OPINION : LE CENTRAFRICAIN FACE A LUI-MEME
Un certain nombre de questions me
préoccupe quant à lévolution de notre pays. Il ne sagit
pas pour moi, de voir de gaieté de coeur notre pays
continuellement dans des situations dramatiques, dans le chaos,
le désordre, la male gouvernance, le non respect des droits
humains, le déni de liberté et quil soit le sujet du
néocolonialisme par excellence. Il mest plutôt vivifiant
et réconfortant dessayer de raisonner dans le sens dun
Centrafrique dynamique tel que jespère le voir
effectivement avec de bons et mauvais centrafricains : des
volontaristes et des opportunistes, des travailleurs et des
glandeurs, des citoyens de principe et des fripouilles, des
citoyens intègres et des corrompus, des citoyens animés dune
conviction profonde et des sceptiques, des citoyens
engagés pour la renaissance centrafricaine et des profiteurs,
des politiques convaincus et des menteurs invétérés etc. comme
dans tous pays gagnés normalement par la fièvre de lévolution.
Cette fièvre nous interpelle pour une introspection individuelle
et collective afin de déterminer les points qui pourront le cas
échéant nous permettre à un certain moment de nous asseoir
ensemble en personnes civilisées afin de réfléchir de manière
profonde sur les orientations durables de notre cher pays. Il ne
sagit pas de rassembler à la va vite quelques hommes et
femmes au coin dune table pour un semblant de démarche
scientifique de relance économique du pays et de propositions de
reconstruction de la nation. Il est plutôt question dengager
un travail fondamental, méthodique, scientifique, rationnel et
réfléchi avec une orientation bien spécifique pour lefficacité
de la renaissance centrafricaine. Lorsque lavenir dun
pays, son orientation politique, économique, sociale et
culturelle sont en jeu, aucune sexe, aucun âge, aucune religion,
aucune ethnie, aucune organisation sociale ni aucune condition ne
sont exclus pour relever le défit. Dans le cas présent, il ny
a quune seule issue qui est claire et évidente. Celle de sengager
plus hardiment, plus impétueusement que jamais dans les voies
rationnelles du changement radical et pragmatique qui sont
ouvertes par léchange dynamique constructif et la
connaissance. En dautres termes cest lengagement
dynamique de chaque centrafricain dans son domaine positif de
prédilection pour le devenir immédiat et à long terme de son
pays. Quatre idées essentielles sont à la base dune telle
prise de conscience citoyenne :
1 La connaissance de soi
en tant quindividu et en tant que peuple : Elle
constitue le point important et fondamental lorsque lon
entreprend de chercher les conditions du bonheur dun peuple
en loccurrence celles du peuple centrafricain. Cest dune
réponse complète et fidèle que dépendent la solidité et la
durée du cadre quil est possible de fixer à lexistence
collective de notre peuple. Lextrapolation au peuple
centrafricain de linjonction socratique, connais toi
toi-même, serait un des outils méditatifs nécessaires pour une
meilleure approche des problèmes nationaux. Elle amènerait
chaque Centrafricain a se posé un certain nombre de
questions quant à la compréhension et à lexistence
dune nation. Il apparaît à lévidence quil
existe un peuple centrafricain et que celui-ci serait animé dune
vie propre et obéirait à la loi de son destin.
En réalité, si la Centrafrique daujourdhui
a des Hommes engagés, des vues sans préjugés sur les
évènements et une vision claire des vérités sociales,
économiques et politiques de lère moderne et des
réalités locales, toutes les espérances lui sont permises.
Dans le cas contraire, elle continuera dévoluer vers lanéantissement
et la déchéance nationale actuelle se perpétuera pendant de
nombreuses années.
2 La force de lIntelligence
et laptitude de discernement intellectuel : Pour
commencer je dirai que lintelligence est un don rare qui se
révèle à tous les degrés de la hiérarchie sociale, depuis
les sommets jusquaux bas fonds, sans respecter les
alliances de famille, les situations de fortune et les positions
acquises.
