Le "Cahier
de charge" du général Kolingba
Le Monde, 18 avril, 2005, paru dans l'édition du 19 avril
2005
Le général
André Kolingba est un homme gourmand. Eliminé au premier tour
de l'élection présidentielle en Centrafrique, pays pauvre parmi
les pauvres, l'ancien chef de l'Etat est prêt à se rallier au
candidat arrivé en tête avant le second tour, prévu le 8 mai.
Mais au prix fort. Ses requêtes figurent dans un document
confidentiel intitulé "Cahier de charge" : 4
feuillets, ordonnés en 7 chapitres. Pas une ligne consacrée aux
exigences politiques. Les questions de gros sous et de gros bras
dominent.
En contrepartie des 16 % de voix qu'il a recueillies, l'ancien
président (1981-1993) réclame, entre autres, la mise à sa
disposition de "30 hommes pris en charge par l'Etat",
mais choisis par lui, en plus du "dispositif de protection
des anciens chefs d'Etat", une "compensation
financière d'au moins 5 milliards de francs CFA"
(l'équivalent de 7,7 millions d'euros) plus une autre indemnité
"liée à la destruction de tous -ses- biens" en 2001,
l'octroi d'un logement, etc.
L'ancien président ajoute qu'il se verrait bien devenir "le
messager de la paix ou -le- médiateur de la République" et
que l'octroi de "fonds politiques" pour lui permettre
d'"appuyer le régime tant sur le plan national
qu'international" serait le bienvenu. Il n'oublie ni son
parti ni ses amis. Pour le Rassemblement démocratique
centrafricain (RDC), il réclame le poste de premier ministre
"un préalable, quel que soit le poids parlementaire du
RDC" et 9 portefeuilles, dont celui de l'économie, dans
le prochain gouvernement. "Ces ministres, précise le
"Cahier de charge", devront avoir tout pouvoir pour le
choix de leurs collaborateurs et -ils disposeront- de toutes les
marges de manoeuvre nécessaires au fonctionnement de leur
département ministériel."
Le général Kolingba a aussi des visées sur des postes de la
haute administration. Il exige 6 préfectures, 21
sous-préfectures, et l'assurance de pouvoir placer des amis
"depuis l'état-major général jusqu'aux chefs de
corps". Le "Cahier de charge" justement nommé
circule dans les ambassades à Bangui, la capitale. Il ne fait
rire personne. Si les exigences financières du général
Kolingba étaient honorées, les bailleurs de fonds cesseraient
sans doute d'assurer les fins de mois d'un Etat centrafricain
généreux avec l'argent qu'il n'a pas en caisse.
Jean-Pierre Tuquoi
Actualité Centrafrique de sangonet