Centrafrique – un autre dialogue national comme remède?

 

Prenons pour illustrer nos propos l’exemple de l’institution scolaire en Centrafrique.  Celle-ci avait été publique ou privée, gratuite ou payante, selon les époques et selon les circonstances.  Ses principales caractéristiques comprenaient d’une manière générale les élèves, les enseignants, les établissements à proprement parlé, les programmes annuels de chaque classe, les bibliothèques, les manuels aujourd’hui rares, les calendriers des vacances, les devoirs journaliers, les compositions trimestrielles, les examens de fin d’année, les concours nationaux, les visites des inspecteurs et les concours professionnels des maîtres pour ne citer que l’essentiel.   Parlant d’examens, seuls les élèves qui les avaient réussis recevaient soit des prix de récompense ou étaient admis en classe supérieure.  Il en avait été ainsi aussi longtemps que le personnel de l’assistance technique étrangère était présent dans le pays.  Toutefois, sous la pression des parents d’élèves ou des élèves, à cause de la cupidité des enseignants nationaux ou de l’esprit mercantile des responsables de l’administration, toutes les exigences académiques pour obtenir un diplôme national ou simplement pour passer en classe supérieure avaient commencé à s’effriter.  Vous souvenez-vous de ce ministre de l’éducation nationale qui avait orchestré sans accord préalable entre les états, la vente des places d’examen à des étudiants étrangers hors du territoire et qui serait aujourd’hui toujours dans le gouvernement de Bozizé?  Toutes les prescriptions académiques et administratives étaient en effet arrivées au point où elles pouvaient être monnayées. Ainsi, avec un peu d’argent les élèves ou les parents d’élèves pouvaient acquérir une place parmi ceux qui avaient pris part et qui avaient légitimement réussi aux examens et concours.  Pour ceux là, il importait donc peu que  l’élève ait acquis au préalable les connaissances ou qu’il ait maîtrisé les habiletés ou les réflexes qui seraient les bases nécessaires pour des études ultérieures.  Dans la réalité, les prétendus niveaux scolaires ainsi obtenus devraient être dévalués.  A la fin de ce laissez faire, la société nationale s’était retrouvée avec une masse d’élèves qui avait accumulé d’énormes lacunes académiques dûes aussi par ailleurs aux années blanches et aux grèves d’enseignants.  Nous vous laisserons ici le soin d’apprécier les conséquences de ces pratiques autour de vous dans le pays, puis de nommer tous leurs responsables.

 

Si nous transposons les observations qui précèdent au modèle dèmocratique centrafricain, nous relèverons ce qui suit. Il y aurait une prétendue république; il y existerait des institutions nationales qui exerceraient des fonctions importantes qui avaient été définies dans la constitution; il y aurait des lois votées par une assemblée nationale; il y aurait des directives administratives; il y aurait des partis politiques, des associations et des syndicats, établis en toute légitimité; il y aurait une certaine liberté de la presse; et, comme tout ne serait pas parfait sans exception, il y aurait également de nombreux cas d’abus d’autorité, de nombreuses violations des droits des citoyens, et d’autres.   Cependant, malgré l’existence fondamentale de ce cadre institutionnel, des intéractions et des ratées inhérentes qui inciteraient l’amélioration du fonctionnement de la société, certains citoyens avaient volontairement ignoré l’existence de cet environnement social immuable, ils avaient  ignoré l’exigence des lois du pays, et ils avaient ignoré toutes les procédures qui établissaient l’état, l’administration et son fonctionnement.  Ces citoyens que nous appellerons des citoyens d’exception avaient décidé de passer outre et d’arracher par les armes la direction suprême du pays, sans demander l’accord du peuple centrafricain, parce que selon eux, le peuple n’aurait pas à donner d’avis.  Et ils appelleraient leurs actes des rébellions, même si pour atteindre leurs objectifs de renverser Bozizé ils devaient tuer au passage des milliers de centrafricains.  En nous référant à notre exemple des écoles, ces rébelles seraient simplement ces mauvais élèves, ces mauvais parents d’élèves ou encore ces grands responsables politiques du pays qui avaient corrompu tout le système scolaire en croyant bien faire et qui cependant s’étaient fourvoyés.

