Accords de paix en Centrafrique : Quiproquo, passe-droit, amateurisme ou simplement anarchie ?

 

Depuis quelques mois, il se passerait en Centrafrique des évènements politiques incongrus à propos desquels nous voudrions attirer l’attention des citoyens d’un pays jadis paisible.  Revoyons ensemble certaines séquences chronologiques desdits évènements.

 

En février 2007, Abdoulaye Miskine, alias Moustapha Maloum, chef d’une des rébellions armées dans le nord du pays, faisait la paix avec Bozizé après que le Président du Benin et celui de la Libye aient offert leurs services .  Abdoulaye Miskine rentrera rapidement à Bangui après la signature de l’accord de paix de Cotonou au Benin et se fera nommer tout aussi rapidement conseiller à la présidence par Bozizé.  Pour faire bonne mesure et pour compléter le tableau de chasse de Bozizé, un autre chef rébelle, Zacharia Damane, appartenant à un autre groupe avait, lui aussi, emboîté le pas au précédent. Vous conviendrez avec nous que tout cela aurait été louable si chacun des accords de paix qui avaient été conclus, avait mis fin à tout ce climat d’insécurité dans le nord de la Centrafrique. Mais connaissant les individus en présence et le peu de valeur que l’on donnerait à leurs paroles, les centrafricains devrons assister à la démonstration que ces accords n’avaient absolument rien à voir avec le rétablissement de la paix en Centrafrique.  Ces accords, les uns après les autres, avaient été en réalité ce que l’on appellerait des accords de dupes.

 

En avril de l’an 2007, nous apprenions que n’étant pas satisfait des ristournes liées à la signature de son accord de paix avec Bozizé et n’ayant pas reçu pas les redevances ou les traitements dignes de sa nouvelle fonction de conseiller à la présidence, Abdoulaye Miskine aurait quitté Bangui pour la Libye où il était assuré de recevoir une assistance financière plus substantielle de la part de Tripoli.  Ce qui n’était pas idiot de sa part par les temps qui courent à Bangui!  Mais, pour mieux faire la lumière sur ce personnage rocambolesque d’Abdoulaye Miskine de son nom de guerre, certaines sources avaient révélé que celui-ci avait surtout exercé les fonctions de charlatan au Cameroun, au Nigéria, au Tchad et en Centrafrique, avant d’être aux petits soins de Patassé qui en avait ensuite fait son conseiller spirituel, son homme de main, puis un des chefs de sa sécurité personnelle. Cet Abdoulaye Miskine était véritablement talentueux pour tout avouer.

 

Ailleurs, comme par enchantement, le 9 mai 2008, Démafouth, président rebelle de l’armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD), Zacharia Damane de l’union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), et le gouvernement de Bozizé signaient ensemble à Libreville un accord de cessez-le-feu.  Et tous ensemble, avec en trousse l’union des forces vives de la nation (UFVN) aboutissaient sous la houlette du Président Gabonais, à un accord de paix global en date du 21 juin.  Tout cela était bien, à l’exception de la demande d’une amnistie générale des exilés politiques, qui avait fait couler beaucoup d’encre.

 

Puis soudainement et contrairement aux accords de paix successifs signés entre l’UFDR et le gouvernement de Bozizé, l’Agence France-Presse (AFP) rapportait le 16 juillet courant, les propos du Capitaine Abakar Sabone qui annonçait fièrement une deuxième raclée que ses forces infligeaient aux troupes de Bozizé et la prise de la ville de Birao par les forces rebelles de l’UFDR.  A l’occasion, la  petite bourgade de Birao devenait ainsi le Alamo de la Centrafrique.  Comme à ses habitudes, Abakar Sabone annonçait la liste des butins de guerre de ses forces, qui comprenait 10 soldats tués parmi les forces gouvernementales centrafricaines, la saisie de 11 véhicules de l’armée centrafricaine, et la récupération de nombreuses armes de guerre.  Abakar Sabone devait préciser par la même occasion que le chef d’état-major de l’UFDR n’était autre que le même Général Abdoulaye Miskine, alias Moustapha Maloum – plus besoin d’aller dans une école d’officiers pour mériter ses galons -.  Mais qu’était donc devenu l’accord de paix de février 2007?  Evidemment, celui-ci avait été battu en brèche. Enfin, les propos de Sabone avaient été énoncés comme si ces soldats des forces gouvernementales que l’UFDR avaient tués, étaient justes des cibles dans un champ d’entraînement militaire.  Mais ces soldats qui avaient été tués n’étaient-ils pas en réalité des centrafricains au service de la République Centrafricaine et qui faisaient leurs devoirs, même s’ils servaient sous le régime impopulaire de Bozizé?  Le constat qui resterait à faire serait que l’UFDR était capable de prétendre vouloir faire la paix d’un côté, puis de l’autre, tuer tout aussi froidement des soldats centrafricains.  Mais dites-nous donc si cela est acceptable par le peuple centrafricain qui observe sans rien dire?   Dites-nous pourquoi, il serait nécessaire de négocier avec Abakar Sabone et tous les autres ?

