Rebellions : Plus que des revendications politiques, ce sont des crimes tout court.

 

Si vous aviez été à l’école, au lycée ou dans une institution quelconque d’enseignement, ou encore si vous aviez joué avec les autres enfants de votre âge dans votre quartier ou dans votre arrondissement, vous aviez sans aucun doute été témoins de ce dont nous allons parler ici.  Il s’agit du phénomène banalisé de brimade, d’abus, de chantage ou d’agression verbale ou physique d’un jeune sur un autre avec pour effet d’affirmer une quelconque autorité sur l’autre, d’humilier l’autre devant ses pairs, d’intimider l’autre pour acquérir certains droits, ou encore d’extorquer monnaie ou autre bien.  Ce phénomène ne serait pas particulier à la société centrafricaine et existerait également partout ailleurs dans le monde.  De très nombreux jeunes avaient été victimes de ces chantages, parce que les agresseurs avaient perçu chez les autres ce qu’ils avaient considéré comme des signes de faiblesse ou des possessions, objets de leur convoitise.  Ou encore ces agresseurs avaient été ainsi élevés dans leurs familles et avaient développer ces affinités à causer du tort aux autres.  Personnellement, nous avons été témoins ou victimes du genre d’agression ainsi décrit, où l’agresseur exigeait par exemple qu’un service lui soit rendu dans l’immédiat ou réclamait un don particulier pour arrêter les brimades.  Mais souvent, les brimades recommençaient de plus belle, même si les prix avaient été payés par le plus faible.  Et souvent, il avait fallu les interventions d’un frère ou d’un cousin, plus âgé ou plus fort, ou d’un groupe élargi à tous les membres d’une famille ou au quartier tout entier pour réussir à faire arrêter ces chantages ou ces extorsions.  Et, vous observerez avec nous qu’il existerait  bien en Centrafrique des codes de conduite ou des lois avec certaines dispositions particulières en matière de menace, de raquette, de dégradation morale ou de violence physique. Cependant, nous dirons que les statistiques nationales qui auraient recensé de tels actes, indiqueraient en réalité des défaillances de l’autorité dans la prévention, la protection et la répression, et qui pourraient s’expliquer par le manque d’hommes intègres, justes et compétents au sein des institutions judiciaires du pays pour rendre justice et pour protéger le citoyen. 

 

Ceci dit, essayons de transposer ce phénomène de chantage chez les jeunes dans le champ spécifique de la politique nationale.  Là, nous aurions peut-être besoin de l’expertise des psychologiques, des psychiatres et des psychanalystes pour nous aider à mieux comprendre cet autre phénomène qui avait les caractéristiques décrites plus haut et que nous appellerons rébellion.  Dans ce qui va suivre, nous nous limiterons exclusivement à la République Centrafricaine que nous avons la prétention d’assez bien connaître pour y avoir grandi.  De même, nous exclurons d’entrée de jeu les révoltes qui avaient donné naissance aux divers mouvements de lutte en faveur de l’indépendance de l’Oubangui-Chari.  A titre d’illustration, nous pourrions citer la rébellion de Karinou en pays Baya ou encore la révolte de la population indigène de Berbérati en 1954. Vous noterez que ces mouvements s’en étaient pris à tout un système et non seulement à un individu en particulier, comme cela avait été  le cas des dernières rébellions centrafricaines d’un genre nouveau.  Vous noterez également qu’a ces époques il n’existait pas une constitution en tant que telle du territoire de l’Oubangui-Chari. Comme nous l’avions écrit par ailleurs, nous n’appellerons pas rébellions, les anciennes tentatives de coup d’état d’officiers centrafricains sous le régime Bokassa. En effet, ces coups d’état ou ces tentatives de coup d’état n’avaient pas inclus dans leurs stratégies les assassinats de citoyens, les destructions de villages, les attaques de centres administratifs, une hostilité à l’égard des populations civiles, les vols d’équipement en tout genre, etc.  Et aujourd’hui,  nous n’avons toujours pas relevé un seul indice qui indiquerait que les principaux auteurs des prétendus coups d’état sous Bokassa les avaient chaque fois organisé dans le but personnel et égoïste d’être portés à la tête de l’état. 

