Discours de François Bozizé prononcé le 13 août 2007 à l’occasion du 47e anniversaire de l'indépendance

 

Centrafricaines, Centrafricains

Très chers compatriotes,

 

Le 13 août 1960, le peuple Centrafricain, en accédant à la souveraineté internationale, a réalisé ce dont il a toujours rêvé, conduire son pays à l'indépendance, à l'instar de la plupart des peuples d'Afrique, et recouvrer sa liberté et sa dignité.

Aujourd'hui, quarante sept ans plus tard, il incombe à la vaillante et laborieuse population centrafricaine de matérialiser ces aspirations initiales dans un monde impitoyable, partagé qu'il est entre les rigueurs de la mondialisation et les tensions politiques qui fragilisent notre sous région.

Prenant la mesure de la destruction des infrastructures économiques de notre pays et de l'émiettement de son tissu social, considérant par ailleurs que rien de durable ne peut se construire sans une très large adhésion populaire, j'ai résolument pris le parti de tendre la main à tous les compatriotes, de toutes les régions et quelle que soit leur coloration politique, afin que chacun apporte sa pierre à l'édification nationale. Aucun des adversaires politiques d'hier n'a été tenu à l'écart.

Les témoignages de cette affirmation se reflètent dans la composition du gouvernement. Elle se manifeste aussi à travers les initiatives que j'ai prises récemment par la signature des accords de paix à Syrte et à Birao avec des représentants de mouvements rebelles.

Les populations des zones où sévissait la rébellion ont déposé les armes et sont les premières à bénéficier de l'accalmie. La paix retrouvée ne demande qu'à se consolider par des actions de développement économique, afin que les populations reprennent confiance et vaquent librement à leurs occupations. Certains anciens rebelles ont si bien compris le sens de notre démarche qu'ils se sont engagés auprès des Forces Armées centrafricaines dans les opérations de maintien de l'ordre. A cet égard, l'action des éléments de Damane à l'Est, notamment autour de Sam Ouandja et de Ouadda, est exemplaire et devait être suivie par tous ceux qui mettent gratuitement à mal la sécurité dans notre pays.

Malheureusement, malgré cette embellie, des esprits chagrins s'acharnent à semer la division et la haine en manipulant et en achetant les consciences. Nous avons déjà répondu aux récriminations de ceux-là qui pensent que la mise en application des accords de paix ne va pas assez vite. Pour faire la paix, il faut être deux. Et pour procéder au cantonnement de ceux qui ont déposé les armes, il convient que leurs chefs soient présents sur le terrain, ne serait-ce que pour identifier et reconnaître leurs hommes. Il n'est pas possible de réaliser ces opérations, en restant dans un pays étranger à plusieurs milliers de kilomètres du théâtre des opérations, en attendant que les choses se fassent toutes seules. Ici, le réalisme est de mise.

A l'autre extrémité, nous avons à gérer l'impatience de ceux qui veulent un ‘‘Dialogue politique'' inclusif et immédiat, espérant y trouver la solution à l'agitation sociale, voire la rébellion.

En juillet 2006 dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, j'abordais avec vous la question du dialogue politique. Depuis, j'ai, à plusieurs occasions, exprimé ma position sur ce sujet qui s'inscrit dans l'air du temps et préoccupe légitimement tous les acteurs de la vie politique nationale, mais aussi nos partenaires de la communauté internationale. Des interprétations diverses ont été faites ici et là sur cet évènement, allant jusqu'à insinuer que je n'étais pas disposé à m'engager dans ce dialogue. Or, ma vision pour cette concertation politique qui intéresse tous les centrafricains de la République Centrafricaine, était de favoriser d'abord un processus de prise de contact avec les mouvements rebelles. Les objectifs d'une telle démarche étaient essentiellement de parvenir à une cessation complète des hostilités sur toute l'étendue du territoire, afin de créer un environnement favorable à la tenue de ces assises.

C'est dans ce contexte que j'ai instruit le Groupe des Sages de poursuivre les contacts qu'il avait déjà entamés et de me soumettre un rapport. Le Groupe des Sages a déposé son rapport, dont le contenu révèle quelques propositions concrètes et pertinentes et d'autres qu'il conviendrait d'enrichir. Vous avez suivi avec grand intérêt la signature des accords de paix entre le gouvernement et certains groupes armés. Je peux vous affirmer que les contacts sont en cours avec d'autres groupes et acteurs. Notre ambition aujourd'hui plus qu'hier, est de continuer cette politique d'ouverture et de main tendue à toutes les filles et à tous les fils de la nation centrafricaine.

