Une réaction au Communiqué de presse sur le dialogue politique inclusif : « La démarche démocratique pour réussir devrait demeurer objective, honnête, intègre et rigoureuse ».

 

Le présent message constituerait notre réaction à la lecture du communiqué de presse de la Coordination des signataires du manifeste pour un dialogue politique véritablement inclusive en Centrafrique, daté du 7 décembre courant et qui avait affiche sur le site de Sangonet.

 

Revenons un peu en arrière pour mieux éclairer.  Notre position personnelle, jusqu’ici sans équivoque, avait été l’opposition à l’idée d’usurper à une assemblée nationale établie par la constitution du pays, son rôle de conduire les grands grands débats traitant de sujets d’intérêts nationaux importants, et, de substituer à cette institution républicaine une autre  appelée dialogue national.  Nous nous étions demandés pendant longtemps si nous nous étions trompés en considérant que c’était au sein de cette assemblée nationale, entre autre, que devrait se dérouler ce mouvement permanent du dialogue national de toute la classe politique du pays.  Enfin à l’évidence, une majorité de politiciens centrafricains ou d’experts étrangers avaient décidé de considérer que ce désir de communication permanente et constructive qui soutendrait la démocratie n’était plus suffisant et que le moment serait enfin arrivé de conférer au dialogue national le statut d’institution.  Et chacun avait manqué d’observer que le terme dialogue national en tant qu’instancce n’avait jamais été mentionné dans la constitution de la République Centrafricaine.  Nous laisserons donc à ces individus le soin d’assumer toute la responsabilité de leur démarche.

 

Pour des raisons que nous avions expliquées, nous avions qualifié le dialogue national de placébo, parce que tout ce monde avait cru à ce subterfuge et espérait que la tenue de nouvelles assises pourrait apporter de nouvelles solutions à la crise politique en cours en Centrafrique.  Nous n’avons pas cru aux chances de succès de cette démarche en nous appuyant par exemple sur l’inexistence de meilleurs indices politiques, sociaux et éonomiques qui avaient résultés de la tenue d’un précédent dialogue national, organisé par le même Bozizé.  Par ailleurs, nos arguments suggéraient le dysfonctionnement de l’assemblée nationale comme la raison principale du « patinage » démocratique, parce que les membres élus de cette assemblée nationale avaient refusé de pleinement jouer leurs rôles qui étaient nécessaires au renforcement des acquis de la démocratie dans le pays et aux actions de développement économique et social.  Mais n’est-ce pas cette démocratie qui avait été l’essence même de l’existence de cette assemblée nationale!  Selon nous, ce serait donc au sein de cette assemblée nationale que résidait une part importante du problème politique centrafricain.  En effet la majorité des membres de cette assemblée nationale avait décidé de laisser à Bozizé toute la liberté pour établir sa petite dictature, entouré de ses prétendus libérateurs, d’une poignée de politiciens indigents et opportunistes, puis de quelques membres de son clan.  Voilà donc le cliché de la structure politique et économique de la République Centrafricaine, parce que comme dans le cas de l’uranium de Bakouma, Bozizé seul prenait toutes les grandes décisions économiques et politiques sans consultation préalable ou obligée avec les membres d’autres instances du pays.  Selon nous, l’assemblée nationale par exemple était devenue de facto incompétente aux yeux de Bozizé et de son gouvernement qui n’informait cette auguste assemblée que lorsque cela les convenait.  Dans ce contexte, comment s’étonner de la dilapidation sans effrontement des resources stratégiques du pays par ceux qui étaient enfin satisfaits d’être au pouvoir . Enfin, vouloir chercher la solution à cette crise politique qui avait été créée par Bozizé et les rébellions du nord, aurait dû consister dans un premier temps à faire en sorte que les députés sortent de leurs léthargies, qu’ils quittent leurs vieilles habitudes de mbunzu vouko, et qu’ils deviennent réellement des acteurs des changements positifs que le peuple avait souhaités en les élisant.  Si dans la réalité, il était établi que les députés élus refusaient de jouer les rôles prescrits pour eux dans la constitution en faveur du progrès de la Centrafrique, alors le peuple devrait en tirer les conclusions et réclamer de nouvelles élections parlementaires qui permettraient de sélectionner une nouvelle équipe d’élus du peule, capables d’insufler plus de dynamisme et d’imposer des transformations positifs en faveur de la paix et d’un développement économique réel et rapide.  Au lieu de la tenue des assises d’un pseudo dialogue national, voilà ce qu’il fallait réclamer et qui aurait pu apporter un changement politique fondamental ne laissant aucune marge de manœuvre à l’établissement d’une dictature ou à un prétexte quelconque de rébellion armée.

