Stratégies de développement de la Centrafrique: un exemple à explorer.

Dans certains commentaires antérieurs que nous avions développés, à propos de la situation politico-économique difficile que traverse le pays, nous relevions l’absence d’un enthousiasme sincère et d’une vision à la fois réaliste et ambitieuse des hommes politiques, qui favoriserait la réalisation des intérêts du pays. Nous faisions également la critique des technocrates nationaux qui n’avaient pas su mettre en place un processus stratégique, intelligent et pratique, susceptible d’apporter des éléments positifs à cette campagne contre les sous-développement en Centrafrique. Nous ne voudrions pas avoir ici la prétention de proposer la solution à un quelconque problème du pays, car une telle chose ne pourrait se matérialiser sans une discussion approfondie des stratégies et sans un débat élargi à tous les fils et toutes les filles de ce pays. Par ailleurs, nous considérerons comme futile toute discussion qui pourrait naître autour de l’exigence de la validité de nos propos, car elles ne constitutent que la formulation des idées autour d’une stratégie d’amélioration d’un tout petit secteur de la société. Nous sommes en fait persuadés que le recherche des solutions aux problèmes de développement consisterait plutôt et surtout à faire appel au bon sens de chacun et de tous, car ce bon sens et le sens de l’initiative avaient énormement fait défaut dans la conduite des affaires de ce pays. Par conséquent, nous voudrions suggérer ce que suit, et, que nous considérons comme une approche différente de ce qui avait court dans le pays, et, qui serait susceptible d’engager tous les citoyens dans un débat constructif pour mettre en place des actions immédiates, concrètes, nécessaires à la réussite de tous les changements que les politiciens prêcheraient et que les citoyens attendraient.

Prenons donc, pour illustrer nos propos, l’exemple des problèmes financiers, épineux et chroniques de l’Office Centrafricain de Sécurité Sociale (OCSS) et ceux des Services Centraux de la Solde et des Pensions du Ministère des Finances (appellation approximative et non confirmée). Le constat que nous pourrions relever serait qu’après au moins une quinzaine d’années de durs labeurs dont une partie des bénéfices était allée au paiement régulier des contributions à la caisse de retraite et maladie, le travailleur ou le retraité du secteur privé ne percevrait qu’irrégulièrement ou pas du tout ses allocations familiales ou pensions qui lui seraient dues par l’OCSS. Du côté de la Fonction Publique, les bulletins de paie avaient toujours indiqué les retenues que l’administration des Finances opérait sur les salaires et qui étaient destinées à une caisse de pension dont on était jamais certain de la domiciliation. Nous avions alors parié qu’au lieu d’investir ces contributions dans des activités lucratives pour en augmenter le capital, celles-ci étaient demeurées des écritures comptables ou que les gouvernements successifs à Bangui les avaient destinées à une caisse noire pour laquelle personne au gouvernement n’avait à rendre de compte. Une petite parenthèse au passage, quelle avait été la destination des fonds collectés et destinés au redressement national dans les années du régime Kolingba? Enfin, contribuer à la caisse de retraite en Centrafrique avait été comme dépenser de sommes importantes d’argent pour jouer régulièrement au Loto, sans être assuré d’un éventuel gain. Les attroupements devant le siège de l’OCSS, les expressions de résignation que l’on pouvait lire sur les visages devant les bureaux des Services Centraux de la Solde et des Pensions du Ministère des Finances, ou encore les coups de colère, exprimés devant les bâtiments du Trésor Publique, seraient certainement les signes convaincants du manque de sérieux et de l’absence de toute considération que l’état centrafricain avait eu à l’égard de ses travailleurs et de ses propres citoyens. Ces observations pourraient simplement indiquer la persistence de problèmes graves au sein de la gestion des ces agences de l’état.

