LES INTELLECTUELS CENTRAFRICAINS FACE AU DEFI DU DEVELOPPEMENT

Depuis l’affaire Dreyfus, le clerc français à tort ou à raison, est apparu comme l’archétype de l’intellectuel engagé dans les combats de son siècle et au-delà, comme le modèle universel de l’intellectuel.

 

Révéler l’injustice au monde, prendre à témoin les opinions pour dénoncer l’intolérable, user de sa réputation, de son talent reconnu, de son autorité morale pour convaincre et surmonter les gigantesques obstacles dressés par le pouvoir.

 

Telles furent les motivations des intellectuels français qui, à la suite de démarche isolée d’un écrivain célèbre, Emile ZOLA, entrèrent dans le combat pour la défense d’un homme, le capitaine Alfred DREYFUS, condamné à perpétuité pour espionnage au profit de l’Allemagne.

 

Persuadé de l’innocence du capitaine, l’auteur de germinal lança le 13 janvier 1898, sa “   lettre au Président de la République ” dans le quotidien aurore.

 

Le Directeur du quotidien Georges CLEMENCEAU trouva un titre explosif : “ J’accuse ”. C’est ainsi que la postérité retiendra l’acte fondateur qui propulsa les intellectuels, écrivains, penseurs, artistes, journalistes, universitaires au cœur du débat et, plus sûrement, de la mêlée politique.

 

Le geste isolé de ZOLA, se mua immédiatement en mouvement collectif. Les intellectuels exaltaient l’individualisme des droits de l’homme, le civisme de vérité, de justice et de raison. Ils descendaient dans l’arène, s’exprimaient au nom de la conscience commune et posaient, pour la première fois de façon aussi nette, la question du devoir d’engagement collectif des intellectuels dans les affaires de la cité.

 

Le courage, la clairvoyance et l’honnêteté dont ont fait preuve les intellectuels français dans l’affaire Dreyfus, m’ont amené à dire que : Dans un pays comme la République Centrafricaine où plus de 80% de la population sont analphabètes, où le peuple est sacrifié sur l’autel de l’autorité et de l’ordre pour la préservation des intérêts des gens du pouvoir, les intellectuels ont un rôle très déterminant à jouer dans le processus du développement.

 

Commandés par le patriotisme et ce, en toute humilité, les intellectuels centrafricains doivent contribuer à l’éveil de leurs compatriotes.

 

Contrairement à ce qui est pensé et cru par de nombreux centrafricains, le mot intellectuel ne doit pas être réduit à la simple obtention de diplômes, fussent-ils universitaires. Au-delà des diplômes, l’intellectuel est celui qui par son discours critique, doit pousser à des changements profonds dans la société. Il doit montrer et dénoncer les vices de celle-ci et, ensuite essayer de proposer des solutions adéquates.

 

Son rôle est avant tout de favoriser une prise de conscience au sein de la population, il doit enlever en lui, toute volonté de maintenir ses concitoyens dans l’ignorance afin de les exploiter et entretenir un culte sans honneur de personnalité.

 

Pour réussir cette noble mission, les intellectuels centrafricains doivent être indépendants d’esprit, c'est-à-dire, ils doivent se garder de se faire récupérer et phagocyter par tel ou tel parti politique. Ils sont bien attendu libres d’intégrer le parti politique de leur choix mais, leur engagement politique doit être justifié par une volonté réelle de transformation de la société.

 

Depuis la disparition des NZAPA KOMANDA YAKOMA et Alphonse BLAGUET, les prestations des intellectuels centrafricains son très faibles.

 

Après leurs formations dans les universités ou grandes écoles occidentales, la plupart de nos intellectuels ont malheureusement retenu que les grands principes du maître et sont devenus des serviteurs zélés au service des anciennes métropoles, considérées de nos jours comme des partenaires privilégiés en matière économique, souvent au détriment de notre pays.

 

D’autres en revanche, ont choisi la révolution verbale en s’exilant dans les capitales occidentales, loin de Centrafrique, perdus dans des formules oiseuses qui vont de la dialectique marxiste-léniniste à la théorie des “ trois mondes ”.

 

Quand ces intellectuels reçoivent discrètement des propositions alléchantes de la part du pouvoir qu’ils ont tant décrié, diffamé, ils justifient leur ralliement par des formules d’impuissance du genre : “ Pour mieux combattre le système, il faut savoir comment il fonctionne… ”

 

Finalement, à force de chercher à comprendre les rouages de l’administration, ils finissent par épouser les idées et méthodes des gouvernants et par conséquent, devenir les complices du système jadis vilipendé et détracté.

 

Voilà pourquoi et comment, nous avons en Centrafrique parmi les princes qui nous gouvernent, tant d’anciens “révolutionnaires ” qui s’érigent le plus souvent en farouches défenseurs du système contre toutes revendications populaires.

 

En regardant de près ce qu’est l’occident de nos jours que constatons-nous ?

 

Ayant dépassé le stade de l’industrialisation, celui de la confrontation sociale pour une société plus juste et démocratique, l’occident s’érige en défenseur des droits de l’homme,en symbole de la démocratie et disqualifie de ce fait, tous ceux qui sont réfractaires à l’idée du pluralisme politique, de liberté d’expression.

 

De même, les intellectuels centrafricains doivent éliminer en eux la peur de la mort et cultiver un stoïcisme qui doit leur permettre de militer en faveur de la démocratie, à l’instar de mon frère Crépin MBOLI GOUMBA, que je peux témoigner de la permanence des convictions,  pour avoir parcouru ensemble avec lui, une bonne distance sur le chemin de la vie.

 

Les intellectuels centrafricains ont la lourde  responsabilité de relever le défi du développement de notre pays au-delà de leurs divergences politiques, idéologiques, religieuses entre autres différences.

 

Seule la convergence des efforts et l’action unanime de ceux de l’extérieur avec ceux de l’intérieur, pourront faire avancer le pays sur la voie de la démocratie, du progrès économique et de la justice sociale.   

 

Pour éviter à la population centrafricaine le chaos du tribalisme, les oppositions ethniques et les règlements de compte, les intellectuels centrafricains doivent se méfier des discours académiques souvent creux et démagogiques, ils doivent poser les vrais problèmes de notre pays, par exemple : A qui profite la division, l’injustice, la famine, la prolifération du SIDA ? Jusqu’où doit aller l’obéissance au pouvoir, le respect des institutions hiérarchiques, la révérence à l’armée, aux magistrats, à l’église ?

 

Il appartient donc aux intellectuels de répondre à ces questions et de relever le défi de notre soit disant incapacité politique et économique chronique à gérer notre pays.

Fred Edgard GASSIA
E-mail:
fegasfr@yahoo.fr (Wed, 25 May 2005 21:13:39 +0200 (CEST))

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