Il nous faut poser le postulat quaucun
des problèmes nationaux ne saurait résister à un effort
conjugué de lintelligence et de la volonté des
centrafricaines et des centrafricains. Cest la seule bonne,
la seule digne dHommes libres et engagés pour un
véritable changement socio économique de notre pays et une
véritable réconciliation nationale basée sur la sincérité, lhonnêteté
et la confiance.
La vigueur de lesprit est
nécessaire à la durée et à la richesse de notre vie
collective. Entendons lesprit non seulement sous la forme
de ses manifestations intellectuelles ou artistiques, mais dans
tout ce qui sert à composer le visage moral et spirituel du
peuple centrafricain. Lerreur daction, de jugement ou
encore dengagement est vite arrivée. Lerreur dans
ces cas est accessoire, et cest laptitude à
raisonner et à discerner les véritables enjeux qui est
fondamentale. Les procédés de la raison sont des instruments de
précision, et ils ne produisent indifféremment le vrai et le
faux que selon le degré variable dhabilité de ceux qui
les manient. Cest pourquoi il doit subsister, même en
présence douvrages inharmonieux, une distinction
nécessaire entre le processus lumineux de la pensée rationnelle
et les moyens obscurs de la pensée intuitive. Le peuple
centrafricain pourra-t-il un jour intégré dans ses
préoccupations le raisonnement, la rationalité et la pensée
intuitive pour mieux appréhender certains faits nationaux ?
Je suis pour ma part convaincu quil
ne faut pas perdre de vue que la pensée claire est le prélude
de laction efficace. Lexemple vient surtout des
savants et philosophes. Lécriture est de beaucoup dans lévolution
de lhumanité. Car lhistoire nous a appris que les
écrivains classiques de tous temps sont les grands maîtres de lactivité
souveraine qui a conduit allègrement lhomme sur la voie de
la grandeur. Ainsi, les oeuvres littéraires, philosophiques et
scientifiques jouent un double rôle dans la vie dun
peuple. Elles sont le miroir qui reflète létat présent
de la culture, lessai qui révèle la qualité du goût.
Elles sont aussi léveilleuse de la conscience aussi bien
littéraire que du savoir, du savoir faire et de la connaissance.
De part son impact sur un peuple dynamique, elles sont
évocatrices didées neuves, de catalyseurs de la pensée.
Loccident a pu devenir ce quelle est aujourdhui
grâce à sa littérature (dans son ensemble) engagée, libre et
constructive dans son essence. Cette littérature a su répondre
aux préoccupations de lavenir. Une littérature nationale
fournie, libre et omniprésente révélerait aux Centrafricains
les possibilités créatrices de leur esprit, comprimés jusquici
par le quotidien, lhostile, létouffant, la
corruption et la prédation.
3 La force de Caractère base
indiscutable de la conviction : La force de caractère
est un état indéfinissable, une sorte de rayonnement intérieur
qui réunit et commande tous les dons de la personnalité afin den
obtenir lépanouissement le plus complet. Le centrafricain
doit comprendre que la force du caractère nest pas linertie
dans la résistance, ni le panache aux heures de lélan. Cest
plutôt la ténacité dans linfortune et la lucidité dans
lenthousiasme. Cest la volonté qui résiste et la
foi qui agit. Aucune difficulté nest inaccessible à la
raison, et cest capitulé trop tôt que de se complaire
dans une sorte dirréversible fatalité. Les caractères
forts sont au-dessus de toute plainte. Rien dans lhomme nest
sans remède, et accuser une faiblesse ne serait pas se livrer au
désespoir.
Le péril de mort cest le freinage
de tous les élans par une volonté extérieure, cest le
dressage de toutes les impulsions du corps et de lesprit en
vue dune discipline imposée den haut et sans appel.
