SPORT: UNITE et PROGRES I

J’avais dix ans à l’époque, mais cela fait partie de ces périodes inoubliables ; de ces instants que l’histoire marque à jamais de son sceau.

Oui l’année 1987 fut celle du deuxième sacre continental du sport Centrafricain en général et du basket-ball en particulier.

 

Je me souviens de cette liesse populaire, de cette union nationale autour des fauves de Gbazabangui(version Basket), lorsque l’envoyé spécial de Radio-Centrafrique déclara la fin du match. Dans la cour où nous étions, mes parents et le reste de la famille entrain de suivre la retransmission du match, il n’est resté pratiquement personne. L’avenue Boganda fut prise d’assaut et je crois que cela fut pareil dans les autres coins de Bangui et probablement en province.

 

Aujourd’hui encore ces mélodies résonnent dans ma mémoire :

Goporo â mü na Lavo,

Pelema â mü na Kotta,

Oumarou â mü na Naonyama,

 

Oui cette mélodie qui faisait la fierté d’une génération et de tout un peuple.

 

Un an plus tard, l’histoire se répéta  de nouveau, cette fois-ci hors du continent. Là-bas dans l’Orient lointain ,un drame en deux mi-temps allait se jouer.

Je l’ai encore, je l’ai soigneusement rangé, cet article de l’Intelligent, Jeune Afrique à l’époque ; dont le titre à lui seul résumait le formidable exploit, notre exploit : « Frédéric GOPORO : un génie parmi les géants » ; le basket centrafricain était devenu la fierté de tout un continent, lorsque la RCA s’imposa en match d’ouverture des jeux Olympiques de 1988 à Séoul contre le pays organisateur, la Corée du sud.

Sans fausse modestie, nous avons été les premiers en Afrique à réaliser ce genre d’exploit en sport collectif, les succès aux mondiaux du Cameroun et du Sénégal tirent leurs substrats de de Séoul 88 avec le basket Centrafricain.

 

Mon oncle(2 )était président du comité Olympique centrafricain au moment du triomphe de Tunis 87 et lors d’une causerie entre adultes où le hasard a permis que je sois dans les parages, j’ai capté une parole qu’il a dit en 89 lors de la contre-performance d’Abidjan, malgré une bonne entrée en compétition de la RCA avec le spectaculaire dunk de Kongawen lors des échauffements qui brisa la glace du panier Abidjanais : « c’est vraiment dommage que n’avons pas réédité l’exploit de Tunis, car c’est à partir de ce moment là que certaines personnes ont pu situer la RCA sur la carte du monde… »

 

Oui le sport comme facteur de progrès, de paix et de support marketing de premier ordre.

 

Ok certains me diront : mais où est-ce que CBM est parti chercher cette histoire de sport, ne sait-il pas que nous sommes champions du monde en matière d’arriéré de salaire ? Oui, à 40 mois près je le sais.

Ne sait-il pas que les coupeurs de route font la pluie et le beau temps ? Et oui je le sais et plus singulièrement, parce qu’en Juin 1996, j’avais décidé de partir à la découverte de notre pays, et ayant pris mon bâton de pèlerin, j’ai pris la direction de L’est. Après une nuit d’escale technique aux environs de Damara, nous dûmes passer trois jours au village WAWA avant de rejoindre Bambari ; parce qu’il fallait attendre l’arrivée d’une brigade armée depuis Sibut car des voyageurs en provenance de Sibut se sont fait déposséder de leurs pactoles à quelques encablures de WAWA et qu’il fallait les militaires pour ouvrir la circulation et faire la jonction avec Bambari. Un cousin qui était avec moi dans ce voyage et qui est actuellement à Bangui m’a fait remarquer que le phénomène est devenu quasi-industriel et n’a rien de comparable avec ce que nous vécûmes en 96.

Ne sait-il pas que l’insécurité est reine, tant à Bangui qu’à l’intérieur du pays ? Oui, oh que oui je le sais et le phénomène n’en plus ne date pas d’aujourd’hui. En décembre 96, peu de temps après le début de la 3ème mutinerie, la maison familiale au quartier SICA I a été visiter par la garde présidentielle, sous prétexte que mes parents étaient Yakomas et que nous habitions à deux pas de la gendarmerie nationale et du ministère de la défense, nous devrions abriter des mutins ou posséder des armes ; en réalité c’était un braquage officiel et légal.

 

Je suis conscient que les enjeux sont énormes et les chantiers herculéens. Dernièrement je disais que : « faire du Centrafrique un pays dans toute l’acception du terme est un défi emballant, vu les enjeux de l’heure, le temps n’est plus aux lamentations, aux insipides et à une vie misérable.. »

 

Quatre milliards, ils étaient quatre milliards ; scotchés devants leurs postes téléviseurs ce 13 août 2004 pour assister à l’ouverture officielle des J.O d’Athènes.