A présent, je voudrais vous réaffirmer ma volonté d'aller avec vous dans les meilleurs délais, à ce dialogue politique. A cet effet, j'ai décidé qu'il soit mis en place, en concertation avec les acteurs de la vie nationale, un comité préparatoire du dialogue qui déterminera les modalités pratiques aussi bien organisationnelles que substantielles, pour un bon déroulement de cette importante concertation.

Comme vous le savez, le dialogue est un rendez-vous de première importance qui devait s'inscrire comme un cadre serein d'échanges de vue sur les difficultés majeures de l'heure qui se dressent devant nous et sur les solutions idoines qu'il nous faut imaginer pour les surmonter ensemble. Ce dialogue politique est un évènement important de la vie de notre nation. Je compte alors ardemment sur le civisme, la bonne volonté et le sens du devoir citoyen de chacune et de chacun, afin que ce dialogue, puisse rassembler les acteurs et les décideurs de notre jeune République et nous permettre, dans un élan patriotique, de dégager ensemble, sans contrainte ni atermoiement, les voix pour un développement harmonieux de la Nation toute entière.

Ce sont là des soucis qui nous préoccupent, tout comme l'organisation des Etat Généraux de la Justice et des Etats Généraux des Médias. A partir d'aujourd'hui, je voudrais que les comités chargés de ces Etats Généraux fassent diligence.

Au plan national, plusieurs chantiers ont été ouverts par le gouvernement depuis bientôt deux années. Je voudrais citer: le contrôle - paiement, des salaires à terme échu depuis janvier 2006, la mise à la réforme de la douane, le contrôle des diplômes etc. Toutes ces mesures visent à traquer tous les fraudeurs qui usurpent des titres, cumulent des rémunérations et qui sapent le fondement de l'Etat et s'engraissent au détriment des contribuables et des citoyens.

Chaque fois, ces actions hautement salutaires ont soulevé les protestations de ceux qui y trouvent leur compte ainsi qu'un refuge immoral et confortable pour eux, mais préjudiciable au pays. Mais je dois dire que ces mesures ont été saluées et applaudies par la grande majorité des centrafricains qui y ont vu une quête de justice sociale.

La réforme initiée à l'OCSS permettra à la nouvelle structure de placer et de faire fructifier les cotisations sociales afin d'améliorer les prestations aux assurés.

D'autres actions vont suivre, car nous devons instaurer la rigueur dans la gestion des revenus de l'Etat afin que les recettes publiques assurent le service des dépenses de souveraineté et d'investissements.

J'encourage le gouvernement à poursuivre son action dans ce sens. Au demeurant, cette action doit prendre en compte tous les secteurs économiques, et notamment le secteur agro-pastoral qui intéresse le plus grand nombre de nos concitoyens. Je ne le dirai jamais assez, l'agriculture et l'élevage sont les deux mamelles de notre pays dont le développement dépend de leur bon état de prospérité.

Malheureusement, les statistiques dans ce secteur ne sont pas bonnes et font l'objet d'une très grande préoccupation de ma part. Il est évident que la promotion de l'agriculture et de l'élevage dépend étroitement du bon état des infrastructures et plus particulièrement de celui des pistes rurales. C'est pourquoi j'invite le gouvernement à prendre les mesures appropriées pour y remédier.

Mais pour réaliser ces investissements, il nous faut des ressources. J'ai grand espoir qu'elles viendront de nos ressources minières, particulièrement l'or et l'uranium. C'est la raison pour laquelle j'attache un grand prix aux activités des sociétés Aurafrique et Uramin.

A nos frontières, précisément la situation au Darfour n'est pas pour nous apaiser. C'est pourquoi nous suivons avec une certaine impatience et un grand intérêt le déploiement des forces de l'Union Européenne à l'est du Tchad et au nord-est de notre pays pour y assurer la protection des réfugiés.

De même, la résolution 1769 des Nations Unies recommandant le déploiement des troupes hybrides au Darfour suscite de notre part un grand espoir. Par la même occasion nous voudrions saluer la sage acceptation que le président du Soudan y a réservée.

En ce jour solennel, je ne saurais passer sous silence le rôle central que tient la jeunesse dans la politique de développement du gouvernement.

C'est ainsi que tout a été mis en œuvre pour le démarrage des activités de la Jeunesse Pionnière Nationale. Après l'ouverture du Centre Pilote de Formation et de Production ‘‘Jeunesse KNK'' de Bossembélé, d'autres centres seront prochainement ouverts dans la Lobaye et près de Bangui.

