La Réconciliation Nationale : faire du rêve une réalité.

Dr Félix YANDIA

Peut-on s’attendre pour ce deuxième tour des élections présidentielles en Centrafrique à un acte de civisme historique, de clairvoyance comme rarement la RCA en a connu depuis quarante ans ? Avec les soubresauts des politiques irresponsables de ces dernières années, la tentation de l’abstention risque de maintenir une fois de plus la RCA dans le cercle vicieux auquel elle est habituée depuis ces dernières années. Une mobilisation générale des Centrafricaines et Centrafricains pour exprimer leur attachement à l’alternance démocratique, à une véritable vie démocratique, et donc à la paix, permettrait à la fois de prendre à témoin la communauté internationale et de mettre nos hommes politiques devant leurs responsabilités. Elle constituerait également un gage de sécurité, de stabilité et de dignité retrouvée pour un Centrafrique uni, paisible et prospère.  Deuxième tour deux temps !

En effet, dans un article intitulé, " Centrafrique : l’exemplaire solidarité de l’opposition ", l’auteur notait en termes très élogieux la capacité et le mérite des hommes politiques centrafricains : " ce n'est pas toujours qu'on voit des oppositions africaines faire des démonstrations de solidarité et de cohésion. Ce qui se passe actuellement en Centrafrique surprend à plus d'un titre… " (Sanfinna du 10 au 16 janvier 2005). L’Union des Forces Vives de la Nation (UFVN) doit conforter par une démarche cohérente cet état de fait pour concrétiser un rêve partagé par tous les Centrafricains, et sortir de l’engrenage régionaliste et militaro-politique ainsi que de la pauvreté.

En face de cette aspiration nationale rôde encore le vieux démon, et la vigilance reste de mise. En effet, le Président Général BOZIZE, soutenu par tous ceux qui hier encore entouraient Ange Félix Patassé, tente aujourd’hui de manipuler les Centrafricains avec un triple béret trop petit pour lui. C’est donc facile de le démasquer. Un béret pour le général de division, chef d’Etat Major des Forces Armées Centrafricaines (FACA) accueillant les Banyamulengués sur les rives de l’Oubangui sous la Présidence de l’agronome Ange Félix Patassé. Un autre béret pour le même homme, toujours nommé Bozizé, qui a recruté et armé les Zagawas afin de dévaster les régions Nord et Centre du pays, avec en prime, plus de trois mille (3000) véhicules arrachés aux Centrafricains et impunément envoyés au Tchad. Ces mêmes Zagawas nous promettent un lendemain d’enfer, dans " le Péril BOZIZE ", s’il est réélu.

Le voici, coiffé d’un troisième béret dans un costume de Général démocrate, contraint par la communauté nationale et internationale à légitimer un pourvoir usurpé et imposé au peuple. Le baptême franc-maçonnique est même consenti pour couronner ses exploits tout en le plaçant comme le valet d’autres pourfendeurs de l’Afrique dans la sous région. Sa profession de foi, qui n’est autre chose qu’une déclaration de candidature, trahit cette carence et donc le peu de sérieux de ce KNK, "le travail rien que le travail". Dans ce document d’une demi page, et qui visiblement manque d’ambition pour le pays, on peut lire que " La République Centrafricaine (…) s’est toujours confrontée à d’énormes difficultés de tous ordres qui ont entamé la paix et son développement harmonieux malgré les potentialités reconnues des richesses naturelles dont elle dispose. Le pays a été le théâtre de plusieurs soubresauts, et de crises récurrentes sur les plans militaire, politique et social. Cette situation l’a maintenu parmi les pays les moins avancés, et les plus endettés où le niveau de la sécurité et de la paix s’est fortement détérioré avant le sursaut patriotique du 15 Mars 2003". Justement avant le 15 mars nous avons dans une bonne partie du pays sa rébellion qui constituait ces " soubresauts " qu’il feint aujourd’hui de dénoncer.

Pourtant, répétons-le, c’est le même homme qui a reçu et encadré les Banyamulègué qui ont commis ces horreurs et dévasté Bangui et ses environs, et c’est le même homme qui, par la suite, dans l’arrière pays, a pillé les stations d’essence, entretenu une rébellion militaire avec les exactions que l’on connaît, type viols, pillages, exécutions sommaires de paysans, d’éleveurs et de curés, abattages de troupeaux de bœufs et autres animaux domestiques. C’est également le même homme désormais appelé Bozizé Yangouvounda qui tente désespérément de faire croire aux Centrafricains qu’il a hérité de " mains propres ", et de monter l’une contre l’autre les franges de la population centrafricaine (Banguissoise et Provinciale), alors qu’il est le même acteur principal sur ces deux théâtres militaires. Il s’agit là d’un exercice périlleux qu’essaie de faire gober aux Centrafricains notre Général Président. J’ose croire que le peuple n’est pas dupe à ce point. Justement la plainte que vient de déposer le Gouvernement centrafricain au tribunal international de la Hayes constitue l’ultime étape d’un retour à la paix. Que tous les protagonistes, à commencer par le Président Bozizé, se mettent à la disposition de cette cour pour exorciser ce mal centrafricain. Depuis leur exil dans des contrées paisibles, sans compassion aucune avec les ouailles restées dans cet enfer, l’Ange et ses archanges sont apparemment disposés à l’accompagner et à le soutenir devant la barre internationale. Même si le défi semble difficile à relever par Machiavel lui-même, le face-à-face réclamé par son challenger Martin Ziguélé serait, pour le Chef d’Etat Major, l’occasion de préciser ses responsabilités et de montrer, sur ce terrain militaire, la part des civils et la boucle serait bouclée.

