Quelle leçon tirer du tintamare politique en Centrafrique?

 

L’essentiel à retenir consisterait à suggérer aux centrafricains d’apprendre à n’attendre aucune assistance quelconque, ni du gouvernement de Bozizé, ni des rébellions, tous incapables d’offrir une seule solution satisfaisante et rapide à un seul ou plusieurs des maux qui font la misère de la population.  Le gouvernement de Bozizé et les chefs rébelles rajoutent, chaque jour, un nouveau mal à la grande douleur des centrafricains et élèvent d’un cran les obstacles à l’émancipation du pays.  Mais tout cela, est-ce que les centrafricains, gbayas, soumas, kabas, dagbas, bandas, roungas ou autre, le savent-ils? 

 

D’après les dernières révélations du centrafricain Bengué-Bossin, à la veille de la célébration de l’indépendence de l’Oubangui-Chari, un groupe de dirigeants politiques n’avaient pas hésité à participer à un complot pour écarter physiquement Barthélémy Boganda du pouvoir, lorsque les colons leur en firent l’offre.  Cette révélation ferait encore la démonstration que toute combine pour accéder au pouvoir à Bangui n’avait pas arrêté de corrompre depuis ces débuts la conscience de nombreux centrafricains.  Aujourd’hui, ceux-ci se cacheraient derrière le prétexte fallacieux de patriotisme pour mener leurs actions lugubres.  Si Bozizé était arrivé au pouvoir, n’était-ce pas pour satisfaire son propre ego?  Si Patassé et sa clique étaient derrière les activités de la majorité des rébellions du nord, n’est-ce pas parce que la dégustation du pouvoir par ceux-ci serait, selon eux, plus important que les malheurs que leurs rébelles infligent à leurs propres frères et soeurs?  Mais pensez-vous vraiment que tous ces hommes seraient entrés en rébellion seulement pour les beaux yeux de la Centrafrique et défendre ce qui serait important pour tout le pays et sa population?

 

Sous le futile prétexte que le pouvoir de Dacko se rapprochait du régime de Pékin, Bokassa renversa celui-ci en présentant comme preuve de ce rapprochement des armes de guerre d’origine chinoise qui auraient traînées quelque part.  L’auto-promotion de Bokassa du grade de colonel au titre de maréchal, puis d’empereur Ier, au cours de 14 annnes de pouvoir révélera le véritable caractère malsain de celui-ci qui voulait la grandeur.  Est-ce que Bozizé, Patassé et les chefs rébelles n’aspireraient pas à pareille grandeur?  Enfin, cela ne serait-il pas le secret caché de chacun d’entre ceux qui voudraient se sentir importants uniquement lorsque qu’ils se feraient appeler capitaine, général, ministre, rapporteur ou président, même s’il s’agissait en réalité d’un groupe de bandits?

 

Dacko avait été exaspéré par les allégations de Patassé et du MLPC, d’avoir truqué les résultats des élections de 1981.  Et lorsque Dacko avait demandé à Kolingba de prendre le relai du pouvoir à Bangui, personne n’avait soupçonné que Dacko trahissait par la même occasion les termes de cette nouvelle constitution du pays que les citoyens avaient été heureux de mettre en place, après le régime du parti unique.  Mais est-ce que Dacko n’aurait-il pas pu organizer des nouvelles élections, afin d’épargner du temps, de préserver cette nouvelle démocratie, ainsi qu’un semblant de paix social?  Kolingba qui avait contemplé, de longue date, cette manne, avait saisi l’occasion qui lui était ainsi offerte, et avait gardé le pouvoir à lui pendant près d’une dizaine d’années, avant de céder finalement à la pression et, légaliser enfin tous les partis politiques et organiser de nouvelles élections démocratiques qu’il perdit.

 

Patassé était enfin arrivé au pouvoir à son tour, après avoir fait au peuple la promesse de l’exercice libre de la véritable démocratie, et celle de progrès économiques et sociaux.  Assez rapidement, Patassé et son MLPC n’avaient plus su jouer le jeu de la démocratie, et son régime avait tourné à la dictature, utilisant à nouveau les mêmes méthodes et autres vices que celui-ci et le MLPC avaient reprochés aux régimes précédents, réhabilitant et renforcant les anciens maux tels les arriérés de salaires, les malversations économiques, la corruption, l’insécurité, l’enrichissement personnel, etc.  Pendant son régime, l’on avait observé particulièrement les mauvaises fréquentations des membres de son clan et les intrusions de nombreux étrangers dans le fonctionnement des affaires de l’état.  A la fin, le régime du MLPC qui avait prétendu libérer le peuple des maux inhérents au pays, avait donné un coup d’arrêt à leurs beaux principes et refusait de jouer le jeu de l’exercice quotidien de la démocratie.