Dans un environnement où de nombreux citoyens ont pris goût à la facilité, en tournant le dos à l'effort, dans notre société où les détournements, et l'irresponsabilité sont devenus la règle, il importe que la jeunesse reconquière les vertus de la rigueur, du civisme et du travail. Tout doit s'acquérir par le mérite, c'est l'un des prémisses du Kwa Na Kwa.

Voilà pourquoi je confirme la décision du gouvernement de soumettre l'intégration des jeunes diplômés dans la fonction publique à un concours de recrutement. Je m'engage à veiller personnellement à ce que ce concours de recrutement soit organisé dans la transparence.

La commémoration, ce 13 août 2007, du 47e anniversaire de la proclamation de l'indépendance de la République Centrafricaine, coïncide avec la question d'une brûlante actualité des Etats-Unis d'Afrique. Comment ne pas l'évoquer en cette circonstance mémorable ? La République Centrafricaine n'est-elle pas le berceau du panafricanisme ?

Centrafricaines, Centrafricains, mes chers compatriotes,

En ce jour exceptionnel de l'anniversaire de l'accession de la République Centrafricaine à l'indépendance, toujours légitimement fiers, proclamons notre allégresse d'appartenir à la Nation dont le Père Fondateur s'offrit en holocauste pour la cause de l'unité africaine.

Ainsi, le Docteur Kwame Nkruma, mû par son esprit de justice et son panafricanisme, devait, lors du sommet constitutif de l'Organisation de l'Unité Africaine à Addis-Abeba en 1963, accompagner son projet de création des Etats-Unis d'Afrique par la proposition que la ville de Bangui fût érigée en Capitale du nouvel Etat unique africain, en hommage à son contemporain, à cet autre panafricaniste intransigeant comme lui, que fut Barthélemy Boganda.

Il ne s'agissait pas là d'une démarche relevant du hasard. C'est que, auparavant, il suivait l'action menée sur les bords de l'Oubangui et au-delà par Barthélemy Boganda et l'écoutait s'exprimer sur le panafricanisme. Je cite :

« La division, le tribalisme, l'égoïsme, l'absence de sentiment national nous ont valu quatre siècles de servitude… C'est le siècle des grands ensembles. L'heure a sonné, Africains ! Il faut détruire les cloisons des clans. Il faut démolir les limites des tribus. Il faut renverser les barrières artificielles et arbitraires. Nous avons à bâtir pour la prospérité, pour des siècles, pour l'histoire…. » Fin de citation.

Ces propos gardent aujourd'hui une actualité magistrale, même ramenés au cadre de la seule République Centrafricaine.

Mesdames et Messieurs,

Pour terminer, je voudrais me réjouir avec vous de ce que la date du 13 août, de notre indépendance, coïncide avec celle du 13 août 1940 date à laquelle notre territoire s'était rallié au Général De Gaulle.

La communauté de destin entre la République centrafricaine et la France remonte à ces grands moments, forgés dans l'adversité, consacrés par une amitié et une fraternité séculaires.

Elle explique l'engagement constant de la France à nos côtés, dans la recherche de la paix, notamment dans le nord et le nord-est que nous voudrions ici saluer encore une fois, et dans son appui au processus de négociation avec la communauté financière internationale.

Vive la République !

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NDLR : Rappel historique

1958 :
- 28 sept. L'Oubangui-Chari vote massivement (98,1%) en faveur de la continuité avec la Communauté Française. Boganda recommande une République indépendante composée des pays de l'Afrique Equatoriale Française (AEF) pour la création initiale des Etats-Unis d'Afrique Latine.
- 1er décembre 1958: une République centrafricaine indépendante est proclamée; son territoire est limité à l'Oubangui-Chari. Boganda devient le président (selon l'idée de Barthélemy Boganda, Président du Grand Conseil de l'AEF, la République Centrafricaine devrait se constituée des quatre territoires : le Gabon, le Moyen-Congo, l'Oubangui-Chari et le Tchad, auxquels devaient s'ajouter le Cameroun, en passant par le Ruanda jusqu'en Angola) - se désolidarisant de la position de B. Boganda, les trois proclamèrent leur République le 02 novembre 1958.

1960 : 13 août 1960 : Proclamation de l'Indépendance

Source : http://www.sangonet.com/HistoireC.html  (Histoire de la République Centrafricaine).

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