La constitution, enjeu de la lutte entre le pouvoir et l'opposition

BANGUI, 3 déc (AFP) - 11h23 - Le texte de la nouvelle constitution centrafricaine soumise à référendum dimanche a été l'occasion de débats houleux et de plusieurs crises entre le gouvernement et le parlement, notamment au sujet des limitations qu'elle impose aux pouvoirs du futur président.

Sixième constitution de la Centrafrique depuis son accession à l'indépendance en 1960, ce texte a été élaboré sur la base de la loi fondamentale de 1995 qui, aux yeux des participants au Dialogue national organisé après le coup d'Etat du général François Bozizé en mars 2003, était "la moins mauvaise" de l'histoire du pays.

Malgré cette trame, l'élaboration du texte a vite tourné à l'affrontement entre le général François Bozizé et le Conseil national de transition (CNT), sorte de Parlement intérimaire doté d'un simple avis consultatif. Initialement prévue en mars 2004, la rédaction du projet n'est achevée que trois mois plus tard, après des débats houleux.

L'avant-projet de constitution à peine adopté par le Parlement de transition, la guérilla reprend de plus belle en août lorsque le gouvernement décide sans crier gare de modifier le texte, juste avant sa promulgation.

Le Conseil crie alors au scandale, estimant que le texte retouché par le pouvoir "n'est pas consensuel et qu'il viole les recommandations fortes et exécutoires du Dialogue national". Nouvelle crise que, cette fois, la seule négociation ne parvient pas à dénouer.

Au coeur de la querelle figurent les pouvoirs accordés au futur président et, surtout, la durée de son mandat. Conformément aux dispositions consensuelles retenues par le Dialogue national, le CNT est favorable à un mandat, renouvelable une fois, de cinq ans, alors que le président et son gouvernement souhaitent le porter à six ans.

Autre sujet de dispute, le montant des cautions à verser par les candidats aux scrutins présidentiel et législatif, nettement plus élevées dans le texte gouvernemental que dans celui du Parlement de transition.

Enfin dernière série de divergences, celles qui concernent les pouvoirs du futur chef de l'Etat. Le clan Bozizé veut un président omnipotent face à un Premier ministre et une Assemblée nationale "croupions", alors que son opposition souhaite limiter ses prérogatives par un Premier ministre et un pouvoir législatifs forts.

En ce mois de septembre, les deux camps campent solidement sur leurs positions et aucun ne semble prêt à capituler. Il faut alors l'intervention de l'ambassadeur de France à Bangui et du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Centrafrique ainsi que de très nombreuses tractations pour que, le 21 octobre, le président Bozizé retire les dispositions litigieuses qu'il avait ajoutées au texte.

Le CNT comme la présidente du comité de suivi des actes du Dialogue national (CSADN), Catherine Samba Panza, savourent leur victoire et ont beau jeu de saluer "les efforts particuliers d'apaisement du climat politique et social" déployés par le chef de l'Etat.

Le texte définitif ressemble donc comme deux gouttes d'eau a celui sorti des bancs du Parlement de transition. A côté d'un président élu pour cinq ans, il place un vrai Premier ministre chargé de "conduire la politique de la nation" et une Assemblée nationale capable de véritablement contrôler l'exécutif.

Le futur chef de l'Etat voit, lui, ses ailes rognées. La nouvelle constitution lui interdit de diriger un parti politique et définit clairement les cas de haute trahison pour lesquels il peut être poursuivi. Y figurent la violation du serment, les homicides politiques et l'affairisme. Des crimes souvent reprochés à ses prédécesseurs.


Les Centrafricains se prononcent sur leur nouvelle constitution

BANGUI, 3 déc (AFP) - 11h34 - Les Centrafricains sont appelés aux urnes dimanche pour se prononcer par référendum sur la nouvelle constitution du pays, premier d'une série de scrutins qui doit mettre un point final à la transition ouverte par le coup d'Etat du général François Bozizé en mars 2003.

Si aucune des flambées de violence dont le pays a si souvent été le théâtre ces vingt dernières années ne perturbe le calendrier, le référendum sera suivi, les 30 janvier et 27 février prochains, des deux tours d'élections présidentielle et législatives censées consacrer le retour de la Centrafrique à la normalité démocratique.

Quelques semaines avant ces rendez-vous cruciaux pour l'avenir de ce pays de de près de 4 millions d'habitants financièrement exsangue, le scrutin de dimanche apparaît comme un simple tour de chauffe, tant ses résultats semblent acquis.

Toutes les institutions et les partis politiques du pays ont en effet fini par appeler à voter "oui" au texte, malgré les débats houleux et les crises qui ont déchiré le pouvoir et son opposition tout au long de son élaboration.

Le 1er décembre, le président Bozizé a appelé à voter "massivement" en faveur de la nouvelle constitution. "Cette loi fondamentale (...) traduit notre volonté d'asseoir la démocratie dans notre pays", a affirmé le chef de l'Etat sur les ondes de la radio nationale.

Deux jours plus tôt, le premier vice-président du Conseil national de transition (CNT) avait clos la quatrième et dernière session de l'année de ce parlement "intérimaire" en délivrant les mêmes consignes. "Le Conseil national de transition vous dit de voter favorablement, de voter oui, de voter massivement", a demandé Justin N'djapou.

Toutes les formations politiques ont relayé ce message. Les 23 partis qui ont constitué un collectif soutenant la candidature de François Bozizé à la présidentielle ont multiplié les appels à approuver la constitution sur les ondes de la radio ou dans les colonnes des journaux.

Même les plus hostiles au régime de l'actuel chef de l'Etat, comme le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) de son prédécesseur Ange-Félix Patassé, ont ajouté leurs voix à ce concert des "oui".

"C'est notre Constitution, celle de 1995, qui a été retenue par le Dialogue national pour servir de base au nouveau texte", a expliqué à l'AFP le premier vice-président du MLPC Luc Apollinaire Dondon Konamabaye, "donc je ne peux que demander aux militants du MLPC d'aller massivement voter oui le 5 décembre".

L'unanimité autour du texte soumis à l'approbation des quelque 1,6 million d'électeurs centrafricains reflète la "victoire" obtenue par le CNT lors de la bataille qui l'a opposé au gouvernement autour de la rédaction du texte.

Au terme de plusieurs mois de crise, c'est finalement la version défendue par le parlement de transition que le président Bozizé a été contraint d'endosser, sous la pression internationale. Un version qui fixe le mandat du futur chef de l'Etat à cinq ans, renouvelables une fois, et confie au Premier ministre et à l'Assemblée nationale de réels pouvoirs.

La victoire du "oui" semblant acquise, le référendum de dimanche permettra de tester l'efficacité de l'organisation électorale mise en place avec l'aide des soldats centrafricains et étrangers, ainsi que la mobilisation de la population qui, après une campagne référendaire terne, semble avoir déjà les yeux tournés vers la présidentielle.

Tous les partis politiques s'attendent à ce que le coup d'envoi de la campagne ne tarde pas. Le président Bozizé a d'ailleurs lui-même fait savoir qu'il se prononcerait sur son éventuelle candidature, qui ne fait plus aucun doute, sitôt officialisé le "oui" à la nouvelle constitution.

Actualité Centrafrique de sangonet - spéciale élections 2005