Précision sur la grève des étudiants et stagiaires centrafricains en errance et oubliés au Maroc. Les mensonges de l'Ambassade

 

Union des Etudiants  et Stagiaires CentrAfricains au Maroc

Rabat le 16/09/04

Nous, étudiants centrafricains réunis au sein de l’Union des Etudiants et Stagiaires Centrafricains au Maroc (UESCAM), venons porter à la connaissance de l’opinion nationale et de toute la diaspora les points forts des événements qui ont marqué le dernier mouvement de grève.

         Nous voulons d’abord décliner toute notre responsabilité pour tout acte isolé dont l’origine ne proviendrait pas du comité exécutif et dont l’objet ne vise qu’à satisfaire des fins personnelles et égoïstes.  Par ailleurs, des lettres parues sur centrafrique-presse.com n’engagent que leurs auteurs. Si notre association est entrée en grève dernièrement, nous tenons à souligner que cette grève n’était nullement destinée à discréditer la personnalité de son Excellence, Monsieur l’ambassadeur Ismaïla Nimaga, en poste à Rabat. Voici donc les faits :

 

         Le Mercredi 11/08/04, nous avons déposé à l’ambassade un préavis de grève dans lequel nous réclamions :

-         le paiement de nos 36 mois d’arriérées de  bourses

-         les titres de rapatriement de nos camarades en fin de cycle

-         le renouvellement de nos passeports

-         l’arrêté interministériel désignant les étudiants retenus boursiers de l’Etat au titre de l’année académique 2003-2004.

-         Problème de logement des étudiants après la fermeture des cités universitaires

 

Le 14/08/04, sur demande de son Excellence Monsieur l’ambassadeur, une rencontre s’est tenue à la chancellerie entre les étudiants et certains diplomates en vue de trouver une solution appropriée, étant donné que Monsieur l’ambassadeur devait se rendre en France pour y rencontrer éventuellement le Chef de l’Etat qui venait en France pour la commémoration du 60ème anniversaire du débarquement en Provence.

     Dès le jeudi 19/08/04, soit 8jours après le dépôt de notre préavis, nous avons déclenché une grève PACIFIQUE, vu qu’aucune solution satisfaisante n’était trouvée à nos requêtes.

Le 20/08/04 est une fête nationale au Maroc. En conséquence, les autorités de l’ambassade nous ont demandé d’observer une trêve de trois jours pour la circonstance et de reprendre les négociations le lundi 24/08/04, laquelle nous avons observée comme convenu.  Cette semaine était laissée justement à l’ambassade d’entreprendre des démarches auprès des services compétents au niveau de Bangui pour la décrispation de la situation.  Il n’y eut aucune réaction de Bangui. La cité des vacances fermait ses portes le 30/08/04 et comme nous n’avons nulle part où aller, nous avions décidé de revenir occuper le sous-sol de l’ambassade, comme cela se fait habituellement.

Le 31/08/04, 54 étudiants sans abris ont débarqué avec toutes leurs affaires personnelles à l’ambassade sans grande surprise de nos diplomates car nous les avions avertis préalablement que si aucune solution n’était trouvée avant cette date butoir, nous ne serons que dans l’obligation de revenir HABITER à l’ambassade.

 

     Devant cette foule immense, criarde tout en revendiquant le paiement immédiat des bourses, Madame le 1er Conseiller,  après avoir consulté par téléphone son Excellence M. l’ambassadeur en mission à Paris,  a appelé la police marocaine à qui un mandat a été délivré pour déloger les étudiants par la force prétextant que le personnel de l’ambassade ait été molesté. Trois fourgonnettes de la Brigade anti-émeute, réputée pour les opérations de maintien de l’ordre et de la répression du banditisme ont envahi les lieux. A leur grande surprise, aucune autorité de l’ambassade n’a été molestée, aucun papier déchiré, aucune vitre cassée.  De hautes personnalités de la Wilaya (préfecture) de Rabat se sont précipitées à l’ambassade centrafricaine. Grande fut leur déception de constater que non seulement les revendications des étudiants étaient justes et légitimes mais qu’ils avaient devant eux « des étudiants calmes, pacifiques, bien dociles, respectueux et faisant preuve d’une bonne éducation » selon les dires du caid (terme désignant le maire) de Rabat-youssoufia. Information que M. l’attaché culturel de l’ambassade peut encore confirmer. La police marocaine a regretté d’avoir fait le déplacement et a demandé aux autorités de notre ambassade de trouver une solution à l’amiable, qu’elle ne pouvait pas s’ingérer dans une affaire intérieure d’un Etat souverain. Devant la ténacité et la dureté de nos autorités, la brigade anti-émeute a finalement cédé et a délogé les étudiants sans violence. Ne sachant où aller, nous nous sommes dirigés vers la cathédrale Saint Pierre de Rabat, traînant nos tonnes de bagages sur une distance d’environ 5km à pieds, sous bonne escorte de la police marocaine et les regards stupéfaits des curieux.                  

