Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO
Avocat
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République Centrafricaine

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A

 

Monsieur Nicolas SARKOZY
Président de la République Française
Palais de l’Elysée

55, rue du Faubourg Saint Honoré

75008 Paris


Monsieur le Président,




 Notre pays, la République centrafricaine, est en proie à une grave crise politique ayant débouché sur des conflits armés avec des conséquences extrêmement désastreuses pour la population.

Selon une idée assez répandue en France et au sein de la Communauté internationale, les conflits ravageurs en Centrafrique seraient les conséquences directes de la situation de guerre qui prévaut dans le Darfour au Soudan.

Sans denier l’existence des répercussions de la guerre du Darfour dans notre pays, nous voudrions attirer votre attention sur le fait que les causes des conflits en Centrafrique sont d’abord et essentiellement internes. Elles sont dues au mode d’accession au pouvoir par la violence et à la gestion de l’Etat.

Certes, après la rébellion armée et le coup d’Etat du Général Bozizé du 15 mars 2003, sur le plan strictement formel, des institutions démocratiques ont été mises en place suite à l’adoption par référendum de la Constitution du 27 décembre 2005. Cependant, ces institutions ne fonctionnent pas parce qu’elles sont en réalité sous le contrôle de l’exécutif et en premier lieu du chef de l’Etat.

A titre d’exemple et sans être exhaustif, l’on peut relever les violations constantes de la Constitution par l’exécutif lorsque celui-ci considère que le texte fondamental ne sert pas ses intérêts.

L’Assemblée Nationale est une coquille vide.

L’indépendance de la justice est quotidiennement menacée par les interventions intempestives et directes du chef de l’Etat sur le travail des juges considérés à tort ou à raison comme corrompus ou comme des adversaires du pouvoir exécutif. Les juges ne peuvent dire le droit dans la liberté. La Cour Constitutionnelle, lorsqu’il lui arrive de faire preuve d’une certaine indépendance est placée sous pression et il est exigé de ses membres de démissionner. Cette instance est en ce moment suspendue de fait.

Sur le plan économique, les affaires de l’Etat sont contrôlées par un cercle familial et clientéliste ou sont gérées dans une opacité totale.

Les droits de l’homme sont bafoués et les nombreux rapports établis par des organisations nationales et internationales sérieuses sont unanimes sur les graves crimes commis par les mouvements de rébellion armée mais surtout par la Garde présidentielle,  notamment dans le Nord-Ouest et le Nord-Est de la République centrafricaine où l’on dénombre plus de 10.000 maisons d’habitation incendiées, plus de 500.000 personnes forcées aux déplacements intérieurs dans des zones insalubres et inhabitables ainsi que de centaines de milliers d’autres contraintes à l’exil dans les pays voisins.

La République Centrafricaine donne l’apparence d’un Etat mais en réalité s’est installée une anarchie totale.

Face à cette situation, des voix se sont élevées pour demander la tenue d’un dialogue entre tous les protagonistes du conflit pour ramener la paix et la sécurité.

Opposé dans un premier temps à cette demande exprimée par les forces sociales et vives du pays, le Général Bozizé a fini par en admettre l’idée mais sous réserves d’en fixer lui-même les conditions en excluant certains protagonistes de la crise et en limitant sa portée.

C’est dans ce contexte que des citoyens centrafricains de toutes origines sociales ainsi que d’opinions diverses et variées ont décidé, face à la démarche du gouvernement qui va indubitablement aboutir à une impasse, de réagir en publiant un Manifeste appelant à la tenue d’un dialogue politique inclusif selon des modalités raisonnables et réalistes pour parvenir à une paix durable.

Ce document qui vous est transmis en annexe de la présente est une base de revendication citoyenne et démocratique. Signé au départ par quelques citoyens, des personnalités intellectuelles et politiques, il continue de recevoir de nombreuses adhésions.

La table Ronde qui a réuni les bailleurs de fonds nationaux et multilatéraux, dont la France, sur la situation en Centrafrique à Bruxelles le 26 octobre 2007 s’est achevée par des promesses tendant à appuyer le projet de redressement de l’économie nationale et de lutte contre la pauvreté présenté par les autorités gouvernementales de notre pays. Ces promesses ont aussi été faites sous réserve de la tenue d’un dialogue politique, du respect des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et du rétablissement de la stabilité.

Nous savons que le régime du Général Bozizé sans base populaire mais reposant sur une gestion familiale et clanique, la violence politique ainsi que la terreur militaire survit grâce au soutien important que lui apporte la France, particulièrement dans les domaines budgétaire, diplomatique et militaire.

La France peut-elle se prévaloir d’être la patrie des droits de l’homme et du citoyen et en même temps continuer à cautionner, par la permanence de son soutien, un régime aux antipodes de l’Etat de droit, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance ?

Les populations centrafricaines ont retenu vos propos très forts lors de la campagne électorale française selon lesquels vous alliez dans les relations de la France et de l’Afrique opérer une rupture avec les pratiques passées empreintes de paternalisme, voire de néo-colonialisme.

Les Centrafricains épris de démocratie et de paix et aspirant à vivre en toute quiétude dans leur pays ne relèveront-ils pas un double langage de votre part si vous ne cessez tout soutien qui risque d’être considéré comme une complicité active avec un régime autocrate, de terreur militaire, d’oppression sociale tel que celui représenté par le Général Bozizé ?

Devant l’impasse dans laquelle se trouve notre pays, la seule chance qui s’offre aux Centrafricains c’est un vrai dialogue sans exclusion afin de ramener durablement la paix et la sécurité.

C’est pourquoi les signataires du Manifeste pour un dialogue politique véritablement inclusif en Centrafrique vous exhortent à apporter tous vos concours possibles à leur pays et au peuple centrafricain pour la concrétisation de cette ultime alternative politique nationale.

En effet, seul ce dialogue sans exclusion pourra permettre de trouver les voies et moyens en vue de la résolution du conflit politico-militaire en cours mais aussi de déclencher un véritable processus de sortie de crise dans notre pays.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre haute considération. 

 

Grenoble, le 15 Novembre 2007

 

 

Pour les signataires du Manifeste,

Me Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO
Avocat au Barreau de Centrafrique.

 

 

Pièce jointe :

 (1) Texte intégral du Manifeste pour un dialogue politique véritablement inclusif en Centrafrique.