 

Une autre catégorie de fourvoyeurs de la démocratie centrafricaine avait été les rébellions armées que nous dénoncions, car elles avaient allègrement foulé au pied la constitution du pays en prenant les armes pour règler des comptes occultes et personnels avec Bozizé, en tuant, brûlant et violant au passage.  Et pour camoufler leurs véritables intentions, ils avaient fait croire qu’ils constituaient des partis politiques.  Mais ils n’avaient certainement jamais appris que faire de la politique était une un acte civil dans une société qui recherche son progrès.  Et tout le monde serait d’accord que les actions des rébelles, mêmes si elles avaient été légitimes, avaient été en réalité des crimes contre des populations innocentes.  Ce qu’ils avaient considéré comme des actes héroïques ou des faits d’armes de véritables officiers, avait remis en cause la sécurité du pays et avait donné contre toute attente des prétextes à Bozizé pour ne pas accélérer et véritablement engager toutes les compétences de son gouvernement dans la recherche des solutions pour le développement économique et social de toutes les préfectures de la République Centrafricaine.  Puis ces rébelles avaient tué des habitants, brûlé des habitations, volés et emportés des biens, violé des femmes et filles en territoire centrafricain.  Est-ce que vous pourriez nous dire l’on ne devrait pas les considérer comme des criminels en tant que tels et les traîner devant une justice compétente?  Vous voulez savoir pourquoi ?  Simplement, parce Bozizé lui-même et les mutins de l’armée nationale avaient donné les exemples et parce que comme toujours la grande justice de la République Centrafricaine les amnistierait bien un jour après la tenue des assises du dialogue national.  N’est-ce pas ce qu’ils seraient tous en train de négocier en voulant jouer aux caïds?  Puis à nouveau, d’autres rébellions demanderont au peuple centrafricain de tendre l’autre joue.  Mais quelles leçons les centrafricians et autres conseillers expatriés devront en définitif tirer pour faire cesser cette misère du centrafricain?  En réclamant  la participation des rébelles à un dialogue national, quelles leçons voudrait-on donner à tous ces brigands et ces usurpateurs qui voudraient se saisir du pouvoir à Bangui, afin de satisfaire des intérêts particuliers et faire main-basse sur les ressources du pays comme l’avait fait Patassé hier et comme le feraient aujourd’hui Bozizé et sa clique.  Mais si les plus forts, les mieux armés et les plus filous devraient être ceux qui gouverneraient et feraient du tort aux centrafricains, pourquoi donc vouloir monter toute cette mascarade trompeuse et coûteuse de dialogue national?  Enfin, allez-y donc!  Mais à une seule condition, payez donc 6 mois d’arriérés de salaires, de pensions et de bourses à vos compatriotes qui espèrent chaque jour se faire enfin payer.  Ces choses là seraient peut-être plus importants que la préparation de mille dialogues nationaux, ne trouvez-vous pas?  Posez donc la question autour de vous!

 

Si Bozizé s’était présenté aux élections pour rétablir la sécurité, pour relancer une économie moribonde et pour veiller au bien-être de chaque citoyen, cela avait été sa décision.  Si des partis politiques ou des individus avaient décidé de soutenir le régime politique de Bozizé, cela avait éte leurs choix.  C’est cela l’exercice de la démocratie.  Et tout le monde devrait respecter les règles de jeu de la démocratie sans demi-mesure.  Cependant, si les résultats des actions politiques, économiques et sociales, posées par Bozizé et son gouvernement ne seraient plus ce que la majorité du peuple centrafricain avait attendu de son régime, cette majorité devrait pouvoir le lui exprimer et devrait en retour voir des changements positifs et rapides.  Et si Bozizé et son gouvernement refuseraient d’écouter, cette majorité devrait lui retirer sa confiance avec les conséquences dans les règles établies par la constitution du pays.