 

Pensée à méditer:  “La capacité de l’homme à exercer la justice rend la démocratie possible, cependant le penchant de l’homme pour l’injustice rend la démocratie nécessaire.”

-         Reinhold Niebuhr, théologien et auteur du 20 ième siècle.

 

Depuis quelques mois, il s’était établi dans tout le pays une espèce d’euphorie dans laquelle de nombreux leaders politiques et techniciens opportunistes et malhonnêtes de la politique centrafricaine avaient crié en grand fanfare que Bozizé devrait accepter d’établir un dialoque national. Mais, est-ce qu’il s’agirait d’un seul et nouveau dialogue national comme le précédent?   Est-ce que l’assemblée nationale et les députés, élus du peuple ne constitueraient-ils plus ce forum d’échanges et de débats et ne joueraient plus ce rôle moteur de dialogue national permanent?  N’existerait-il plus dans les archives du pays cette longue liste des recommandations d’un précédent dialogue national, et qui avait été soumise à ce même Bozizé?  Est-ce que ces recommandations n’avaient pas suffit?  Est-ce qu’il y aurait aujourd’hui des omissions que ceux qui réclament un autre dialogue national voudraient corriger?  Si oui, quelles seraient donc ces omissions?  Ou bien est-ce qu’ils voudraient simplement que Bozizé leur fasse un bilan de l’exécution par son gouvernement desdites recommandations?  Si c’est cela, pourquoi ne le disent-ils pas clairement et simplement?  Le pays aurait-il vraiment besoin d’un dialogue national pour que Bozizé et son gouvernement rencontrent les chefs rébelles et les ramènent à la raison?  Vous conviendrez avec nous que la raison ou les raisons pour une convocation d’un autre dialogue national n’avaient pas été clairement cernées puis définies.   Si nous trompons, nous aimerions qu’un des tenants du dialogue national explique un peu plus clairement au peuple centrafricain ce qui avait cloché dans notre raisonnement.  Autrement, que se passe-t-il donc en Centrafrique?

 

Bozizé avait gagné les élections et obtenu du peuple le privilège de mener le pays vers des horizons meilleurs où chaque centrafricain verrait enfin la matérialisation des aspirations de prospérité, de bonheur, et de développement économique harmonieux.  Bozizé aurait avec lui une majorité constituée de leaders, d’acteurs et d’activistes des partis politiques qui avaient soutenu sa campagne électorale.  Le peuple observerait aussi que Bozizé, son gouvernement et ses députés auraient beaucoup de mal à satisfaire les attentes du peuple.  Bozizé tiendraient régulièrement des propos désobligeants à l’endroit des citoyens qui l’avaient élu.  Il y aurait toujours l’insécurité dans les campagnes et dans les villes du pays.  Les notables et proches de Bozizé s’associeraient à des malfaiteurs de tout poil qui mettent à sac l’économie nationale, s’ils n’opèrent pas de leur propre chef.  Les magistrats, les officiers de justice et l’armée ne protègent plus les citoyens.  Tout cela est inadmissible.  Ceux sont ces évènements, ces incompétences et ces dysfonctionnements que les citoyens centrafricains concernés devraient exprimer puis communiquer à Bozizé, à son gouvernement, à ses députés, à ses notables et à ses politiciens.  Tout ceux là que nous avons nommés devraient enfin comprendre et apprendre à être au service du peuple centrafricain et non à utiliser leurs situations ou leurs statuts pour la satisfaction de leurs intérêts personnels.  Ces combines lucratives expliqueraient-elles pourquoi ces politiciens et ces chefs rébelles vendraient corps et âmes pour être au pouvoir à Bangui!

 