Seule na de valeur exaltante pour le caractère que la
discipline librement consentie, celle qui semble surgir
spontanément du plus profond de lêtre comme une
manifestation de la personnalité et de la conscience. Cest
une force intérieure que lon peut éveiller, canaliser et
orienter, mais que lon ne saurait contraindre sans dommage.
Que de leaders indignes ou inconscients
aient cultivé et cultivent la délation et lirresponsabilité
au sein de la jeunesse, et nous avons aujourdhui une
moisson de jeunes gens sans grandeur ni noblesse, une moisson qui
a mûri. Ce mûrissement a produit et va produire une
génération de citoyens dont les plus beaux élans de
solidarité communautaire, ou nationale, ou patriotique, sont et
seront secrètement viciés par les germes dun iceberg
contenant lenvie, la trahison réciproques etc. ! Le
tribalisme nétant que son exutoire.
En réalité, lHomme qui ne sait pas
reconnaître ses déficiences est voué à des échecs répétés
dans la lutte pour lacquisition dun Caractère. Et
ceci nen est pas autrement pour les peuples.
4
Ailleurs en occident (Amérique du Nord et
Europe), on encourage, dès lécole, la libre _expression
de la personnalité afin de former des citoyens libres dans un
Etat libre. Mais en Afrique en général, et en Centrafrique en
particulier, cest lobéissance surtout aveugle qui
est vertu civique. Cette perversion du respect paralyse et
corrompt, jusque dans lâge mûr et à tous les paliers de
la vie publique et privée, des forces natives qui seraient
génératrices dindépendances et de vie. La superstition
du chef en Centrafrique est un péril permanent. Le goût
romantique du chef ne favorise assurément pas la thèse dun
peuple assoiffé dindépendance et dinitiative
personnelles.
La vérité, observable tous les jours, cest
quen général le Centrafricain préfère la passivité à
la responsabilité, la sécurité au risque, la vie modeste à laventure
dangereuse et profitable qui a permis à beaucoup de peuple de sémanciper
et de saffranchir sur le plan international. Ce constat est
tout à fait justifié lorsque jobserve la majorité de nos
concitoyens qui sont passées maître dans lhypocrisie
intellectuelle et comportementale pour mieux tirer profit de la
personnalisation des postes les plus favorables à lenrichissement
illicite.
Ces quatre idées me forcent de dire que lon
nimprovise pas dans le cadre de labstrait luvre
dune génération. La tâche détudier, de tracer, de
diriger, de conduire et de construire une nation relève dune
organisation dynamique et dune vision pragmatique qui sont
elles-mêmes guidées par un vigoureux esprit dobservation,
de discernement positif, de volonté, de synthèse et douverture.
La réalité, quelque soit son origine, lhomme
vraiment libre ne renonce jamais à son indépendance desprit
devant les difficultés économiques, politiques, sociales et
culturelles. Il apparaît en général que le Centrafricain se
croit impuissant quant au développement de son pays. Il lest
devenu en fait, parce que la conviction dêtre privé de
liberté, dêtre soumis à la prédation
institutionnalisée paralyse complètement sa volonté et ses
initiatives les plus fécondes. Personne nignore que cest
la liberté, la détermination et la volonté aujourdhui
qui sont les maîtres qui ordonnent pour le développement dune
nation. Il devient donc urgent que le Centrafricain sintéresse
à la vie de son pays en intervenant de manière pragmatique et
éclairée pour
Pour finir, lorsque la majorité du peuple
Centrafricain atteindra la plénitude de ses capacités
intellectuelles, quelle aura la conviction de lexistence
effective de sa force, quelle est la maîtresse
incontournable du jeu de la politique nationale par sa seule
volonté et son acte (par la démocratie participative) et quil
a les mêmes droits sur toute létendue du territoire que
les prédateurs qui se succèdent à la tête de la nation, la
transparence, léquité, la justice, la compétence et le
travail effectif simposeront à tous.
Narcisse Komas, Bangui, Centrafrique
(Tue, 05 Apr 2005 13:08:21 +0000)