Jean-Paul Ngoupandé, ancien Premier ministre de la République centrafricaine : «Le franc CFA assure une stabilité minimale»

Par Christophe AYAD - Libération, mercredi 15 septembre 2004

Jean-Paul Ngoupandé a été ambassadeur de la République centrafricaine en France (1994-1996) avant d'être le Premier ministre d'un «gouvernement d'union nationale» à Bangui en 1996 et 1997. Il est l'auteur de l'Afrique sans la France (Albin Michel, 2002).

Le franc CFA est-il un anachronisme colonial qu'il faudrait remplacer ?

La question de la modernisation monétaire de l'Afrique se pose. Mais pour avoir une autre monnaie, régionale ou panafricaine, il faudrait mettre en place des politiques de développement qui conviennent. Et sur ce point je suis malheureusement sceptique. La gestion du franc CFA par le Trésor et la Banque de France correspond aux ratés de l'indépendance. A la base, il faut des politiques de développement saines et cohérentes. La monnaie n'est qu'un symptôme, un instrument.

Quels sont les avantages et les inconvénients liés à l'appartenance à la zone franc ?

Il est clair que le franc CFA, qui est indexé sur l'euro, est surévalué. Et cela pose de gros problèmes à un certain nombre de pays qui ont vu leurs exportations se renchérir et leur balance commerciale se détériorer. Mais il y a des pays qui ont tellement de problèmes que je ne les vois pas affronter seuls la gestion complexe et délicate d'une monnaie. A court terme, et compte tenu des difficultés de la croissance dans un certain nombre de nos pays, le franc CFA est un pis-aller. Il évite l'accumulation de difficultés supplémentaires. Il assure une stabilité minimale.

Pourtant, les anglophones volent de leurs propres ailes....

Avec des résultats contrastés. Autant le Ghana semble avoir réussi, autant le Nigeria ne se sort pas de ses difficultés. Le naira (monnaie nigériane, ndlr) reste soumis à une instabilité chronique.

Dix ans après la dévaluation de 50 % du franc CFA décidée par Paris, quel bilan peut-on tirer ?

Cette thérapie de choc n'a pas eu les effets escomptés dans la plupart des pays concernés. Il aurait fallu que la production et les exportations augmentent, mais cela n'a pas été le cas. La Côte-d'Ivoire est l'un des rares pays à en avoir bénéficié pendant quelques mois. Voyez où elle en est ! Le problème, c'est qu'il n'y a eu aucune stratégie de lutte contre la pauvreté alors que le pouvoir d'achat des classes populaires urbaines a plongé.

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