 

Le 18 juillet, le colonel Djim-Wei Babiti, porte parole de l’APRD faisait afficher une note de protestation et une mise en garde auprès du gouvernement de Bozizé qui aurait écarté ce groupe rebelle des renégociations des termes de l’accord de paix puis des négociations des termes de l’armistice générale.  Mais après avoir violé, volé, tué, ne voudraient-ils tous pas le pardon de Bozize?  Mais, est-ce que les centrafricains ne devraient pas organiser un référendum pour déterminer si oui ou non le peuple, l’assemblée nationale ne devraient accorder ou refuser le pardon à toute cette bande de criminels qui, depuis les mutineries, entretiennent la misère du peuple centrafricain tout entier?

 

Le 21 juillet, le site de Centrafrique Presse affichait qu’Abdoulaye Miskine en exil en Libye, serait “prêt à signer l’accord global de paix en Centrafrique”.  Combien d’accords de paix celui-ci devrait signer pour que leurs termes deviennent exécutoires?  Celui-ci devraient certainement prendre les centrafricains, leur président et tous les négociateurs de paix pour des imbéciles! - excusez-nous du terme -. 

 

Le lendemain, 22 juillet 2008, sur ce même site de Centrafrique Presse on lisait “Le capitaine Sabone claque la porte de l”UFDR” et informait que le mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ) se retirait de l’UFDR qui ne regrouperait plus que le groupe d’action patriotique de libération de la Centrafrique (GAPLC) de Michel Am Nondroko Djotodia, et le front démocratique centrafricain (FDC) du commandant Justin Hassan.  Notre question serait la suivante.  Est-ce que Sabone en se retirant de l’UFDR trouverait là un autre échappatoire pour se laver des crimes perpétrés par l”UFDR, le MLCJ, le GAPLC et le FDC tout à la fois?  Cette tactique n’est-elle pas une autre grosse couleuvre qu’il voudrait faire avaler aux centrafricains, fatigués de toutes ses manoeuvres criminelles? 

 

A cause de la grossièreté de leurs propos ou de ces prétendus accords politiques médiocres, nous nous étions demandés si tous ces faux-fuyants n’étaient pas en réalité des faits d’amateurs dans lesquels la grande victime serait la Centrafrique et les centrafricains.  Est-ce les parties prenantes dans ces accords de Tripoli, de Cotonou, de Libreville ou de Bangui avaient véritablement précisé les responsabilités ou encore les obligations respectives de chaque partie?  Est-ce que les termes de chacun de ces accords de paix avait identifié les circonstances qui rendraient nul et non à venu chacun de ces  accords?  Est-ce que les parties avaient énoncé clairement les conséquences sévères qui résulteraient du non respect de chaque et de tous les termes de ces accords?  Notre impression avait été que c’était toujours la population innocente qui payait les pots cassés et que les responsables des meurtres perpétrés par les rébellions ou par le gouvernement de Bozizé seraient amnistiés et continueraient  ad eternum à brimer le peuple centrafricain.  Mais enfin, est-ce qu’un soldat centrafricain aurait-il moins de droits de l’homme que les autres concitoyens?

 

Notre conclusion en face de ces scandales et toutes ces farces du prétexte de l’inclusion serait la suivante.  Nous voudrions laisser aux centrafricains favorables au dialogue national inclusif et aux négociateurs des problèmes politiques de ce pays, le soin de se rendre compte qu’ils se sont mis le doigt dans l’oeil jusqu’au coude, en croyant que le progrès de la Centrafrique serait effectif en négociant avec ces hommes qui se réclameraient de la démocratie, mais qui seraient en réalité des crapules, des bandits, et des arnaqueurs qui ne se soucient aucunement de la paix ou du progrès de la Centrafrique.  Est-ce que ces centrafricains signataires réaliseraient enfin que tout ceux qui ont des armes –Bozizé et les rebelles - ne veulent pas de dialogue qui révélerait leurs intentions sournoises, puis leurs faiblesses morales et intellectuelles qui n’ont rien de patriotiques?  Pour finir, ils joueraient tous au chat et à la souris au mépris de la misère des centrafricains.  Pour ce qui nous concerne, les problèmes en Centrafrique avaient toujours été abordés par le mauvais bout.  Les moyens pour résoudre les problèmes politiques et économiques du pays se trouveraient ailleurs et non dans la rébellion ou dans un régime arrogant et incompétent.

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (28 juillet 2008)