 

Ayant lu avec beaucoup d’attention le communiqué de presse cité plus haut, nous voudrions cependant faire les commentaires qui suivent.  Si les rébelles avaient été considérés comme les « protogonistes » du conflit politique en cours dans le pays, chacun devrait déposé les armes et se porter volontaire pour participer activement au dialogue national avec le gouvernement, l’assemblée nationale et la société civile.  Si Bozizé, lui aussi, faisait partie des « protogonistes », il aurait beaucoup à gagner en  précisant  publiquement, rapidement et sans tergiversation ses conditions véritables pour un bon déroulement des assises de ce dialogue national.  Puis, si l’on voudrait toujours considérer ces prochaines assises comme celles d’un véritable dialogue national, tous les partis et organisations politiques de l’opposition devraient peut-être en soutenir l’idée et y participer activement et constructivement, afin de donner des chances pour le rétablissement de la sécurité dans le pays.  Par ailleurs, les signataires du manifeste et leur instance de coordination ne devraient pas chercher un échappatoir dans le cas d’un échec du dialogue national, en rejetant et insinuant la « responsabilité morale et politique » des « hauts représentants d’institutions intergouvernementales en poste à Bangui », selon les termes du communiqué de presse.  Si les leaders des partis et organisations politiques dans le pays ou à l’extérieur avaient entrepris avec rigueur une analyse de la crise centrafricaine, ils auraient pu arriver à la conclusion que l’élection de Bozizé et les mouvements de rébellion étaient d’abord des problèmes centrafricains, créés par des centrafricains qui s’étaient encoquinés avec des malfaiteurs en tout genre, compromettant la sécurité et le développement du pays.  Les centrafricains de tout bord devront donc apprendre à bien faire la part des choses et prendre leurs responsabilités devant leurs concitoyens et devant l’histoire.  Enfin, nous remarquerons que les leaders politiques et ceux des organisations qui avaient réclamé avec insistance la tenue du dialogue national, n’avaient toujours pas identifié les objectifs précis pour ces assises.  Si Bozizé avait été démocratiquement élu, ainsi que l’avait déclaré la cour consitutionnelle, et si Ziguélé avait concédé sa défaite, nous nous posons avec beaucoup d’étonnement la question de savoir pourquoi la coordination des signataires du manifeste indiqueraient aujourdhui dans leur communiqué de presse  que « le point primordial du dialogue doit porter sur la question de la légitimité du pouvoir »?   De quelle légitimité parlent-ils? Est-ce que les assises de ce dialogue national auraient les compétences constitutionnelles d’une assemblée nationale ou de la cour constitutionnelle pour traiter de cette question de légitimité?  Est-ce que ceux qui appellent avec insistance à la tenue des assises du dialogue national voudraient ériger ces sessions en une cour qui établirait à nouveau ou non la légitimité du régime de Bozizé?   Selon nous, répondre par l’affirmatif à ces questions constituerait simplement une usurpation.  Est-ce que les assises de ce dialogue national devraient être considérées comme celles d’une cour de cassation?   Mais ne vous rendez-vous pas compte que si tel était votre objectif, votre démarche serait contraire à toute logique dictée par une lecture correcte de la constitution centrafricaine ?

 

Enfin, nous espérons que les signataires du manifeste savent ce qu’ils veulent et qu’ils veilleront à l’objectivité de leur démarche pour ne pas jeter plus d’huile qu’il n’en faut sur le feu.  Cependant, gageons que tous les enfants de la Centrafrique saurons avec beaucoup de justesse, garder la flamme de la démocratie allumée.

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (13 décembre 2007)