Les grandes escroqueries de l’état.

Nous pourrions faire l’hypothèse ici que le centrafricain adulte qui avait été à l’école, comprendrait avec quelques explications ou non le sens du mot provision.  Sinon, le plus simple serait de consulter un dictionnaire de langue française.  Nous ne voudrions offenser personne, car ce qui précède ne serait qu’une petite astuce pour parler du sabotage de l’intégrité des finances de l’état, pour dénoncer la passiveté des travailleurs centrafricains, la collusion d’une élite nationale et les incompétences d’une classe politique qui, ensemble, avaient donné naissance aux plus grandes escroqueries toujours existantes au sein même de l’appareil de l’état centrafricain.

En sango, nous pourrions facilement traduire le terme provision par celui de gögörö.  Nous ne sommes ni linguiste ni anthropologue.  Cependant, nous pourrions dire sans soulever de grosses polémiques que le terme gögörö ferait penser à des réserves d’aliments ou encore à certaines garanties fiduciaires qui pourraient constituées une bonne habitude, une méthode ou une stratégie pour préserver le bien-être d’une famille ou d’une communauté si des intempéries venaient à se produire, ou pour envisager des moments difficiles à venir.  Cette bonne habitude, cette méthode ou cette stratégie seraient ce que les occidentaux appelleraient l’épargne, l’action en bourse, la lettre de crédit, les réserves du trésor, les fonds de garantie, etc.  Soyez rassurés, l’énumération serait aisée, mais tout cela pourrait être compliqué et, personnellement nous n’en connaissons que très vaguement les mécanismes.  Ce serait peut être à cause de cette complexité que le pays avait investi d’énormes ressources, afin que les meilleur(e)s fils et filles du pays fassent des études supérieures dans les domaines de l’économie, des finances et autres, et qu’ils puissent développer les expertises nécessaires à l’élaboration des lois, des règlements, des stratégies pour un développement économique et social, effectif de la Centrafrique.  Mais toute cette vision avait peut-être été peine perdue à cause des exemples qui vont suivre.

Lorsque la décision avait été prise de lèguer l’administration des affaires du territoire de l’Oubangui-Chari aux fils et aux filles du pays, chacun s’était félicité de l’évènement pour des raisons bien diverses.  Aujourd’hui, les enfants du pays géreraient donc les affaires de l’Etat Centrafricain sur la base de modèles dits nationaliste, républicain, socialiste, dictatorial, impérial, ou démocratique, que saurions-nous encore.  Mais peu importe!  D’une manière générale, il avait été entendu que le chef de l’état et son gouvernement avaient reçu une forme d’investiture et avaient par exemple accepté la responsabilité de mettre en place une politique agricole capable de soutenir le développement de cultures lucratives pour la subsistence et pour l’exportation.  Pour ce faire, ceux-ci avaient créer un ministère de l’agriculture; le gouvernement avait la charge de la protection des animaux domestiques, ils avaient alors créer un service de l’élevage; le gouvernement devait assurer l’éducation des enfants, ils avaient alors créer le ministère de l’éducation nationale et avaient même nationaliser les écoles catholiques et protestantes, sans cependant toucher aux écoles dites coraniques; le gouvernement devait assurer les soins des populations et prévenir les endémies, ils avaient créer un ministère de la santé publique.  Ainsi de suite, ils avaient créé un ministère du commerce, un ministère de la défense nationale, un ministère des eaux, forêts et pêche, un ministère de l’administration du territoire, un ministère de la jeunesse, des sports et de la culture,  un ministère des affaires sociales, un ministère de la fonction publique et du travail, un ministère du plan, et enfin un ministère des affaires étrangères.  Puis, quand le gouvernement voulait se donner un petit air, plus souverain que d’habitude, ils prenaient alors la décision de créer des postes de ministres d’état, puis des sécretaires d’état.  Près de cinquante ans après l’accès du pays à l’indépendance, faites-nous donc, s’il vout plaît, l’état des lieux et indiquez-nous les résultats économiques et sociaux que toute cette bureaucratie avait fait engranger sous la tutelle des régimes politiques de Dacko, de Bokassa, de Kolingba, de Patassé, de Bozizé et de leurs gouvernements respectifs, impériaux ou pas.  Si vous devriez concéder les résultats médiocres et embarassants de tous les régimes politiques à Bangui, malgré les prétendues grandes qualités des hommes et des femmes qui avaient dirigé le pays, quels résultats les centrafricains devraient attendre des commandements des rébellions centrafricaines qui voudraient absolument gouverner la Centrafrique?  Si le peuple centrafricain devrait se trouver dans l’obligation d’accepter un autre gouvernement issu d’une rébellion quelconque, ne devrait-il pas s’attendre à des résultats économiques et sociaux qui seraient souda(i)nement puis exponentiellement catastrophiques et toujours sans pareils?   Pourquoi oserions-nous affirmer cela?  Simplement parce que tous ces rébelles sans exception n’avaient toujours pas fait la démonstration devant le peuple centrafricain qu’ils avaient une vision noble du développement de la Cenrafrique, puis les capacités morales, intellectuelles et techniques pour donner un exemple de la Centrafrique qui soit différent de ce qui se passe dans les pays de la sous-région.

