François Bozizé aurait remporté la présidentielle en Centrafrique (Le Monde)

Et puis il y a le petit miracle centrafricain..." , concluait, il y a peu, un conseiller du président Jacques Chirac en brossant un tableau des anciennes colonies africaines de la France. De fait, comparé à la Côte d'Ivoire ou au Togo, il y a bel et bien un "petit miracle" en Centrafrique.

Il concerne l'élection présidentielle (couplée à des législatives). Le premier tour de scrutin s'était déroulé, le 13 mars, dans des conditions satisfaisantes, de l'avis des observateurs étrangers sur place. C'était déjà un exploit s'agissant d'un pays où les armes (neuf coups d'Etat depuis l'indépendance de 1960), plus souvent que les urnes, décident des changements à la tête du pays.

Le deuxième tour, dimanche 8 mai, a été du même tonneau. "Les élections se sont déroulées dans le calme à Bangui -la capitale- et à l'intérieur du pays" , a estimé le président de la Commission électorale mixte indépendante (Cémi), Jean Willybiro Sakoque.

"Globalement, l'élection s'est bien passée, dans le calme et la sérénité" , a confirmé le chef de la mission de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), l'ancien président burundais Pierre Buyoya. Les témoignages de diplomates occidentaux vont dans le même sens.

Marquée par une participation inférieure à celle du premier tour, l'issue du scrutin ne fait guère de doute : le président sortant, parvenu au pouvoir en mars 2003 à la suite d'un coup d'Etat, le général François Bozizé, l'homme qui a ramené la paix dans le pays, sortira vainqueur de l'élection présidentielle avec, selon diverses sources, un score de l'ordre de 60 % des suffrages, loin devant son adversaire, l'ancien premier ministre Martin Ziguélé.

Au premier tour, François Bozizé était arrivé en tête avec 43 % des voix. Par la suite, plusieurs de ses adversaires ont appelé à voter pour lui tandis que l'ancien président André Kolingba, arrivé en troisième position, choisissait de ne pas donner de consigne de vote. Ces ralliements, conjugués aux moyens financiers importants mis à la disposition du général-président, notamment, dit-on, par certains de ses pairs africains, ont fait la différence avec Martin Ziguélé (24 % des suffrages au premier tour).

Le dépouillement des bulletins de vote a commencé lundi et les résultats seront connus avant la fin de la semaine. Leur proclamation officielle devra attendre quelques jours supplémentaires. Et plus encore pour le résultat des législatives, où les jeux sont loin d'être faits.

La prochaine étape sera décisive. C'est celle qui verra la formation du "gouvernement d'ouverture" promis par le président Bozizé. A cause de la virulence decertaines de ses déclarations, Martin Ziguélé n'en sera sans doute pas, mais le parti qui a soutenu sa candidature, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), devrait faire son entrée au gouvernement. Ce sera aussi le cas de la frange du Rassemblement démocratique centrafricain (RDC) du général Kolingba, favorable à François Bozizé.

Un autre cas intéressant à suivre sera celui de Jean-Paul Ngoupandé. Intellectuel brillant mais qui a obtenu moins de 5 % des suffrages au premier tour de l'élection, il a soutenu le président Bozizé au second tour. En sera-t-il récompensé par une nomination à la tête du gouvernement ou à la tête du ministère des affaires étrangères ? L'hypothèse paraît peu probable. En revanche, il n'est pas exclu que M. Ngoupandé, qui a fait une partie de sa carrière dans les organisations financières internationales, se voit confier le ministère de l'économie et des finances.

Quel que soit le titulaire, la tâche sera rude. Il s'agit de relever un pays ruiné par des décennies d'une gestion calamiteuse.


Jean-Pierre Tuquoi (Article paru dans l'édition du Monde  (Mis à jour le 10.05.05 | 14h02))

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