Centrafrique et quelles leçons tirer de la table ronde de Bruxelles ?

 

Si les problèmes économiques et sociaux de la République Centrafricaine avaient été en réalité aussi importants que le gouvernement de Bozizé en avait fait une priorité, et, si ces mêmes problèmes avaient été aussi complexes que le gouvernement et les institutions d’aide ne pourraient les résoudre d’un seul coup de balai, à l’issue d’une seule table ronde, alors chaque citoyen, désireux de voir s’opérer en Centrafrique des réels progrès devrait poser des questions pertinentes et obtenir des réponses claires et satisfaisantes.de la part de tout ceux qui avaient organisé, puis participé à cette table ronde de Bruxelles du mois d’octobre dernier.

 

 Si la tenue de cette table ronde avait donné naissance à l’offre de la coquête somme de 300 millions de francs CFA en faveur des projets de développement en République Centrafricaine, identifiés par le gouvernement et les institutions d’aide, alors l’on pourrait se demander quand se tiendrait la prochaine table ronde ?  Parce qu’en réalité, il existerait encore et toujours autant de problèmes dans le pays.  Si les orgnisateurs et participants de cette table ronde avaient considéré, sous tous les angles, les différentes idéologies et écoles qui justifieraient un modèle particulier de développement de la Centrafrique, ceux-ci avaient oublié de préciser les polices d’assurance qui garantiraient cette manne a l’avenir.  Ils avaient oublié de préciser si ce mouvement de générosité ou ou si cette idéologie d’aide financière au développement dicterait aux bailleurs le renouvellement de ces sources de financement pour de futurs projets de développement de la Centrafrique.  Toutefois, si ces questions pourtant simples devraient être jugées impertinentes, alors nous pourrions les écarter et demander si les orgnisateurs et participants avaient eu la profonde satisfaction d’avoir résolu l’essentiel des problèmes de développement de la Centrafrique à l’issue de cette offre de 300 millions de francs CFA.  Bozizé et les organisateurs s’étaient plutôt félicités des bons résultats.  Mais comment avaient-ils pu convaincre les sceptiques de cette approche du développement ou encore ceux doutant des capacités du régime de Bozizé, que l’injection de cette coquette somme pourrait enclencher un développement harmonieux et durable de l’économie de la Centrafrique?   Est-ce que cette offre de 300 million de francs CFA serait réellement suffisante pour remettre en l’état certaines anciennes infrastructures du pays et en bâtir de nouvelles, afin de créer davantage d’emplois, de relancer la production nationale en souffrance, de remettre l’économie du pays sur la sellette, et, rendre celle-ci plus compétitive vis à vis des autres pays de la région ou d’ailleurs?   N’est-ce pas de toutes ces choses là entre autres que les économistes du développement devraient parler en ce qui concerne la Centrafrique!   Mais si tout le monde avait considéré les 300 million de francs CFA comme la récompense politique glanée par Bozizé, quelles en  seraient donc les retombées pour un ménage à Bambari, pour le chercheur d’emploi à Bangui, pour les élèves d’une école du poste de contrôle administratif de Bambio, ou pour un paysan de la commune rurale de Ngoulinga?  Tout le monde, et nous en particulier, auraient bien voulu croire en un grand miracle que produirait le payment à Bozizé du billet gagnant de cette loterie de Bruxelles.

 

En attendant de voir arriver ces jours plus radieux où les citoyens centrafricains bénéficieraient de l’usufruit de cette dernière trouvaille et du succès politique de Bozizé, jetons un regard rapide sur l’histoire de la lutte contre le sous-développement, vieille de plus d’un demi-siècle déjà.  Rappelons que chaque gouvernement sous tous les régimes politiques à Bangui, avait eu la responsabilité de la mission du développement du pays, et que celle-ci avait été toujours engagée sous les yeux complaisants des institutions internationales et de pays amis puissants de la Centrafrique.  Procédons à une série de questionnement que chacun voudrait éviter, parce que ne voulant pas affecter certaines sensibilités qui pourraient  apporter la rétorque du genre « voilà comment ils nous remercient après tous les efforts et les sacrifices que nous déployons pour eux ».  Ne vous méprennez sur notre intention.  Nous ne voulons point minimiser les efforts et les ardeurs déployés par qui, un représentant local d’une institution ou d’une ONG internationale, qui un ministre dans le gouvernement de Bozizé, qui un économiste national ou expatrié.  Cependant, regardons bien en face cette offre de 300 million de francs CFA à l’issue de cette table ronde?  Est-ce que nous nous serions trompés de monnaie ?  Est-ce qu’il ne s’agissait pas d’euros ou de dollars américains?  Sinon, même Bozizé ne s’était pas rendu compte du ridicule de la modicité de la somme.  Est-ce que cette somme réflèterait en réalité la valeur monétaire que les bailleurs attacheraient au régime de Bozizé, et, par extension au peuple centrafricain et à la Centrafrique?  Les bailleurs avaient donc fait l’offre, et la partie centrafricaine s’en était allée, gonflée par le prétendu succès de la table ronde.  Autrement, comment Bozizé aurait pu expliquer à Bruxelles l’importance du développement de la Centrafrique et les rôles que celui-ci pourrait jouer sur l’echiquier africain?  Et l’offre était tombée, réflétant la perception de la valeur des arguments contenus dans les dossiers présentés par la partie centrafricaine. Par ailleurs, où devrait-on trouver le courage pour essayer de regarder les dures réalités en face et demander quels progrès avaient été enregistrés par toute cette dévotion et toute cette générosité pour sortir la Centrafrique du sous-développement? 