On se demanderait bien ce qui s’y passait. La réponse pourrait être bien simple. Les agents de bureau, les cadres, les directeurs, directeurs généraux, et, certains responsables politiques, extérieurs à ces agences, s’étaient constitués en une sorte d’organisation mafieuse pour sortir illicitement des caisses de ces agences, les maigres ressources que les travailleurs avaient pu constituer à la sueur de leurs fronts et qui avaient été confiées à ces agences nationales pour les aider dans leurs vieux jours. Vous aviez dû observer sous tous les régimes politiques dans le pays que les caisses des agences en question avaient continué à se vider, sans qu’aucune ait été cambriolée comme ce fût le cas récemment dans les régions de Berbérati, Boda et Bria. Ces fonds disparaissaient sous des prétextes liés à l’établissement de faux bons de caisse et de leurs usages par les employés et leurs acolytes. Si par hazard un gouvernement voulait faire semblant d’attaquer le problème des détournements pour se donner l’air sérieux, celui-ci chargeait l’Inspection d’Etat pour mettre la main sur un bouc émissaire que les juges mettraient à l’ombre pour quelque temps. Le coupable serait relaché peu après et retrouverait un autre poste de travail, parce qu’ayant des rapports privilégiés avec un notable politique, bien placé dans le gouvernement ou donner de l’argent à certains grands commis de l’état pour acheter sa liberté. Ceux ou celles qui avaient été les complices garderaient toujours leurs emplois et continueraient leurs basses besognes qui consistait à saigner les caisses de ces agences. Mais ils avaient oublié au passage que leurs actions lésaient non seulement l’employeur, c’est à dire l’état, mais également pères, mères, oncles ou tantes qui avaient besoin de ces modiques pensions pour continuer à élever une famille toujours plus grande et qui comprendrait des nouveaux-venus à savoir neveux, nièces, et autres petits-enfants.

Oui, ceux sont les employés mêmes et les cadres malhonnêtes qui avaient mis ces agences en faillite. Et nous ferions observer que ces employés pouvaient avoir aussi été membres des différents syndicats de la Fonction Publique. En leur qualité de syndicaliste, chacun n’avait-il pas été supposé protéger les intérêts des travailleurs et retraités y compris? Pensez-vous! Les syndicats et les centrales syndicales en Centrafrique s’étaient refusés à éduquer leurs membres aux notions de civisme ou de déontologie, qui avaient beaucoup manqué au mouvement syndical dans le pays. Comment donc prétendre défendre les intérêts des travailleurs si, par ailleurs, ces mêmes camarades entraient par la sortie de secours pour voler les maigres ressources des autres travailleurs? Avez-vous jamais entendu parler du cas où une centrale syndicale avait ester en justice un individu, employé d’une de ces agences, impliqué dans le détournement d’argent appartenant aux travailleurs? Avez-vous jamais entendu parler du cas où un groupement syndical s’était constitué partie civile dans un cas de malversation financière? Cela ne s’était jamais passé, n’est-ce pas! Avez-vous jamais lu un rapport économique quelconque, commandité par les groupements syndicaux nationaux, et, qui recommandait ou suggérait de nouvelles méthodes, d’autres voies et moyens pour sortir rapidement le pays de la crise salariale dans le pays? Pour ce qui nous concerne, nous n’avons jamais eu écho de tel rapport. Les responsables des syndicats avaient toujours pensé qu’ils étaient en négociation permanente avec le gouvernement qui leur devait des arriérés de salaires. Et les seules actions principales des centrales syndicales avaient été la mise en place des préavis de grève qui avaient épuisé les gouvernements, et, détruit à petit feu l’économie nationale. Ces actions ou inactions avaient donc contribué à la persistence de certains problèmes dénués de sens que le pays vit aujourd’hui. Si les associations des travailleurs faisaient partie de la société centrafricaine, n’avaient-elles pas aussi la responsabilité de participer activement et positivement à la recherche de solutions aux problèmes économiques et sociaux dans le pays? Mais dites nous donc quelles initiatives ou succès économiques les syndicats avaient eu à leur actif! Enfin, voyez-vous, les politiciens ne seraient pas les seuls, coupables de la crise centrafricaine. Et comme les partis politiques, le mouvement syndical en Centrafrique devrait peut-être revoir et mettre à jour ses méthodes qui seraient démodées.

