Bozizé, asphyxié par le MLPC, reporte les élections

Le président Bozizé, asphyxié par le MLPC, reporte les élections. Dans un pays où les fonctionnaires ne sont pas respectés, où les salaires sont impayés, il est vraiment curieux de voir ce même gouvernement reporter les élections par respect de la fête de travail. Les vraies raisons de ce report, à n’en pas douter, sont multiples. En dégainant le premier, Bozizé a eu le code, mais pas la bonne conduite. Le RDC d’André Kolingba veut, sans partage, le gouvernement dans son ensemble, avant de lui laisser, avec toute sa convergence, la Présidence (pour combien de temps dans ce cas ?). Au vu de la nouvelle constitution, Bozizé, qui n’est pas sûr d’avoir la majorité à l’Assemblée, ne peut promettre quoi que ce soit à qui que ce soit.

Mais ce qui donne de vrais tournis au Président sortant et autres KNK, ce sont les conséquences prévisibles des fraudes massives du premier tour et surtout le grand débat réclamé à cors et à cris par Martin Ziguélé, son challenger, et qui risque de se transformer en grands déballages. Bozizé a opposé un niet catégorique devant cette démarche pourtant démocratique, et pour cause…

De sources indiscrètes proches du Candidat Martin Ziguélé, le MLPC aurait sorti l’artillerie lourde. Le Président général, en tant que bon stratège, a vu venir les balles même pas perdues et pète les plombs :

- de un, les factures de la rébellion du Général qui se chiffre par milliards de Fcfa, à rembourser sur les recettes publiques. Oui, la guerre a un prix. Il fallait y penser. Que ceux, prompts à rédiger des communiqués de presse, nous donnent des chiffres, sans verbiages.

- de deux, des documents financiers qui indiquent combien et comment ce diacre, pas moins céleste, verse ses rançons franc-maçonniques et qui prépare, dans la plus totale discrétion, son auto promotion au grade de maréchal de manière à être au dessus des autres généraux d’armée.

- de trois, comment il tente d’acheter le silence et la complaisance de Patassé en cette période de deuxième tour (je sais combien je te suis redevable, mais fais comme si tu étais mort a-t-il imprudemment lâché à Patassé, lors de son passage à Lomé), mais aussi, ses cotisations au MLPC, même après le 15 mars 2003 (la politique est bien compliquée).

- de quatre, les procès verbaux des conseils de guerre présidés par le Chef d’Etat Major de Patassé, en la personne de Bozizé, durant les différentes mutineries devraient être rendus publics et les déballages en direct de Jean Jacques Demafouth.

- de cinq, la facture humaine : au nord comme au sud, les parents des victimes ont apprécié la plaisanterie du "tueur de buffles qui doit dépecer soi-même son butin, tout seul, comme un grand". On n’a pas, pour autant, fini de compter les morts, par balles ou par poisons ces derniers temps.

- et de six enfin, Bozizé, qui s’interroge à l’autre bout du pays sur les raisons de son faible score dans l’Ouham-Pendé, est attendu par toute une population disposée à lui fournir les réponses attendues pour peu qu’il accepte de se rendre sur place. Avec tout l’arsenal qu’il draine derrière lui, rendez-vous est-il pris? De même, dans les régions où les voix ont été piquées en "un temps, un tour", tous les zèles deviennent de moins ardents et les KNK ne savent plus comment faire "le travail, rien que le travail", face à l’accueil qui leur sera réservé dans cette campagnes électorales du second tour. Dans notre devise, il y a le mot Travail, il suffisait de le respecter. On ne recrée pas le monde et surtout celui de Boganda. Maintenant, tout le pays se transforme, peu à peu, en un Ouham-Pendé héroïque et vigilent. Et on se demande si la campagne aura même lieu.

Du coup, Bozizé voit rouge avec des Z partout, partout, partout, pas comme Zorro, mais comme Ziguélé, partout, partout, avec des bourdonnements qui ressemblent vaguement à un "Ziguélé, Zi lo" et partout, partout. La messe semble dite, et le président sortant est prêt à déposer les armes. Les demandes de visas pour 50 personnes viennent d’être déposées à l’Ambassade de France à Bangui. L’homme, de moins en moins fort de Bangui, n’a ni sérieux dans le travail, ni repère historique. Ou bien s’agit-il d’une prémonition ?

Voyons donc les signes avant-coureurs qui ne démentent pas. Les résultats du premier tour des élections présidentielles devaient être proclamés un 29 mars, jour de deuil national : première reculade. Le second tour de ces mêmes élections devait avoir lieu le 1er mai, jour de la fête de travail. Pour un gouvernement qui pratique des mois de 120 jours, c’est quand même grave : deuxième reculade pour éviter ce qui devait logiquement arriver. Mais, le problème n’a fait qu’être reporté. Le 8 mai, c’est la fête de l’armistice, la soixantième commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale, et c’est encore pire surtout pour un va-t-en guerre : troisième reculade en perspective ? La proclamation des résultats, ce sera pour la fête des mères ? En paraphrasant Patrice Lumumba, on dirait que l’histoire commence à dire son mot.

Mais, dans ce marathon, Ange Félix Patassé caresse tranquillement sa barbe blanche en psalmodiant quelques célèbres refrains oubliés, tel que "Le vieillard", ou "ènè yong förhô-förhô, ènè penzer famie sè, wène ko binè wôôôh…" ou encore "Marie a kiri na congé". Il attend qui, du mensonge ou de la vérité, va le premier franchir la ligne d’arrivée, et se dit que Bozizé, avec ses villas du Burkina, sera bientôt son voisin bien aimé.

Cessez le Feu, mon Général ! La révolution orange se fait sans canons. Faisons la réconciliation nationale pour retrouver la paix, pour un Centrafrique uni et prospère. Appelez donc à voter Ziguélé et cette fois, dans un langage moins politique. Vous l’avez déjà fait à la fin de votre discours d’ouverture de campagne du premier tour. Pour conclure vos propos, vous avez intégralement cité la conclusion de sa profession de foi. Parlez, mon Général ! Parlez ! Avait dit B. Boganda lui-même.

Moralité, que les crétins fretins se ravissent. Que les patriotes ne considèrent plus le 15 mars 2003 comme leur printemps de Prague. Que les Anges et les archanges présentent leur pardon à la Nation. Que les présidents de parti cessent de faire la queue devant un sans parti, pour qu’enfin ce 8 mai, jour où le monde entier dépose des gerbes de fleurs sur les monuments aux morts, soit pour les Centrafricains, un grand jour de réconciliation nationale et de retrouvaille et de réjouissance "populaire", du nord au sud, de l’est à l’ouest. Embrassons-nous, mes sœurs et frères, et partout, partout. C’est ça le réalisme politique.

Dr. Félix YANDIA (15 avril 2005)

Regards Centrafrique de sangonet