Ce soir là, je n’ai voulu rien faire, j’attendais de voir le passage de la délégation centrafricaine, fierté nationale oblige.

Ne voulant rie raté du spectacle ; j’ai vu passer devant moi toutes les délégations jusqu’à l’heure où, je vis le minuscule groupe de 07 individus qui représentaient la RCA. Etant avec une personne de nationalité étrangère devant le poste téléviseur, j’ai fait fi d’être content de voir les miens enfin défiler, mais intérieurement mon orgueil a pris un coup et une interrogation me traversa l’esprit : « comment  puis-je m’expliquer que nous sommes à la traîne partout et dans tout ? ».

 

Il m’arrive de côtoyer des personnes à qui je parle du Centrafrique, la plupart du temps, lorsque ces personnes me disent ne pas savoir où situer le Centrafrique, deux aides-memoires me viennent au secours :

 

Oui le sport est un facteur de progrès, de paix et de marketing.

 

 

je regardais hier la finale du marathon des JO, et cette formidable Kenyane ; gardienne de prison qui a remporté la médaille d’argent. C’est un progrès de l’être, de l’individu en rapport avec son milieu vital. Etait-il permis à une gardienne de prison, Kenyane en plus, d’imaginer venir en Grèce, NON. Le sport a permis cela et les retombées financières vont incontestablement permettre une amélioration de son quotidien.

Les investissement  dans les équipements sportifs sont bénéfiques à quatre niveaux : création d’emploi, réalisation d’activité commerciales, amélioration de l’espace urbain et développement humain.

 

 

            En commençant ce texte, j’ai parlé de l’union autour de la victoire de 87. nous étions tous Centrafricains, la seule couleur et appartenance était le Centrafrique, la victoire était à nous tous, même si c’était une partie entreprise par douze garçons et leur encadrement technique. Je me souviens et je l’ai encore, ce numéro du journal E-lê Söngö, où le général Kolingba pose au milieu des basketteurs Centrafricains, de cette  jeunesse conquérante  et victorieuse, symbole de l’unité nationale. C’était une belle histoire, plus d’ethnie, de religion, de classe sociale ; ensemble nous célébrions nos héros, les fauves.

Je me souviens de cette année 94, où interne au séminaire de Yaloké, j’ai assisté au tournoi de basket-ball, région Ouest. Une grande fête autour du sport. Des jeunes venus de Berberati, Bossangoa, Bossembelé et bien sûr Yaloké avec son équipe de choc composée des élèves du séminaire pour la plupart et dont une bonne partie faisait partie de l’élite Banguissoise du basket et s’est retrouvée à Yaloké pour raison scolaire. Durant une semaine, Yaloké a vibré au rythme du sport, du basket et de la jeunesse. Je me souviens à ce moment là de la présence à Yaloké des hommes que la suite de l’histoire finira par opposer , et je citerai dans le désordre, Dobanga, Désiré Kolingba, le préfet de l’Ombella M’poko….

Emporté de main de maître par Max Londoumo, Patrick Doubro et Christian Limbio ; l’équipe de Yaloké sortira vainqueur de ce tournoi. Et ce fut la fête, comme à Bangui en 87, la ville sportive célébra ses héros, que dis-je, nos héros.

 

Le 12 Juillet 2998, Black ; blanc ; beur, tel est le slogan que reprenait en chœur le peuple français.

 

Le 13 Août 2004, Nord et Sud Coréen ont défilés autour du même drapeau et des mêmes porte-drapeaux et pourtant aux frontières de ces pays, les bruits de bottes se font entendre depuis une cinquantaine d’année.

 

 

Kim Colins, champion du monde de 100 mètres lors des mondiaux d’athlétisme  à Paris en 2003, originaire de  St  Kitts&Nevis, un pays dont je ne connaissais même pas l’existence et dont j’aurais été incapable de situer sur une carte, a eu un  extraordinaire support de marketing via les mondiaux, puisque les médias ont estimé à près de deux milliards, le nombre de personnes ayant suivi la retransmission de la finale des 100 mètres. Grâce à cette victoire et la compagne de publicité entre Colins et Nike, ce pays est sorti de son anonymat.

 

Le Kenya, l’Éthiopie, le Cameroun, le Sénégal… sont des pays africains à qui, les bons résultats sportifs ont permis d’atteindre un large public. Et les retombées sont visibles, ce sont des pays à grand flux touristique par exemple.

 

En somme, le sport est un facteur de progrès, de paix et de marketing.

 

Question : Comment faire de notre sport, un outil au service du développement intégré de nos régions et du développement de notre pays ?

Je reviendrai dessus la semaine prochaine dans la seconde partie de cette réflexion.

Clément BOUTE-MBAMBA

(lundi 23 août 2004)

 

(1) Jean DAMOSSA MBAMBA : Président du Comité national Olympique et Sportif Centrafricain de 1979 à 1987

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