Enfin, regardons d’un peu plus près certains volets de ces résultats médiocres des régimes politiques centrafricains à propos desquels nous aurions de très nombreuses questions.  Par exemple, que seraient devenues les sommes importantes d’argent des pensions prélevées sur les salaires des fonctionnaires depuis cinquante ans, et qui devraient constituees le gögörö communautaire?  Est-ce que les ministres des finances avaient jamais indiqué aux fonctionnaires en service ou aux retraités où se trouveraient ces caisses de retraite?   Est-ce que ces fonds seraient domiciliés sur un compte auprès de la banque centrale (BEAC)?  Est-ce que les fonds de cette caisse de retraite avaient éte investies avec expertise depuis, pour en assurer la pérennité et en tirer des profits?   Est-ce que de tels arrangements n’avaient jamais été envisagés à cause de la triste réalité des incompétences d’une élite nationale, supposée en avoir les expertises?   Est-ce que les chefs d’état, les premier-ministres, les ministres des finances, les ministres de la fonction publique et du travail des différents régimes à Bangui avaient des responsabilités dans l’existence ou dans la disparition de ces fonds?  Ou plutôt, est-ce que ces fonds avaient servi à alimenter des comptes privés à l’étranger ouverts par ces chefs d’état et ces ministres?  Ces grosses sommes d’argent ne pouvaient pas s’être volatisées comme par enchantement!  La triste réalité serait qu’aucun de ceux qui avaient eu de près ou de loin des responsabilités dans la gestion des finances du pays ne pourrait donner de réponses satisfaisantes à toutes ces questions.  D’autre part, est-ce que s’assurer de l’existence et du bon investissement des fonds de retraite des agents de l’état avait été la priorité des dirigeants syndicalistes dont de nombreux centrafricains acclament aujourd’hui la gestion?  Vous conviendrez certainement avec nous que la priorité des dirigeants syndicalistes et leurs bases s’était exclusivement limitée à la rédaction des préavis de grève et que ceux-ci ne s’étaient nullement souciés de la destination des contributions antérieures qu’ils avaient confiées à l’administration et dont le ministère des finances avait la charge..  Mais est-ce que les dirigeants des syndicats des agents de l’état n’avaient pas, eux aussi, été les responsables des malheurs des retraités, des veuves et des orphelins, depuis au moins une trentaire d’années?  Si ce que nous osons décrire avaient été les réalités ou encore les problèmes, quelles solutions les gouvernements et les syndicats avaient-ils proposées et qui avaient sorti le pays de cette situation des arriérés des pensions?  Mais n’avait-on pas écrit que le gouvernement et les syndicats étaient des partenaires sociaux?   Personne n’avait jamais aussi bien dit, qui se ressemblent s’assemblent.  Pourrait-on donc conclure qu’il n’y aurait pas de solution envisageable à attendre du côté de ce partenariat?.  Ce que nous avons écrit plus haut avait été une copie-conforme des problèmes connues et qui concerneraient également les pensions des retraités du secteur privé.  Les syndicats du privé avaient laissé les gouvernements s’emparer des fonds vieillesse et maladie qui n’appartenaient même pas à l’état et qui appartenaient aux travailleurs du privé.  Le patronat qui contribuait également à ces fonds qui étaient collectés par l’Office Centrafricain de Sécurité Sociale (OCSS), avaient laissé faire, faute de courage pour dénoncer cette raquette.  Cela avait été la manière particulière du patronat de dire aurevoir et de remercier leurs loyaux employés.  Tout cela avait été une escroquerie que tous les centrafricains avaient laissé opérer sans un seul brin de soupçon.  Evidemment après le départ de l’administration française de l’Oubangui-Chari, tous les centrafricains avaient pensé que leurs frères et leurs soeurs auxquels ils avaient confié les responsabilités de la gestion des affaires du pays ne pouvaient pas être pire que les européens, leurs anciens maîtres.  Fort de tout ce qui précède, qui donc aurait fait le plus de tort au peuple centrafricain?  Nous vous proposerons deux réponses au choix, les travaux forcés et l’exportation sans compensation des ressources naturelles vers la métropole, et, qui avaient été tant décriés avant les indépendances, ou bien les résultats sociaux désastreux causés par les incompétences d’une élite nationale ou par les escroqueries d’état, mises en place par leurs propres pères et mères, leurs propres frères et soeurs ou leurs propres oncles et tantes? 