 

Bozizé sous le prétexte de libérer les centrafricains du régime corrompu de Patassé, apporta avec lui la catastrophe et la destruction dans les villes du nord du pays, ainsi qu’une bande de mercenaires de tout poils, issus des rébellions tchadiennes.  Mais comment Bozizé pouvait-il prétendre libérer les centrafricains du joug de Patassé en instituant par la même occasion une anarchie, organisée de main de maître par ses compagnons de maquis, et en laissant opérer les aigris du régime de Patassé qui avaient pris le maquis?  Enfin, Bozizé avait surtout amené avec lui un nouveau mal dans le pays, qui s’appelait rébellion.  Puis de nouveaux aventuriers aux origines diverses ou douteuses avait pensé qu’entrer en rébellion étant à la mode en Afrique noire, ils pouvaient, pourquoi pas, chacun s’y essayer.  Puisque Bozizé avait réussi son coup sans coup faillir, pourquoi donc ne réussirait-il pas à leur tour, surtout s’ils avaient en face d’eux une armée nationale qui doutait d’elle-même?  Patassé et chacun de ces rébelles continueraient à forcer, même si chacune des tentatives pouvait s’avérer désastreuse pour la population et pour le pays tout entier.  Puis, conscient que l’image de ces groupes de bandits n’attirerait pas la sympathie du public centrafricain, ni ne charmerait la communauté africaine ou internationale, ils avaient décidé, chacun, de se donner une odeur de sainteté en faisant passer leurs groupuscules pour des partis politiques.  Même si en rêalité, la majorité des groupes formait ensemble la branche armée du MLPC.  Au lieu d’un mouvement de libération du peuple centrafricain par le verbe, l’éducation civique et le travail, le MLPC avait décidé de prendre les armes et rendre captive la liberté des centrafricains.  Mais que voulez-vous, ce retournement de veste est courant dans le pays et cela s’appellerait faire de la politique, n’est-ce pas!  Meme certains présidents de parti politique, qui avaient pignon sur rue dans le pays, avaient opéré comme ce disciple de Jésus;  ils avaient renié leurs valeurs démocratiques, avaient changé de vestes et s’étaient reversés dans la rébellion, puisque c’était la seule voie rapide pour arriver au pouvoir.  N’avaient-ils pas attendu trop longtemps dans les antichambres? 

 

Aujourd’hui, tout ce monde joue du coude pour arriver au pouvoir à Bangui.  Mais quel destin Patassé, le grand camarade, voudrait encore réserver à ses anciens camarades qui l’avaient jadis soutenu?  Quel sort chacun des chefs rébelles réserveraient aux centrafricain(e)s ou encore à la Centrafrique?  La réponse à cette question n’avait qu’à attendre.  La preuve est qu’à Libreville, le président d’une des rébellions avait parlé de la priorité de former rapidement 500 médecins et de reformer l’armée et d’en faire une armée véritablement nationale et professionnelle.  Mais qui seraient les employeurs de ces 500 médecins si déjà l’administration de l’état et les petites cliniques privées, ne peuvent pas pour les uns payer régulièrement les salaires de ceux qui sont déjà employés, ni absorber ceux qui sont au chômage?  Est-ce que ces nouveaux soldats d’une armée nationale ne seraient surtout pas destinés à servir un régime comme l’avaient fait les tontons-macoutes?  Etait-ce là les exemples pertinents des capacités des rébelles à proposer des stratégies solides pour régler les problèmes urgents du pays?  N’est-ce pas là encore les démonstrations de la faiblesse des politiciens-rebelles à diriger la Centrafrique et à mener le pays sur la bonne voie?   Si notre constat avait du poids, quelles prédictions devrait-on faire à propos des assises d’un dialogue national inclusif dont ils se gargarisent tous?  Si les rebelles étaient des démocrates comme ils le réclament, si la Centrafrique était une démo(n)cratie comme Bozizé le proclame, pourquoi voudraient-ils tromper le peuple centrafricain en utlisant la tenue des assises d’un dialogue national inclusif comme prétexte pour s’amnistier mutuellement des crimes qu’ils avaient commis à l’endroit des centrafricains?  S’ils étaient des démocrates et s’ils voulaient l’amnistie générale, ils auraient pu avoir la courtoisie de poser la question au peuple centrafricain en organisant un référendum, par exemple. Est-ce que les centrafricains signataires qui avaient soutenu cette mascarade réalisent-ils l’erreur qu’ils avaient commise en approuvant cette machinerie?  L’autre observation que nous pourrions oser faire serait que les cadres et technocrates centrafricains auraient certes des connaissances professionnelles solides dans leurs domaines de formation ou d’expertise.  Le peuple avait cru que ces cadres et technocrates seraient ceux, aptes à relever les défis de développement et de progrès de la Centrafrique, sans se douter que si ceux-ci étaient foncièrement de mauvaise moralité, et, surtout n’aurait aucune compétence ni expérience professionnelle dans la gestion des affaires publiques ou dans la gestion des enterprises privees.  Voici, montré du doigt la source d’une des raisons de la grave crise éconmique que traverse le pays.  Pour vous en convaincre, regardez donc la gestion de l’électricité, de l’eau, du bois, du diamant, de l’or, et des offices publiques dans le pays.  Mais peut-être que ces chefs rébelles sauraient mettre en place une gestion efficace des affaires publiques, différente de ce que nous observons encore à Bangui.

