Lettre à Antoine-Jérémie Nam-Ouara, porte-parole MLPC France et Europe : " vigilants, refuser de tomber dans l’idôlatrie et dans l’erreur"

Cher Nam-Ouara,

Nous sommes heureux de constater la ferveur de votre engagement en faveur du choix politique que vous avez fait et acceptons de bon coeur les explications que vous avez proposées dans votre droit de réponse. Cependant, nous voudrions porter à votre attention les petites observations qui suivent.

Nous voudrions d’abord nous excuser de n’avoir pas correctement écrit la date officielle des élections. Vous nous le reprochiez un peu. Comment donc avions nous pu laisser passer une si grosse erreur? Nous observerons aussi que vous avez procédé avec méthode à une profonde analyse pour trouver une explication probable à notre lapsus, comme l’aurait fait un adepte de Sigmund Freud. A vrai dire, celui-ci nous avait échappé contre notre gré. Toutefois, vous remarquerez que nous avons eu l’humilité et le courage de reconnaître que notre langue avait fourché. Et ces qualités d’humilité et de courage avaient beaucoup manqué à de nombreux dirigeants et militants du MLPC, lorsqu’ils avaient été placés en face des résultats médiocres de leur gouvernance ou de leurs erreurs. Et si un quelconque sentiment s’était caché derrière notre lapsus comme vous le soupçonniez, celui-ci avait peut-être été la crainte de voir se mettre en place à Bangui un autre régime comme les précédents, qui ne serait pas à la hauteur des défis véritables pour le développement de la Centrafrique.

Ensuite, nous voudrions refuter votre assertion qui faisait dire que nous avions insinué dans notre précédente réaction "d’écraser une partie de la population sous prétexte de rendre justice." A cela nous vous retorquons que vous nous avez fait dire ce que nous n’avions jamais écrit. Nous ne connaissons pas les étapes de votre militantisme politique, cependant nous pouvons affirmer volontairement que vous avez peut-être la mémoire courte. Avez-vous oublié qu’il n’y avait pas très longtemps encore, les dirigeants du bureau politique du MLPC et leurs militants avaient demandé, puis accepté l’entrée de forces étrangères en territoire centrafricain pour museler une opposition au régime de Patassé? N’étaient-ce pas ces forces qui avaient, pendant plusieurs mois, terrorisé la population de Bangui? Aujourd’hui nous sommes surpris de constater que vous êtes parfaitement à l’aise pour retourner ces évènements en votre faveur et prétendre que nous avons suggérer d’écraser une partie de la population. Vos propos sont de bonne défense, nous vous l’accordons. Mais dites-nous quelle troupe nous avions ou aurions pour ce faire? Et à quelle population faites-vous donc allusion? Enfin, dites-nous donc ce que vous aviez-vous fait à l’époque de ces évènements, en votre qualité de militant du MLPC de France/Europe pour protéger vos parents, oncles et tantes, frères et soeurs, et autres des arrondissements de Bangui, quand sonnaient les bruits des bottes des hommes du rebelle congolais Jean-Pierre Bemba? Vos propos seraient-ils simplement une mauvaise plaisanterie, parce qu’aujourd’hui certains militants du MLPC seraient fatigués de subir ces mêmes persécutions qu’ils avaient, directement ou par complicité, laissées perpétrer pendant longtemps quand le MLPC était au pouvoir? Tous ceux qui aujourd’hui se lamentent avaient oublié que le bien ou le mal sont comme un boomerang; celui qui l’envoie est évidemment celui qui le reçoit. Cela semble anodin, cependant il ferait bon retenir cette leçon pour soi et pour les futures générations de militants pour des raisons que vous comprenez certainement.

