A VUE DHOMME: LES ENSEIGNEMENTS DE CES ELECTIONS
Le 13 Mars 2005, je décidais de me soumettre au suffrage dune partie de mes concitoyens. Candidat à la députation dans le 5e I, je ne me faisais pas dillusions quant à lissue de cette joute électorale. Non que jaurais boudé mon plaisir, si, par extraordinaire, jétais sorti victorieux dans cet arrondissement le plus peuplé de Bangui.
Mais javais dessein de prendre date pour les combats futurs. Plus dune décennie dexil mavait éloigné de la patrie. En politique, labsence prolongée ne pardonne pas. Le Général de Gaulle, retiré à Colombey-les-deux-églises pendant plus de onze ans, ne recueillait qu un pour cent dintentions favorables des sondages en 1956, sur son éventuel retour aux affaires. Et lAssemblée lui vota les pleins pouvoirs, il est vrai, sous la menace de lopération " résurrection ".
Oh, bien sur, je ne suis pas le Général de Gaulle, et le peuple Centrafricain na pas les mêmes ressorts que le peuple Français. Comme il maurait suffi que ce peuple qui est mien ressemblât au peuple Ivoirien !
Jaurais pu faire dans la facilité, choisir une localité du mystique orient centrafricain et me faire élire confortablement, a linstar de ma chère tante qui, n y vivant même pas, a été élue dès le premier tour.
Une carrière politique qui se veut ambitieuse ne doit pas se permettre ces raccourcis, surtout dans ce contexte de repli communautaire.
Avoir fait du porte à porte, à la rencontre de la vraie Centrafrique, aura été pour moi une révélation. Jai découvert un pays qui métait étranger. A quelques kilomètres seulement du centre-ville, cest déjà le moyen age ! Et comment ne pas se rappeler le visage de cette vieille dame, rencontrée au quartier Bangui Mpoko I, mangeant des feuilles de manioc simplement pilées, sans huile ni arachides, sans sel parce que jen ai goûté, manifestement malnutrie ?
Cependant, il faut que la nation vive.
Même si les idées auxquelles de plus en plus de Centrafricains croient ne sont pas représentées dans la classe politique, nayons pas la vanité de croire que la vie de la nation sarrêtera pour autant.
En attendant de lutter pied à pied, de sorganiser (et je pense ici à mes chers amis qui sont dans dautres partis politiques), il faut faire des propositions.
Mais quelles sont ces idées ? En effet, le problème centrafricain nest ni le tribalisme, ni la gestion peu orthodoxe de lEtat. Ne confondons pas les effets avec la cause, ce serait de mauvais aloi.
Notre problème, fondamentalement, cest labsence dun projet de société clair, incarné par les détenteurs de la machine dEtat, qui pourrait éviter les travers du tribalisme et autres " ismes " négatifs. Le pilotage a vue justifie tous ces errements. Nous ne pouvons pas continuer à considérer notre pays comme une hutte qui ne nécessiterait pas préalablement un plan. Le Bénin a " Bénin perspective 2025 ", programme de développement pour un quart de siècle. La Gambie de Yaya Jammeh a " Gambia Vision 2020 ", et on voit bien que ce pays décolle.
Pour avoir dit que je considérais le pèlerinage perpétuel de nos politiques comme le signe patent dun rabaissement supplémentaire, jai heurté un consensus. Pourtant, mon opinion sur la question na pas changé.
Pour avoir parlé de la faillite de lEtat, une certaine élite prompte à épouser les vérités officielles, toutes les vérités officielles, a crié au nihilisme.
Que lui dire, sinon, comme Malraux, " quaprès être allé dans les bibliothèques, il faut savoir jeter les livres pour affronter la vie ".
Comme je lai dit ailleurs, je ne saurais me résoudre à vivre en citoyen dun pays inexistant. Je ne puis ôter de ma mémoire loffense faite à mon peuple, fouetté, et à la vertu des femmes de mon pays, par des banyamulengues, la corruption des opposants pour accepter linacceptable.
Il est jusquà un candidat à la présidentielle pour sétonner que, prônant le panafricanisme, je nai pas été enchanté par son voyage à Libreville. Quelle méprise !
Mon panafricanisme ne saccommode pas de lexistence dun maître et dun esclave, mais des rapports dégal a égal dans une convergence (Ah, que je déteste désormais ce mot !) vers un même but.
Il y a quelques temps déjà, jai développé la théorie des trois éléments de la puissance en Afrique. Lélément militaire, lélément économique et le troisième élément qui repose sur la volonté de leadership des dirigeants dun pays.
Lélément militaire nous est servi par le Rwanda, jadis pays insignifiant ne se rappelant à la mémoire du monde quà grands coups de combats tribaux. Ce pays fait aujourdhui trembler le grand Congo, grâce à son armée.
Lélément économique nous est servi par le Gabon, pays sous-peuplé, qui utilise sa manne pétrolière pour exister dans le monde et servir de destination privilégiée à nos politiques.
Le troisième élément, la volonté dexister et laptitude au leadership, nous est servi par le Burkina Faso. Ce troisième élément repose sur lambition des dirigeants dun pays.
Nayant ni une armée digne de ce nom, ni une économie florissante, le seul élément a notre portée reste le troisième.
Nous devons bâtir une identité qui nous soit propre. Il est vrai que dès la genèse de notre histoire moderne, une double méprise sest abattue sur nous. Ainsi, nos parents ont appris nos ancêtres les gaulois. Nous autres, nous avons appris Leuk le Lièvre, Mamadou et Bineta, alors que nous avons Ndaramba le lapin, et que, à tout prendre, Kossi Kpanamna ou Ngura, ça sonne plus centrafricain. Quelle avancée ceut été pour le panafricanisme si, dans le même temps, on apprenait lhistoire de notre pays en Afrique de lOuest.
Or donc, il faut que la nation vive.
Jai rédigé 10 projets de loi que je soumettrai au député élu du 5e arrondissement. Parmi ces projets, il y a lobligation faite aux propriétaires dimmeubles à caractère commercial, situés depuis le point zéro jusquau monument Boganda, de relever le niveau de leurs immeubles dau moins quatre étages, et cela sur cinq ans. Cela sest fait ailleurs, et nous avons le devoir de transformer le paysage architectural de Bangui, en mettant à contribution ceux qui profitent du pays.
En attendant que demain soit un autre jour.
Pour une certaine façon dêtre Centrafricain.
Me CREPIN MBOLI-GOUMBA, Bangui, Centrafrique. (Thu, 14 Apr 2005 08:08:43 +0000)
Actualité Centrafrique de sangonet