   Arrivés à la cathédrale vers 22h, personne n’a pu nous recevoir et nous avons passé la nuit dehors, à la belle étoile, sous la surveillance des policiers marocains, mécontents de nous voir traités comme des har’ga (terme désignant les clochards). Vers 1h du matin, un commissaire principal est passé nous voir à notre domicile de circonstance pour nous exprimer sa grande désolation quant au traitement qui nous est infligé par notre ambassade, « je vous aurais pris chez moi, si vous n’étiez que 2 ou 3 personnes, je suis vraiment désolé. » nous a lancé le commissaire. Il nous a ensuite supplié de quitter devant la cathédrale avant 6h30, comme celle-ci se trouve en plein centre ville, pour ne pas susciter davantage de réactions.

     Dès 5h du matin, nous avons repris nos tonnes de charges et refait le même trajet, direction : Ambassade. A notre arrivée, deux colonnes d’éléments de la brigade anti-émeute nous ont bloqués à 100m de la chancellerie. « Vous ne pouvez pas revenir ici, dispersez-vous ! » nous a ordonné un agent, nous nous sommes approchés et nous lui avons signifié que nous n’avons nulle part où aller par conséquent nous voulons entrer en contact avec les autorités de notre ambassade. « Ils ne veulent plus vous parler, ni vous recevoir, alors dispersez-vous ou je vais donner l’ordre de vous mater. » A-t-il rétorqué. Personne n’a réagi à ses menaces.     « Nous n’irons nulle part, s’il s’agit de mourir, nous mourrions tous ici, devant notre ambassade. » Répondirent les étudiants.

  Nous tenons à préciser que l’ambassade nous a dit qu’elle n’avait pas de rubrique budgétaire pour les étudiants, par conséquent, l’ambassadeur, selon les dires du personnel de l’ambassade, se propose de prêter 3000dhs (soit 280 €) à l’UESCAM, somme qui sera déduite à la source dès le prochain paiement de la bourse nationale. Ne pouvant contracter de dette, nous avons fait connaître nos remerciements à l’ambassadeur, via personnel diplomatique, et nous avons décliné l’offre.

 

Vers 10h, Mme le 1° conseiller, entourée des autorités marocaines, s’est approchée du lieu où étaient bloqués les étudiants, pour soit disant, les prendre à témoins du geste que l’ambassadeur aurait fait depuis paris en notre faveur ; 2000 dhs (soit environ 190 €) « je vous prends à témoin, l’ambassadeur met à la disposition des enfants 2000 dhs afin de trouver 2 studios en raison de 1000 dhs l’unité. » Chose IMPOSSIBLE à Rabat, même dans les quartiers les plus démunis, aucun loyer n’est accordé à ce prix, de surcroît, quel bailleur va accepter donner en bail sa maison pour un effectif de plus de 25personnes ? Il fallait faire avec.

  

Nous avons demandé à déposer nos affaires au sous-sol de l’ambassade afin d’aller chercher ces fameux studios, ne pouvant pas traîner nos bagages tout en cherchant les loyers; Refus catégorique de Mme le 1° conseiller. Nous avons dû supplier une autorité de la police marocaine pour que cette faveur nous soit accordée.

Vers 15h, nous sommes revenus à la chancellerie à l’idée d’empocher les 2000dhs promis le matin, quelle déception : Il n’y a pas d’argent, RIEN, absolument rien. Le commissaire, tout mécontent, finira par déclarer : « Finalement ce n’est pas les étudiants qui nous créent des ennuis mais c’est plutôt l’ambassade qui nous crée des ennuis. » Deuxième nuit à la belle étoile et à même le sol devant « NOTRE AMBASSADE »  sous une pluie fine et glaciale du début septembre, sans protection surtout que nos affaires ont déjà été consignées depuis ce matin dans les locaux de l’ambassade.

 Face à ce triste événement, la police a dû faire pression le lendemain pour que l’ambassade nous trouve un abri ou elle nous laisse occuper l’ambassade. Les 2000dhs nous seront  alors accordés pour ne pas venir envahir l’ambassade. Bien entendu avec ce montant, nous n’avons pu trouvé qu’un seul loyer où nous sommes entassés comme des sacs de manioc et nous devons libérer ce local, malheureusement, avant la fin du mois de septembre compte tenu de notre effectif pléthorique et notre incapacité d’assurer le prochain loyer. Bien plus tard, un diplomate nous fera comprendre qu’à partir de cette date, l’ambassade nous lâche et que désormais nous devrions chercher nous-mêmes la solution à nos problèmes. A QUI IRONS-NOUS ?

 

Pourquoi faire croire à nos parents au pays que nous sommes boursiers alors que nous n’avons rien perçu depuis 2001 ? Nous profitons de cette occasion pour demander à chaque centrafricain, où qu’il se trouve s’il est normal de traiter la jeunesse estudiantine de cette manière. Une rengaine centrafricaine dit pourtant qu’ : « on ne tourne pas le dos à la jeunesse. »  Qu’en est-il advenu? 

                                     Le Comité Exécutif

Actualité Centrafrique - Dossiers de sangonet (misen en ligne, 19 Sep 2004)