Vous aviez également relevé dans votre droit de réponse que le message de votre candidat avait été, nous vous citons: "…de rompre définitivement avec les pratiques du passé qui consistent à chercher systématiquement à nuire aux dirigeants et cadres du régime sortant." A notre humble avis, si un citoyen avait un quelconque compte à demander à un membre d’un régime politique sortant ou pas, la société centrafricaine devrait avoir en place une institution au sein de laquelle sa requête pourrait être examinée puis traitée. Mais vous conviendrez avec nous qu’une telle institution existerait bien dans le pays, mais fort malheureusement, elle avait été depuis longtemps muselée par ceux-là mêmes qui, aujourd’hui voudraient sa protection, et qui, hier, l’avaient corrompue. Si la Justice avait gardé son caractère noble et inaltérable, celle-ci aurait servi à protéger tous ses citoyens (dirigeants et cadres de tous les partis compris) et leurs biens ou à exiger réparation de la part de ceux ou celles qui avaient causé du tort, fussent-ils à propos de petites disputes ou de grosses affaires d’état. Voilà donc, selon nous, le véritable problème de la société centrafricaine. Comment établir une société centrafricaine qui protégerait le plein exercice de cette justice pour tous? Ce serait autour d’une telle préoccupation que le débat devrait être engagé puis conduit avec la participation de tous les militants des partis politiques. Et vous conviendrez avec nous que se préoccuper uniquement de supprimer la peur des persécutions ou des règlements extra-judiciaires ne résoudrait pas dans le long terme le problème que vous évoquez.

Pour ce qui concerne l’importance à attacher aux paroles des hommes politiques, nous vous ferons remarquer que les professions de foie des candidats politiques ou l’expression des programmes politiques avaient toujours été consignées dans des déclarations ou des documents, préparés à l’attention des électeurs pour des votes qu’ils rechercheraient. Pour ce qui concerne le candidat que vous soutenez, ce document auquel vous faisiez allusion, serait intitulé "contrat de confiance". Ce qui nous avait troublé et avait suscité notre vive réaction, avait été la facilité de votre candidat de dire une chose dans son contrat de confiance, puis d’émettre un avis totalement contraire par ailleurs. Les propos que nous avions relevés étaient bien ceux attribués à votre candidat. Ne trouvez-vous pas cette contradiction déconcertante, surtout quand le sujet de toute cette discussion tourne autour de l’exercice de la justice et de l’établissement de la paix en Centrafrique! Trouvez-vous ce revirement acceptable quand ceux qui payent les erreurs des politiques sont en général une population innocente qui aurait surtout besoin de la protection permanente et efficace de l’autorité de l’état? Nous ne reviendrons pas sur nos opinions, puisque vous n’avez pas refusé de faire endosser à votre candidat les propos qui sont les siens et que nous désapprouvions. Vous aviez enfin élaboré votre plaidoirie pour défendre votre candidat en insinuant que nous avions fait une interpretation incorrecte de sa pensée. Dites nous donc comment nous aurions dû lire ce qui avait été rapporté et dont il était l’auteur? N’est-ce pas là un lapsus, digne de ce nom, qui aurait mérité une attention toute particulière de votre part et une analyse aussi bien freudienne pour mieux connaitre votre candidat! Malheureusement, vous ne nous avez pas ete de grand secours et ne nous avez pas donné l’occasion de supputer des réponses plausibles à toutes les questions que nous avions posées antérieurement. Bozizé avait fait la promesse de ne pas présenter sa candidature aux élections présidentielles; il s’était moqué de tous ceux qui avaient émis des avis ou des objections à ce sujet. Patassé lui aussi avait fait des promesses au peuple centrafricain, et qu’il n’avait pas su tenir. Devrions-nous nous attendre à de nouveaux cas? Très certainement! Mais dites-nous donc pourquoi votre candidat et les autres politiciens devraient tenir leurs promesses? N’est pas cela la caratéristique essentielle du politicien en Centrafrique! Mais à la fin, il se trouvera toujours quelqu’un qui aura une excuse pour justifier tel ou tel acte et pour occulter la vérité. Nous avions pensé qu’un des fondements de la démocratie avait été la recherche permanente de la transparence, non seulement dans la gestion de la chose publique, mais aussi dans la formulation de questions qui pourraient éclairer les citoyens sur les visions, les intentions et les stratégies des hommes politiques "élus". Mais ne dit-on pas qu’à l’impossible nul est tenu!

Nous espérons que vous resterez vigilants dans vos observations, refuserez de tomber dans l’idôlatrie, et, éviterez de commettre les mêmes erreurs que celles des anciens camarades. Soyez enfin assurés que nous continuerons à considérer ces échanges réciproques comme une autre contribution en faveur d’un débat permanent pour la renaissance et le plein épanouissement de la démocratie en Centrafrique.

Très cordialement,

Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique (17 mars 2005)

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