 

Et le peuple centrafricain ne réaliserait toujours pas que le pays serait en train de se désintégrer davantage en autorisant des aventuriers de mauvaises moralité, prétendre se préoccuper des problèmes politiques et de ceux du développement de la Centrafrique.  Les détournements des fonds publiques, la crise financière sans fin, la dernière crise d’électricité à Bangui, la mauvaise distribution de l’eau potable, les soldats qui braquent les civiles sans défense, sont les preuves que ceux qui sont au pouvoir à Bangui ne maîtrisent pas les rouages de l’administration de l’état, nécessaires à un bon fonctionnement des services de l’état, et qui bénéficierait à la population centrafricaine toute entière.  Pourquoi sont-ils donc en place?  Pour s’en mettre plein les poches par la force des armes et par les intimidations, en réglant par ailleurs certains comptes personnels avec tout ceux qui se trouveraient sur leur passage.  Nous serions curieux de savoir quels avis professionnels, qualifiés Abakar Sabone ou un autre offriraient au gouvernement pour la bonne marche d’un département ministériel à Bangui.  Est-ce qu’ils n’attendraient de faire comme Zoumara et les autres?

 

S’il vous plaît, arrêtez donc toute cette farce!  Le peuple centrafricain a des aspirations et voudrait rapidement retrouver sa fierté, au même titre que tout ceux d’ailleurs!  Le peuple centrafricain n’arrivera pas à cette fin si tout le monde pense que le dialogue national du peuple, qui devrait se tenir partout, dans la rue, dans les médias et surtout à l’assemblée nationale, ne serait considéré comme un véritable dialogue que si et seulement si Patassé et des bandits de grands chemins qui avaient causés du tort aux centrafricains, prenaient en priorité part à ce qui ne serait autre qu’un grand rassemblement qui n’aboutirait à rien de nouveau et de constructif.  Quel gaspillage de temps!  Selon nous, le peuple centrafricain devra reprendre en main sa justice et rendre sa justice, si les magistrats centrafricains et la magistrature suprême ne font plus la démonstration qu’ils seraient aptes à rendre une justice indépendante, juste et équitable dans le pays.  Le peuple centrafricain devra reprendre en main sa justice et rendre la vie misérable à tous ces criminels et leurs complices qui se cachent derrière ces sigles de parti politique de malfaisance.  Pour commencer, le peuple centrafricain devra porter plainte contre tous ces criminels et leurs associés, auprès de toutes les instances juridiques compétentes dans le monde, si ce n’est deja fait.

 

Enfin, les partis politiques de tout ceux qui sont véritablement des patriotes, et qui voudraient le changement positif rapide pour tous les enfants de la Centrafrique, devront réorganizer leurs militants de base et leur assurer une formation véritablement civique.  Les partis politiques devront rapprocher les diverses tendances pour constituer une grande force électorale, afin de protéger la démocratie centrafricaine des rébellions armées qui sont sans fin – comme au Tchad et au Soudan --.  Le peuple centrafricain devrait sélectionner quelques dirigeants, ceux ou celles encore récuperables, les observer, les motiver, puis les préparer et les soutenir, à l’approche et pendant les prochaines élections générales de 2010.  Le peuple devrait choisir des dirigeants autres que ceux qui veulent perpétuer les complots politiques et les malheurs du pays et des citoyens centrafricains.  La grosse difficulté à surmonter serait de juger objectivement les capacités de ces hommes et de ces femmes encore capables de mener des actions positives, et qui pourraient mieux faire que ceux et celles qui sont en place aujourd’hui.  Selon nous, ceci serait là la première des priorités des partis politiques sérieux, et non le dialogue national inclusif ou une amnistie générale de criminels.  Qu’est-ce que vous en pensez?

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique  (Samedi 9 Août 2008)