La CPI enquête sur les crimes sexuels commis en Centrafrique en 2002 et 2003

 

LA HAYE (AFP), mardi 22 mai 2007 - La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé mardi avoir ouvert pour la première fois une enquête sur des crimes sexuels, des viols en Centrafrique en 2002 et 2003, mais elle n'a pas nommé de suspect.

 

"C'est la première fois que le Procureur ouvre une enquête dans laquelle les allégations de crimes sexuels excèdent largement le nombre d'assassinats présumés", a précisé la CPI dans un communiqué.

 

"L'enquête ne vise aucun suspect en particulier à ce stade et sera guidée exclusivement par les preuves qui se feront jour", selon la CPI.

 

Plusieurs noms ont été cités dès 2004 par la justice centrafricaine, qui n'apparaissent pas dans les documents publiés mardi par la CPI, dont celui de l'ex-président Ange-Félix Patassé, du chef rebelle congolais Jean-Pierre Bemba, et de l'ex-gendarme français Paul Barril, qui avait organisé une garde rapprochée pour Patassé.

 

L'enquête de la CPI porte sur période de la répression de la tentative de coup d'Etat du général François Bozizé en 2002 contre Patassé.

 

Pour mater la rébellion, Patassé avait notamment fait appel au Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, dont un millier d'hommes ont participé aux combats contre les troupes du général Bozizé.

 

Devenu sénateur de République démocratique du Congo (RDC), et candidat battu à la présidentielle, M. Bemba a quitté son pays à la suite d'affrontements sanglants entre sa garde rapprochée et l'armée régulière à Kinshasa les 22 et 23 mars derniers. Visé par une demande de levée d'immunité, il se trouve actuellement au Portugal, officiellement pour y recevoir des soins.

 

Une fois la tentative de coup d'Etat matée, les "Congolais" ont fait régner la terreur, tuant, pillant et surtout violant.

 

Aucun bilan officiel n'a été révélé. L'Organisation pour la compassion et le développement des familles en détresse (Ocodefad) centrafricaine a récemment affirmé avoir recensé un total de 1.045 victimes, dont 480 femmes et fillettes violées

 

La CPI dit avoir identifier "au moins 600 victimes". "Les allégations de crimes sexuels sont précises et étayées", a expliqué le procureur Luis Moreno-Ocampo, cité par le communiqué. "Les renseignements dont nous disposons laissent à penser que des viols ont été commis en des proportions telles qu'il est impossible de les ignorer au regard du droit international".

 

Des centaines de victimes de viol ont fait connaître leur histoire personnelle, rapportant des crimes commis avec une particulière cruauté, selon la CPI. "Les victimes décrivent les viols subis en public, les actes de violences commis par plusieurs agresseurs, les viols en présence de membres de leur famille et les autres violences qu'elles ont endurées lorsqu'elles offraient une résistance", a assuré la Cour.

 

"Nous allons mener notre propre enquête de façon indépendante, rassembler des preuves et poursuivre les principaux responsables", a précisé le procureur.

 

"Une analyse préliminaire des crimes présumés a mis en évidence qu'un pic de violence et de criminalité fut atteint en 2002 et 2003", selon le communiqué de la CPI. "Des civils furent tués et violés, des maisons et des commerces pillés. Les crimes présumés se sont produits dans le contexte d'un conflit armé entre le gouvernement et des forces rebelles".

 

"Aux fins de dissuader de futures violences et de promouvoir une paix durable dans la région, notre devoir est de montrer que nul ne peut commettre des crimes à grande échelle en toute impunité", a encore déclaré M. Moreno-Ocampo. "Nous jouerons notre rôle, au travers de notre mandat judiciaire".

 

La CPI est fondée à intervenir car le gouvernement centrafricain avait déferré la situation au Procureur, et la Cour de cassation a en 2004 confirmé que le système judiciaire national était dans l’incapacité de mener les procédures complexes nécessaires à l’enquête et aux poursuites concernant les crimes présumés.

 

Selon le Statut de Rome, qui a créé la CPI, la Cour n’intervient que dans les situations dans lesquelles les autorités judiciaires nationales ne peuvent ou ne veulent engager des procédures véritables.

 

Il s'agit de la quatrième enquête de la CPI, après celles lancées en République démocratique du Congo, en Ouganda et au Darfour.

 

Par Frédéric BICHON (AFP)

 

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