 

Ces exceptions étant établies, nous considérerons toute mutinerie d’une armée nationale comme des actes qui mériteraient que leurs auteurs passent devant une cour martiale ou devant une cour pénale pour jugement et réparation, surtout si cette mutinerie avait été mal contenue par ses officiers, avait débordé des casernes, et avait donné lieu à des règlements de compte, à des meurtres, à des viols, à des destructions de biens, à des cambriolages, à des vols à mains armées, puis à l’exil d’une partie de la population civile.  Comme toujours à Bangui et pour camoufler toutes les responsabilités, ainsi que pour diluer toutes les complicités, eh bien, le chef de l’état avait décidé l’amnistie tout le monde. Ces amnisties  seraient les exemples que les responsables politiques et les militaires avaient voulu donné à la jeunesse, en ce qui concerne la dégradation de la morale civile, la dévalorisation des principes civiques, et la remise en question des lois du pays.  L’amnistie serait l’idée que celui qui causerait du tort à un citoyen ou à tout un peuple serait pardonné par un  illuminé en fin de parcours.  Enfin, tout cet état de chose aurait dû se passer de commentaire dans un pays démocratique ou l’on prônerait le respect des lois et le respect des droits de l’homme, n’est-ce pas !  Cependant, comment donc être surpris que ce soit par exemple la Cour Pénale Internationale (CPI) qui prenne l’initiative de lever un pan de voile sur certaines exactions d’une histoire centrafricaine récente, afin de déterminer les responsabilités et espérer rendre justice?  Où serait donc passer la justice nationale qui aurait dû être exercée par les citoyens eux-mêmes?  Est-ce que la justice centrafricaine serait simplement diluée dans la pratique des amnisties parmi d’autres maux?  Enfin, n’avez-vous jamais remarqué que les meneurs des mutineries ou des rébellions aujourd’hui au pouvoir avaient été en définitif ceux qui avaient profité des meurtres et des autres crimes perpétrés dans le pays? 

 

En faisant un léger bond en avant dans notre argumentation, nous oserions soutenir que tout  mouvement de prise de pouvoir par des moyens autres que ceux édictés dans une constitution du pays, et, qui auraient ou qui avaient entraîné la mort de nombreux citoyens, le viol de femmes et de filles, la destruction de biens, l’exil de nombreux civiles, et autre, n’aurait aucune excuse morale, légale ou religieuse pour la soutenir.  Ces rébellions devraient être considérés comme des crimes à l’endroit du peuple centrafricain, ainsi que la CPI essayerait de l’établir pour ce qui concerne les viols sous le régime de Patassé et par Bozizé et ses mercenaires.  Comme Bozizé, lui-même en avait fait la démonstration, aujourd’hui encore des groupuscules armés sous le prétexte fallacieux de constituer des partis politiques d’opposition se bousculent au portillon pour s’emparer du pouvoir et continuer à brimer le peuple centrafricain.  Est-ce que les chefs des rebellions pourraient seulement dire et faire certifier le nombre exacts des militants civiles que chaque mouvement représenterait?  Est-ce que le peuple devrait accepter que même cinq cents hommes armés rendent la vie difficile à une population civile de plus de trois million d’habitants?  Le peuple centrafricain serait fatigué de ces petits chefs de guerre qui ne rêvent que d’être conseillers ou ministres à Bangui, meme s’ils n’avaient aucune qualification ni aucune compétence en la matière. Où seraient donc passés la décence, l’humilité, le sens de la mesure, le patriotisme véritable et autre?  Et aucun d’entre ces rebelles, même ceux qui se voudraient les plus éloquents comme Sabone et Gazambéti sembleraient avoir des difficultés à expliquer les raisons de leurs rébellions et à convaincre les citoyens.  Ils n’avaient jamais crû nécessaire d’expliquer aux centrafricains la véritable idéologie politique et révolutionnaire qui les guidait vraiment et qui avaient établi qu’une opposition politique se faisait en initiant des jeunes dans le maquis, au lieu de leur donner une éducation professionnelle avec des ouvertures autres que d’être des brigands dans les matitis, en tuant des civiles innocents qui ne connaîtraient Bozizé ni d’Adam ni d’Eve, en brûlant des maisons qui étaient tout ce que leurs habitants possédaient de biens matériels précieux, et en causant la souffrance à tout un peuple qui n’aspirerait qu’à la paix.  Mais quand donc ces chefs rébelles réaliseront-ils que les rébellions en Sierra Leone, au Libéria, en Ouganda, au Tchad, au Soudan ou ailleurs ne seraient pas automatiquement les modèles adaptés pour ce qui concerne les centrafricains!  Pourquoi serait-il important et nécessaire de créer toute cette violence inutile en Centrafrique, sachant d’emblée que tout rentrerait un jour dans l’ordre comme ce serait le cas aujourd’hui en Côte d’Ivoire?  Pourquoi ces chefs rebelles avaient opéré toute cette violence gratuite à l’égard des centrafricains innocents?