 

Depuis l’accession de la Centrafrique à son indépendance vis à vis de la métropole et la conduite des affaires par les nationaux, les gouvernements successifs et tous leurs amis avaient toujours pensé de la même manière, à la forme idéale de l’aide au développement. La méthode fondamentale avait consisté soit à offrir de pécules ou  à collecter de dimes, en comptant sur la compassion et la générosité des institutions financières internationales et des pays puissants, d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et maintenant d’Asie, ou en répondant avec autant de rigueur aux exigences techniques de ces mêmes instances pour ce qui concerne la constitution des dossiers économiques de demande d’aide.  A Bruxelles cette fois encore, Bozizé en personne avait reçu la promesse d’une offre de 300 millions de francs CFA.  Faisons donc un inventaire de toutes les collectes et dons en tout genre dont avaient fait usage tous les gouvernements à Bangui et essayons de dresser un état des resultats pour l’habitant.  Sur le plan politique, il existerait toujours les anciennes chefferies, caractérisées cette fois par de nombreux  petits partis politiques sans grande conviction patriotique avec à la tête son régent autoritaire.  Chacun aurait voulu être le récipiendaire d’une aussi coquête somme d’argent pour l’aide au dévelppement de la Centrafrique.  Sur le plan sanitaire, les gouvernements avaient été incapables d’actions efficaces, capables de mitiger les grands maux et d’améliorer les services de santé publique dans les campagnes et dans les villes du pays.  D’où le développement du service prospère des charlatans privés dans le pays.  A ce sujet aussi, les taux de mortalité, les taux de morbidité et autre seraient là pour soutenir l’insuffisance des mesures sanitaires des gouvernements.  Sur le plan de l’education et de la formation, un système d’enseignement privé et mafieux serait devenu l’unique alternative du gouvernement, remettant ainsi en question les objectifs nationaux, anciens et pourtant toujours d’actualité, de scolaristation pour tous et de gratuité de l’éducation.  Dans le domaine de l’élevage, les gouvernements des 20 dernières années n’avaient pas eu le courage, ni senti la responsabilité de protéger leurs éleveurs de gros bétails, leurs familles et leurs bêtes, poussant ceux-ci à s’en aller vers des lieux plus paisibles hors du territiore centrafricain. Et vous vous étonnez que le centrafricain qui apprécie bien la viande de boeuf qui manquerait sur le marché, raffolerait aussi de viande de chasse d’espèces animales en voie de disparition, faute de bonnes mesures pour leur protection. Le potentiel du domaine agricole pourtant énorme, demeurerait la grande inconnue dans les discussions des éventuels projets de réforme de ce secteur.  Les recrues de l’armée nationale, de la gendarmerie, ou de la police avaient toujours des lacunes dans leurs programmes de formation professionnelle et civique.  Et nous serions persuadés que celles-ci demeureront indisplinées et deviendraient la grande pépinière des prochaines mutineries ou le ferment des nouvelles rébellions de l’ouest, de l’est ou du sud.  S’il y avait des programmes de formation professionnelle dans le civil, qui étaient en adéquation avec les industries locales, les jeunes ne devraient-ils pas être vraiment des Spartiates pour vouloir s’enrôler dans l’armée?  Dans le domaine de l’industrie, les petites et moyennes entreprises, les grandes exploitations seraient la chasse gardée des hommes du pouvoir en place et des politiciens, car constitutant le seul créneau des possibilités d’enrichissement personnel et illicite, facilité par la grande corruption de l’administration des services publiques où, par exemple, le président de la république, le premier ministre, le député, le libérateur, le CB, l’homme d’affaires, ou autre autorité ne paierait parcimonieusement ou aucune taxe à l’état.  Comment donc s’étonner que les caisses de l’état soient depuis en souffrance, selon certains témoignages?  La précarité de l’emploi, l’état moribond de l’économie, l’insécurité, l‘inefficacité de l’administration, le non respect des lois et des règlements, tous et d’autres constitueraient, selon nous, les raisons essentielles des mascarades de cohabitation en tout genre des partis politiques, des rébellions, et de la demande de la tenue d’un dialogue nationale plus gros que nature et qui, ensemble, avaient empêché la démocratie centrafricaine de faire son petit bonhomme de chemin.  Tous ces obstacles n’avaient pas pour pourtant embarassé les fameux ténors de la démocratie dans le pays ou à l’extérieur.  Chaque dirigeant de parti politique n’avait  pensé qu’au profit que celui-ci pourait tirer, lorsqu’il se serait fait remarquer par Bozizé ou, lorsque celui-ci l’aurait nommé conseiller à la présidence.  Mais peut-être que lorsque tou ce monde aura enfin obtenu un poste de conseiller à la présidence, ils trouveront toutes les solutions aux maux du pays, autres que 300 million de francs CFA!  Est-ce que ce serait pour recevoir toutes ces faveurs que le centrafricain s’engagerait en politique ? Est-ce que ce serait là la raison d’être des dirigeants des partis politiques dans le pays ?  Et Nous pourrions avancer qu’aucun n’avait pensé réellement aux générations d’enfants sans scolarité régulière, ni à un processus économique harmonieux qui profiterait à toute la population et qui serait à la fois durable et compétitif pour tout le pays.