Mais l’homme ne tergiverse pas. Après l’exercice d’échauffement ou d’intimidation effectué chez son concurrent André KOLINGBA, son ancien Vice Président Abel GOUMBA en sait désormais quelque chose, bien qu’au passage, il ait légué à Bozizé le monopole des jargons communistes, du genre " patriotisme " et " sursaut populaire ". Les équipements électroménagers d’Abel GOUMBA ont été, sans ménagement, récupérés manu militari devant une foule médusée dans le but d’humilier, une fois plus, une personnalité qui dans ce " sursaut populaire " a pourtant "vendu de manière patriotique son âme" pour asseoir un chef rebelle dans un fauteuil présidentiel. Dans la nuit qui a suivi, c’est un semblant de braquage avec des coups de feu nourris sur sa demeure, pour couvrir en réalité un enlèvement programmé, que l’ancien Vice Président devait enregistrer. La situation est donc grave dans cette farouche volonté de s’agripper au pouvoir, même dans ce contexte démocratique où le peuple centrafricain a déjà prouvé aux yeux de la communauté internationale sa maturité, son sens civique et son aspiration à la paix civile.

Sur le terrain électoral, en plus du laboratoire " La Vie ", le désormais célèbre Dogo et sa bande faisaient leur apparition dans les bureaux de vote, armes au poing et flanqués au front de bûchettes d’allumette dans les cheveux comme signe de reconnaissance mutuelle, afin d’intimider les électeurs et les membres des bureaux. Mêmes pratiques en province où les militaires en armes circulent de bureau de vote en bureau de vote pour voter triplement dans le même bureau sans poser l’index dans l’encre. Aussi, le transfert des procès verbaux des bureaux de votes à la CEMI se fait parfois via le camp de Roux, ce qui explique l’annulation de certains suffrages. Ces pratiques posent un certains nombres de problème de transparence et de respect du peuple souverain.

Sur le plan folklorique, il faut noter que dans la matinée du 31 mars, jour de proclamation des résultats du premier tour des élections, les grands carrefours de Bangui étaient déjà bourrés de tam-tam pour fêter en " un temps " la victoire tant rêvée. Mais la déception ressentie et exprimée par le Président candidat lui-même était grande et désarçonnante à la proclamation. Bozizé I devait en effet se muer tranquillement en Bozizé II, n’eut été l’intervention des chars français pour quadriller l’espace de délibération de la CEMI et déjouer ainsi le hold-up électoral longtemps craint et décrié par l’ensemble de la classe politique. Les tam-tams, quant à eux, ont fièrement tenu leur place des heures durant après la proclamation en dehors des musiciens et danseurs qui se sont évaporés sans tambour battant et à la vitesse du son.

Au regard de cet enjeu, certains compatriotes, au lieu de contribuer pleinement à la vie démocratique de leur pays en faisant des propositions constructives et concrètes, procèdent par simples communiqués de presse à des attaques et à des intimidations dignes des périodes de parti unique pour répondre aux réflexions savantes et constructives. Ainsi, des individus ou des institutions à l’exemple du Collectif des Centrafricains de France (CCF), une institution démocratique qui œuvre depuis toujours pour le bien être national, sont montrés du doigt. Cette pratique antidémocratique, d’un autre âge, montre un retour aux années " si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous ", et vise à embrigader un chef d’Etat à étouffer les liberté individuelles et tout un pays au seul profit d’une clique.

Dans le cadre des " Débats citoyens " sur les élections présidentielles et législatives de 2005 organisés par le CCF à Paris le 19 mars 2005 sur le thème : "Analyse de la situation démocratique en Centrafrique", le candidat Martin Ziguélé, venu débattre et surtout écouter ses compatriotes, partait de ce constat, en apparence simple, mais qui se retrouve aujourd’hui au cœur du débat politique : "pourquoi malgré les bonnes initiatives de grandes ampleurs, les bonnes résolutions toujours suscitées par les Centrafricains, rien ne fonctionne dans ce pays ?". Pour illustrer ses propos, il citait entre autres quelques initiatives typiquement centrafricaines, et qui, par la suite, ont fait école en Afrique, à l’exemple de la première Conférence Nationale tenue en Afrique par les Centrafricains ; du Dialogue National, de l’esprit démocratique qui constitue la base de la fondation de la Nation centrafricaine ; de la Caisse d’Amortissement de la Dette de l’Etat devenue pour beaucoup de pays africains l’outil indispensable de développement ; et le registre agropastoral où la RCA inspirait les autres pays du continent. A cette liste, nous devons ajouter aujourd’hui la maturité démocratique des Centrafricains et la qualité du travail accomplie par la CEMI et son Président, malgré les menaces, les bourrages des urnes parallèles, les gesticulations et les intimidations exercées par sa Suffisance Monsieur le Président encore en exercice.

En conclusion, pour véritablement "redonner la confiance à chaque Centrafricain, restaurer la dignité et la crédibilité de notre Patrie, assurer son développement, assurer la sécurité de la population, et garantir une justice indépendante", il faut donc une mobilisation générale ce 1er mai 2005, jour de la fête du travail et jour électoral en Centrafrique, pour couronner et concrétiser ce génie centrafricain en pleine gestation et pour que vivent la Réconciliation Nationale ainsi que la patrie centrafricaine. (Sun, 10 Apr 2005 19:45:08 +0200 (CEST))

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