Même si la majorité des lecteurs du présent article semble être d’accord avec ce qui précède, il faudrait également se faire à l’idée que tout changement de mentalité et de comportement dans les agences de l’état et au sein des syndicats prendrait du temps. L’on pourrait décider de se croiser les bras et attendre qu’un changement miraculeux se produise, de lui-même, ou, attaquer ces problèmes de détournements sous un autre angle. L’idée que nous aurions, serait de confier la responsabilité de la gestion fiduciaire de l’OCSS et des Services Centraux de la Solde et des Pensions à un cabinet d’expertise comptable, un cabinet d’études, une enterprise privée spécialisee, ou à un consortium de cabinets de bonne réputation. En contrepartie, l’état offrirait pour les services, une compensation financière qui serait fonction de la parfaite exécution des objectifs contenus dans un cahier de charges, à savoir par exemple le paiement régulier des salaries et pensions, l’examen rapide des requêtes introduites par les retraités ou travailleurs, ou encore l’excellence des programmes de formation des employés, etc. Toutes les opérations administratives et fiduciaires du cabinet exécutant seraient vérifiées, chaque mois, par une cour des comptes de l’état qui comprendrait des vérificateurs ou inspecteurs d’état, qualifiés. Pour engager une telle initiative, l’état lancerait des appels d’offres, en ferait les analyses, puis offirait un contrat annuel, renouvelable ou non. Nous sommes persuadés que tout gouvernement responsable, trouverait les fonds nécessaires pour financer une telle initiative qui pourrait également introduire la modernisation des opérations de ces agences. Il serait important de faire remarquer que dans ce modèle, l’état demanderait au cabinet exécutant d’engager les employés déjà en poste au sein de ces agences, puis d’assurer leurs formations aux nouvelles techniques et à l’usage d’outils informatiques. Il ne serait pas question d’envoyer les employés et les fils du pays au chômage. Cependant, si en cours d’emploi, leurs agissements n’étaient plus conformes aux règlement intérieurs de leurs employeurs, ces derniers auraient toute la liberté de prendre les sanctions appropriées, conformes aux prescriptions nationales en matière de travail. Enfin pour lever tout équivoque, nous voudrons dire haut et fort que nous ne suggérons point ici une privatisation de ces agences et ferions remarquer que ce modèle pourrait créer des emplois supplémentaires qui seraient ouverts à des jeunes centrafricains en fin de formation professionnelle. Ce que ce modèle rechercherait serait simplement une gestion contractuelle, efficace, dynamique, saine, et moderne, afin d’introduire graduellement une modernisation de l’administration et de mettre fin aux malversations et incompétences dans la gestion de ces agences; malversations et incompétences qui avaient fait du tort aux travailleurs du pays, retraités ou pas, syndicalistes ou pas. L’état centrafricain resterait le maître d’oeuvre de l’initiative et pourrait mettre fin au contrat de service à tout moment, si l’on constatait que l’initiative ne donnait pas les résultats escomptés.

Si ce modèle pouvait marcher à la satifaction du gouvernement et de l’assemblée nationale, l’on pourrait peut-être envisager d’étendre le modèle à d’autres agences, telles les impôts, la douane ou autres agences de recouvrement dans le pays. Ce modèle ne devrait pas être rigide et pourrait être modifié, afin de satisfaire les objectifs fixés par le gouvernement. Quel bien ferait-il d’avoir plusieurs cordes à son arc, si l’on se refusait de les utiliser judicieusement? Selon nous, le processus de développement du pays pourrait être l’occasion de tenter de nouvelles expériences ou d’essayer de nouvelles stratégies, car le maintien du statu-quo et des anciennes pratiques ne présageraient rien de bon pour le pays, pour ses travailleurs et pour ses retraités.

Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique (03 mars 2005)

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