 

Bozizé, son gouvernement et les députés de l’assemblée nationale ne penseraient qu’à leurs intérêts personnels à propos desquels nous nous réserverons le droit ici de faire une quelconque énumération.  Si, une rumeur pourtant.  Navait-on pas lu il y a quelques années que le ministre Ndoutingaï célébrait alors ses premiers millions. Dans quelles affaires douteuses ?  Mais enfin, Bozizé et les députés n’avaient-ils pas gagner des compétitions électorales bien méritées?  Mais que voulez-vous encore, diraient-ils ?  Les responsables des organisations d’aide à la République Centrafricaine ne penseraient-ils pas essentiellement à l’avancement de leurs carrières dont Bangui ne serait qu’une petite étape?    Les dirigeants des partis politiques ne rêveraient-ils d’être portés rapidement au pouvoir ? 

 

S’il vout plaît, ne cherchez donc pas à faire croire que le chômage du fonctionnaire centrafricain, la présence des brigands dans la pays, et autre vous chagrineraient.   Au lieu de compter uniquement sur le charme et la cour assidue que vous feriez aux institutions financières et d’attendre de collecter des dons extérieurs pour engager le développment de la Centrafrique, est-ce qu’il n’y aurait pas meilleurs méthodes et d’autres moyens d’apporter les changements véritables en Centrafrique? Que faire pour créer des emplois nouveaux?  Que faire des fonctionnaires sans salaires et que le gouvernement refuse de considérer comme étant en chômage technique?  Que faire pour créer des exploitations agricoles, des entreprises commerciales et des petites industries artisanales ?  Que faire pour assurer une excellente scolarisation pour tous les enfants?  Comment assurer une meilleure prise de conscience des responsabilités de santé publique?  Comment induire une efficacité plus grande de l’administration des services de l’état?  Comment débarasser le pays des brigands qui écument les régions et terrorisent les citoyens?  Comment faire pour redonner immédiatement des espoirs de bonheur et de fierté au peuple centrafricain?  Ces questions identifiant les maux centrafricains n’avaient toujours pas eu de solutions satisfaisantes.  Et quelqu’un de bien malin nous rétorquerait que tout cela serait que la faute du peuple centrafricain, de ses militaires et des responsables politiques.  Et cette personne aura raison.  Selon nous, demander puis recevoir une offre financière ponctuelle et de moindre valeur ne résoudront pas les problèmes fondamentaux de la Centrafrique.  Comme nous considérions la convocation d’une session du dialogue national comme un placébo, de la même manière, nous considérerons les 300 millions de francs CFA comme un placébo.

 

Si nous avions un message enfin, il consisterait à demander aux centrafricains, aux politiques, et aux techniciens nationaux ou étrangers d’arrêter les flatteries diplomatiques, d’identifier les problémes fondamentaux, ainsi que les solutions valables, et enfin, de faire les choses autrement que ce qui avait été la flagornerie, pour attaquer les affres du sous-développement de la Centrafrique.  Il avait été nulle part écrit que les problèmes du sous-développement de la Centrafrique étaient simples et faciles à résoudre. Peut-être devrait-on chercher les solutions ailleurs, qui auraient d’autres formes, et qui seraient plus efficaces et pratiques.

 

En tirant notre chapeau et en remerciant tout ceux qui continuent à aider et à chercher les meilleures solutions envisageables pour le développement de la République Centrafricaine, nous nous proposerons de leur dédicacer la chanson de Georges Brassens, intitulée «  Chanson pour l’Auvergnat ».  Bonne écoute!

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique

(03 décembre 2007)