19 octobre 2020, l’optimisme règne au sein du Conseil de sécurité de l’ONU qui a
tenu une réunion spéciale consacrée à la situation en Centrafrique, à deux mois
des élections générales du 27 décembre 2020. Sur le terrain le constat est
tout autre.
Le
Conseil de sécurité recommande à la Minusca (voir la photo ci dessus) de réduire
ces atteintes au retour à la paix et à la menace qui pourraient peser sur le bon
déroulement des élections dans ces régions.
Les
différents représentants de l’ONU, des Etats et organisations internationales
parties prenantes ( EU, Fr, Ru, Ue, Ua), à la recherche d’un retour à la paix,
se sont félicités de l’évolution favorable vers des élections crédibles et
transparentes. Les satisfecits au président Touadera et à son gouvernement ont
été quasi unanimes.
Ces
positions sont totalement opposées aux objections de la société civile, de la
plupart des partis politiques et des constats des ONG humanitaires et de défense
des droits de l’ Homme.
La
stabilité à tout prix
Le
Représentant Spécial du Secrétaire général de l’ ONU en Centrafrique, le
Sénégalais Mankeur Ndiaye, a donné le cadre des interventions de cette réunion
du Conseil de Sécurité. On peut résumer son rapport par » Tout à été fait
pour réussir des élections démocratiques, gages d’ un prochain retour à la
paix ». Mankeur Ndiaye s’est d’ abord félicité de la réussite de l’
Autorité Nationale des Élections (ANE) qui a pu enrôler près de 2 millions de
citoyens dont la moitié de femmes, en dépit des difficultés rencontrées sur le
terrain. Le fichier électoral a été jugé » fiable et informatisé »,
ce qui devrait conduire à des élections » crédibles, transparentes,
inclusives et respectant les délais constitutionnels ». Selon Mankeur
Ndiaye les élections du 27 décembre 2020, se présentent donc selon les meilleurs
auspices. Ces constats ont été repris, selon la formulation qui leur est propre,
par les représentants des Etats membres du Conseil de Sécurité, notamment par la
France, les Etats- Unis d’Amérique et la Russie, membres du G5-
RCA.
Les
élections du 27 décembre validées
De
même, tous les intervenants se sont félicités des progrès réalisés, » pour
le grand bénéfice des Centrafricains », dans l’application de l’ Accord
politique pour la paix et le réconciliation en Centrafrique (APPR- RCA), du 6
février 2019. Certes quelques groupes armés, signataires de l’accord politique
avec le président Touadera, ne respectent pas leurs engagements, notamment dans
le nord- ouest du pays, mais le Conseil de sécurité recommande aux garants de
l’accord et à la Minusca de réduire ces atteintes au retour à la paix et à la
menace qui pourraient peser sur le bon déroulement des élections dans ces
régions.
Pour
le Conseil de sécurité, cet APPR- RCA reste la pierre angulaire du bon
déroulement des élections du 27 décembre prochain. Les représentants des Etats
membres n’ont pas manqué de féliciter les actions robustes et de pacification de
la Minusca et d’être réconfortés pour son action de sécurisation des élections
présidentielle législatives et locales qui, selon le Conseil de sécurité,
conforteront le retour à une vie démocratique dans le pays. Dans cette
perspective, les soutiens au président Touadera et à son gouvernement ont été
confirmés.
En
revanche, le Conseil de sécurité a mis en garde ceux qui dans les médias et dans
leurs actions politiques feraient de la désinformation et metteraient en doute
les progrès réalisés à la fois dans l’ application de l’ APPR- RCA et dans l’
exécution du processus électoral. La menace contre les opposants du
collectif Cod-2020 et les responsables de la plupart des groupes
constitutifs de la société civile est à peine voilée. Aucun débordement ne
devrait être toléré contre la tenue des élections du 27 décembre
2020.
L’
incompréhension venant de Centrafrique
La
réaction des partis politiques membres de la coalition Cod- 2020 et des
organisations de la société civile, voire des organisations humanitaires va de
l’incompréhension à la stupeur. De nombreux observateurs de la crise
centrafricaine ont beaucoup de difficultés à comprendre les nombreux dénis de la
situation réelle du pays. L’ ANE a fait l’ objet de nombreuses analyses
documentées concernant son illégitimité, son incompétence et son alignement sur
le gouvernement. Le fichier électoral a été rejeté par l’opposirion qui a
sollicité des expertises internationales neutres pour démontrer les nombreuses
irrégularités.
Ces
requêtes n’ auront pas le même succès que celles qui ont été faites par les
oppositions en Guinée et en Côte d’ Ivoire. Le régime du président Toudera
bénéficie du soutien du Conseil de sécurité et ne risque rien. Il peut même
avoir totale carte blanche, comme par exemple dans les nominations des onze
membres de l’ANE institutionnalisée.
Outre
des proches du régime, on y retrouve un ancien évêque catholique de
Bossangoa réduit à l’état laïc en 2012 par le Vatican et un ancien ministre du
gouvernement Sarandji, qui jadis secrétaire général de l’université avait
découvert et sanctionné un faux diplôme. Les représentants de l’opposition ont
été écartés. Quant à l’APPR- RCA, les populations du nord-ouest, fief du
mouvement 3R de Abass Sidiki et du MPC de Al- Khatim et les populations du
sud-est sous l’administration de l’ UPC d’ Ali Darass apprécieront » les
progrès » réalisés grâce à l’ APPR-RCA.
On
constate rarement un écart total entre la position de la communauté
internationale, quasi unanime, et les contestations, également quasiment
unanimes, de la plupart des forces vives de la Nation, qui sont écartées de tout
dialogue inclusif. Ces visions de la crise centrafricaine semblent désormais peu
conciliables. La prochaine visite à Bangui de la Troika ONU, Union africaine,
CEEAC, programmée le 27 octobre prochain, soit à deux mois avant les élections
du 27 décembre, ne devrait que confirmer cette absence de consensus sur la
réalité de la crise.
À la suite de cette réunion du Conseil de sécurité
et des recommandations qui y ont été faites, la Minusca verra son mandat être
prolongé d’ une année, à compter du 15 novembre 2020.
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