Selon nous, aujourd’hui les chefs et cadres des partis politiques proches de Bozizé seraient simplement mécontents que celui-ci ne leur confierait pas de postes ou ne leur donnerait pas des occasions pour également s’approprier sans vergogne les biens de l’état.  Ceux-ci prétendraient que Bozizé ne les écouterait pas et qu’il n’en ferait qu’à sa tête.  Tous voudraient avoir l’occasion d’avoir une poste important comme celui de Sylvain et devenir des millionaires.  Si Bozizé n’avait pas été radin ou méfiant à l’endroit de ceux qui tournent autour de lui, nous sommes persuadés que tous seraient heureux et continueraient à chanter ses louanges.  D’un autre côté, les leaders des partis politiques dits d’opposition voudraient bien que Bozizé les associe aussi à l’appréciation des nombreux avantages matériels et financiers du pays dont il a usage.  Vous souvenez-vous du marché que Kolingba avait proposé à Bozizé et des pactoles que les leaders du PUN et du FODEM avaient reçues au moment des dernières élections?  Ceux-ci n’avaient-ils pas été tranquiles pendant un moment?  De l’autre, les chefs des rébellions avaient pensé qu’ils devraient arracher par les armes leurs droits de se servir à leur tour dans les caisses du Trésor et de faire des affaires louches ou de passer des contrats qui ne profiteraient qu’à eux seuls et pas au pays.  Vous souvenez-vous des affaires des diamants de Bozizé et d’autres?   Chacun voudrait s’enrichir en s’accaparant ce qui appartiendrait en réalité au peuple centrafricain.  Et tous avaient, chacun en ce qui le concerne, oublié ce qu’est l’état ou la république centrafricaine.  A titre de rappel pour ceux qui l’avaient oublié, l’état centrafricain n’est pas Bozizé.  Bozizé représenterait l’état centrafricain selon la constitution.  Bozizé aurait certes des possessions, mais les terres centrafricaines et toutes les resources naturelles que ces terres contiennnent ne lui appartiennent pas.  Enfin, dites-nous que ce pays n’est pas condamné à être dirigé par un clan, un groupe armé ou une association de partis politiques, constitué essentillement de malfaiteurs ou de saboteurs de l’économie nationale!  Quand enfin les fils et les filles du pays, patriotiques se réveilleront-ils et veilleront jalousement aux intérêts de la Centrafrique?

 

Enfin, si de dialogue national il devrait avoir, les militant(e)s, les jeunesses, les cadres et les dirigeants de chaque parti politique dans le pays devraient débattre indépendamment en leur sein de ce que l’administration centrale et tous les fils du pays devraient faire d’urgence pour créer du travail et des emplois, pour arrêter l’économie nationale d’être saignée à blanc par des opportunistes, pour assurer une formation professionnelle adéquate qui soutiendrait la création puis le développement de nouvelles entreprises, pour rétablir l’autorité de l’état, pour assurer un fonctionnement efficace des administrations, pour restaurer l’ordre et rétablir la sécurité.  Ils devraient proposer des actions concrètes ou un cahier de charges à Bozizé, à son gouvernement et à sa majorité parlementaire qui devraient rendre compte des résultats au peuple dans un délai à déterminer.  Mais, est-ce que le peuple centrafricain aurait vraiment besoin d’un dialogue national pour transmettre ses doléances à Bozizé?  Le dialogue national ne devrait-il pas être quotidien au sein d’une assemblée nationale, au sein des partis politiques, au sein des associations, au sein des syndicates et entre toutes ces entités?  Est-ce que les médias nationaux indépendents ou ceux de l’état ne devraient pas jouer à fond le rôle que tout le monde attendrait d’eux en analysant les évènements et en informant objectivement les citoyens?  Si ces doléances ne trouvent en retour aucune réponse constructive de Bozizé et de l’assemblée nationale, élus, peut-être que les citoyens devraient envisager le retrait de leurs votes au chef de l’état et aux députés d’une assemblée nationale qui ne joueraient plus leurs rôles constitutionnels.  Si Bozizé n’est pas apte à apporter les changements revendiqués, alors le peuple devrait lui demander ainsi qu’à l’assemblée nationale d’établir rapidement un calendrier électoral pour des élections présidentielles et législatives anticipées.  C’est cela la démocratie.  Et nos propos seraient ici la démonstration d’un exemple de civilité.  Ceux ne sont pas des rébellions qui apporteraient les solutions rapides, paisibles et durables en Centrafrique.  Regardez donc au Tchad et au Soudan proches, si vous n’êtes toujours pas convaincus!

 

Cependant, si vous insistez pour avoir un autre dialogue national, mettez donc sur la table les preuves de vos offres financières et matérielles pour son orgnisation!  Mais est-ce que ces fonds de l’état ne devraient pas plutôt servir à payer les arriérés des pensions des retraités par exemple?

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (12 janvier 2007)