Des pressions avaient été faites pour embaucher dans la fonction publique et l’armée des nouveaux recruts, même si tout le monde savait que les salaires pour payer ces recruts seraient difficiles à se matérialiser.  Pour ce faire, de grosses sommes étaient passées sous les tables pour opérer des recrutements, et qui n’étaient jamais allées dans les caisses de l’état.  L’escroquerie avait été l’audace du gouvernement à émettre des bons de caisse du trésor aux agents de l’état, sachant que les caisses de l’état n’avaient pas suffisamment de crédit, de provision ou de disponibilité  pour couvrir ces émissions ou ces dépenses.  Nous savons aussi que le gouvernement préparerait annuellement un budget de l’état et qui serait régulièrement voté par l’assembée nationale.  Et ces mêmes hauts fonctionnaires de l’état et ces honorables députés avaient ensuite osé dire qu’il n’y aurait pas d’argent dans les caisses du trésor pour payer à échéance les salaires des agents de l’état?  Dites-nous donc qui s’était trompé et qui avait trompé le peuple!   Mais pourquoi donc tout se passerait ainsi sans que le ministre de la justice ne considère cette pratique comme une fraude, puis fasse procéder à des investigations ou à des poursuites judiciaires?  Vous me direz comment ce ministre pourrait dans un cas semblable être à la fois juge et partie?  Mais qui donc devrait assurer l’intégrité morale des actions de l’administration de l’état?  Le chef suprême de l’état?  Chacune des institutions du pays?  Mais, chaque citoyen et tout le monde, pardi!  Et si toute cette pratique ne portait pas le qualificatif de fraude ou d’escroquerie, pourquoi ferait-on arrêter des individus coupables d’avoir écrit des chèques sans provision sur des comptes domiciliés auprès des banques de la place?  Est-ce que l’escroquerie serait une pratique accceptée dans la société centrafricaine?  Est-ce que ce serait pour cette raison que les coupables de détournements de bien publiques n’avaient absolument rien à craindre de la justice centrafricaine?   Fort de tout ce qui précède et si tout cela se confirmait, pourquoi donc les institutions financières internationales continueraient à accorder des crédits au gouvernement de Bozizé qui laisserait persister ces escroqueries?  L’on pourrait à l’occasion comprendre les raisons de l’échec de Doté qui avait misé uniquement sur l’apurement, le contrôle des effectifs des agents de l’état et sur une meilleure entrée des recettes douanières.  Ce serait avoir une courte vue de dire que la mauvaise santé des caisses publiques proviendrait uniquement du caractère corrompu des agents de l’état.  Ces exemples que nous avons cités seraient également les obstacles à la reprise économique et au développement du pays, et, qui seraient différents de la corruption communément indiquée comme le mal principal.  La Centrafrique est un grand malade.  Avoir un seul médecin à son chevet ne suffirait pas.  Tous les centrafricains devraient cherher et identifier les sources des véritables problèmes et proposer des solutions pratiques et durables.

Si démocratiquement les centrafricains ne devraient pas débattre de ces problèmes insidueux et de prime importance et leur trouver des solutions rapides, peut-être que le peuple centrafricain devrait en confier la charge aux commandements des rébellions du Nord qui seraient peut-être mieux qualifiés pour trouver des solutions adéquates en appuyant sur la gâchette de leurs armes.  On ne saurait jamais, peut-être Miskine, Dotodjia, Djadder, Sabone et les autres officiers libres pourraient réussir où depuis plusieurs décenies Kolingba, Patassé et Bozizé et leurs semblables avaient échoué lamentablement.

Enfin, est-ce que les prières seules suffiraient pour tirer la Centrafrique de ce guêpier?

Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique (mai 2007)