 

Si par contre, Bozizé en personne serait celui à qui les chefs de ces rébellions centrafricaines et leurs lieutenants prétendent vouloir demander des comptes personnels, peut-être qu’ils devraient prendre la responsabilité d’arriver â Bangui, de déposer les armes, puis d’engager des pourparlers directs avec Bozizé.  Si cette option n’est pas envisageable, ils devraient peut-être désigner un tournoi, un duel ou autre au cours duquel un arbitre désignerait le seul gagnant, afin de rétablir la paix dans les régions septentrionales et dans tout le pays.  Ces options pourraient permettre le retour rapide de la paix et autoriseraient une consolidation de la démocratie et la relance des activités véritablement économiques qui profiteraient réellement à tous les citoyens.  Si les chefs des rébellions refusaient de considérer ces alternatives et d’autres ailleurs valables, tout le monde conviendrait que chacun d’eux n’aurait bien entendu qu’un seul objectif, celui de prendre le pouvoir à Bangui, pour installer leurs clans et leurs acolytes dans les institutions du pays, pour vendre à des intérêts occultes étrangers des domaines de l’état, et pour donner libre cour à la destruction de toutes les structures sociales et économiques de la Centrafrique.  Et chacun d’eux voudrait individuellement ou en coalition avec les autres, orchestrer une nouvelle dictature plus originale au mépris des désirs de liberté, de paix, d’émancipation politique et de développement économique, légitimes du peuple centrafricain.  Ce serait pour tout ce qui précède que ces brimades dans les cours des écoles ou ces rébellions venues de l’étranger se ressemblent.  Elles seraient une méthode inacceptable que toute la société centrafricaine devrait rejeter.  Le rêve de tous les citoyens et de chacun aurait dû être le respect des lois et des principes de la démocratie, afin d’induire le rétablissement de la paix sociale, ainsi qu’un développement économique rapide et durable qui bénéficieraient à tous les enfants du pays, demain et pendant de nombreuses années à venir.

 

Enfin, les citoyens centrafricains devraient comprendre les raisons subtiles de ces rébellions, ainsi que la graves conséquences qui affectent aujourd’hui chaque citoyen et le pays tout entier.  Si le gouvernement de Bozizé, si l’armée nationale que commande Bozizé, si l’assemblée nationale, si les partis politiques avaient tous démissionné devant leurs responsabilités constitutionnelles et civiques, et,  seraient dans l’incapacité d’aider le pays à retrouver la paix et à reprendre des activités véritables de développement, peut-être que tous les citoyens devraient envisager, chacun,  de prendre les armes pour assurer une véritable défense de la Centrafrique contre toutes ces anomalies provoquées par des personnages égoïstes et mal intentionnés.  Les enfants du pays auraient des aspirations profondes et chercheraient des inspirations.  Le moment viendra un jour prochain où le peuple centrafricain sera capable de se défendre sans peur de ces anachronismes et de se défaire des chaînes des rébellions qui l’emprisonnent.

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (03 août 2007)

Actualité Centrafrique de sangonet