Contrôle des effectifs des agents de l'Etat: l'arbre qui cache la forêt
Le contrôle des effectifs des agents de létat centrafricain devrait être une opération de routine, interne au département de la fonction publique qui recrute ces agents, à celui de ladministration de tutelle qui les utilise, à celui des finances et de loffice national dinformatique qui émet les bons à payer, et enfin, à celui du trésor public qui honore les bons de caisse. Le contrôle au sein de chacune des entités citées ci-dessus devrait se faire au quotidien, afin dassurer à lensemble de ladministration centrale lintégrité de ses opérations, puis lefficacité de la gestion des ressources à la fois humaines et financières de létat. Cest bien pour cette raison que ces administrations auraient des techniciens, directeurs généraux, directeurs du personnel, chefs de services, contrôleurs financiers et autres dont les différentes responsabilités auraient été de sassurer que chaque acte administratif, entrepris indépendamment ou en commun serait conduit conformément aux règles prescrites.
Mais enfin, pourquoi devrait-on être surpris dêtre témoins de la manifestion de toutes ces escroqueries qui avaient toujours existées? Chaque chef détat, chaque ministre du gouvernement, chaque président de conseil dadministration, chaque directeur général, chaque député influent, chaque centrafricain capable de corrompre, avait demandé, avait influencé, ou avait acheté les nomminations à des postes importants dans ladministration, en faveur de, qui un frère, qui un cousin, qui un beau-frère, qui une maîtresse, sans qualifications professionnelles adéquates pour assumer certaines charges importantes de létat. Ajouter à ce qui précède le fait que les grandes prescriptions administratives qui décriraient clairement et précisément les modes de fonctionnement et de contrôle des différents actes ne seraient connues que dune minorité dagents, administrateurs civils de formation, dont la majorité serait déja admise à la retraite ou en voie dy aller; ajouter à cela labsence de ce que lon pourrait appeler les archives nationales où le citoyen pourrait y consulter des documents historiques de référence; ajouter à tout cela la non-disponibilité dans les services des textes et documents de référence; ajouter enfin à toute cette pratique linadéquation des programmes de formation professionnelle technique dans le pays, labsence de la formation continue et régulière des agents, les fraudes autour de lorganisation des concours professionnels, le recrutement direct détudiants en fin de formation universitaire et qui navaient eu aucune expérience professionnelle initiale dans ladministration pour assurer des fonctions importantes; et vous aurez en fin de compte un fonctionnement de ladministration centrale, anarchique et qui serait à limage de lorganisation désastreuse des écoles publiques, des structures sanitaires, et autres dans le pays.
Aujourdhui, la révélation des résultats du dernier contrôle administratif des effectifs de la fonction publique ne dit pas toutes les vérités, ni ne précise toutes les conclusions objectives que lon devrait attendre dun rapport que le premier ministre avait ordonné pour faire toute la lumière sur le sujet. Une chose cependant serait certaine, ladministration centrale de létat et tous les départments ministériels avaient complètement failli au maintien de lintégrité de leurs fonctionnements; ce qui avait entraîné tous les abus, toutes les manipulations frauduleurses et toutes les malversations crapuleuses qui avaient été mentionnés dans le rapport. Ce que les auteurs du rapport navaient osé dire haut et fort, cétait que tous ces actes frauduleux été nés des esprits féconds de hauts responsables de létat et des enfants mêmes du pays. Ce système qui avait pris appui sur diverses complicités, et, érigé en une forme dorganisation ou de société anonyme (S.A.) avait fonctionné depuis toujours sous les yeux des autorités assermentées du pays, des députés représentants du peuple, des magistrats garantissant lesprit des lois du pays, et, des syndicats professionnels, supposés protéger les intérêts des travailleurs centrafricains. Aucune association syndicale de fonctionnaires de létat navait eu la préoccupation ou le courage de discuter des véritables causes des arriéres de salaires avec leurs membres et avec le gouvernement. Tout le monde avait pensé quil ny aurait aucun mal à laisser ces actes frauduleux se perpétrer impunément, au point de nuire, chemin faisant, à la santé du trésor public. Chaque citoyen avait pensé que létat centrafricain nappartenait à personne et quil revenait au plus entreprenant des partis politiques, au plus filou de leurs membres ou au plus fort dentre tous dapprivoiser létat, puis de sapprovisionner à sa guise dans ses caisses. Le civisme, la déontologie, la morale, le patriotisme et le courage avaient perdu tous leurs sens au sein de la société centrafricaine. Lon aurait cru volontier que plus personne navait voulu de ces termes dans les programmes scolaires, dans les ordres du jour des réunions des partis politiques ou des syndicats, dans les débats des associations ou clubs de jeunesse, ou encore sur les ondes de radio centrafrique.
La mal était partout présent, sans aucune distinction liee à laffilitation politique ou lappartenance à une confession religieuse, particulière. Et comme cela paraissait convenir à tout le monde, chaque centrafricain concerné avait pensé que cétait la responsabilité dun premier ministre de remettre de lordre dans la maison de létat. Les députés, les syndicalistes, les fonctionnaires en activité et ceux à la retraite, et les médias, tous, voudraient que le premier ministre, seul, trouve la solution aux arriérés de salaires qui étaient en réalité un problème que la grande majorité des agents de létat et les fraudeurs avaient eux-mêmes créé dune manière ou dautre(s). Mais seulement voilà, des opérations de contrôle de ce genre avaient également été organisées dans le passé, sous les différents régimes à Bangui, sans que ces fameux arriérés de salaires et autres allocations ne soient totalement apurés, puis définitivement soldés. Est-ce que lidentification des irrégularités, seule, pourrait résoudre définitivement le problème des arriérés de salaires? Est-ce quil ny aurait pas dautres problèmes plus fondamentaux et qui navaient toujours pas été mentionnés dans ledit rapport de contrôle des effectifs? Si oui, quels seraient-ils, comment seraient-ils abordés et quelles seraient les échéances par chacun?
A notre humble avis, il serait important de relever que ce rapport navait pas ouvert la voie vers une meilleure compréhension de la situation dincompétence et du mauvais fonctionnement de ladministration centrale; le rapport était resté très modeste dans ses recommendations et navait pas dit clairement quelles seraient les dispositions que le premier ministre devrait prendre pour éviter et prévenir ces mêmes abus, aujourdhui, demain et à lavenir dans tous les ministères, agences et offices publiques de létat. Et vous conviendrez certainement avec nous que les solutions à ces maux narriveront pas uniquement par les poursuites judiciaires ou les décisions du premier ministre, mais surtout par des actions immédiates et bien réfléchies des fils et filles du pays, en faveur de changements positifs dans les manières dêtre et de faire chaque jour. Selon nous, ce contrôle sétait avéré une opération urgente, parmi dautres pour donner des repères au gouvernement et permettre à celui-ci de démontrer aux yeux des institutions financières internationals, les bonnes intentions du gouvernement et ses dispositions à satisfaire les exigences de ces institutions, afin davoir accès à une ou plusieurs lignes de crédit qui pourraient enfin apporter une bouffée doxygène aux finances de létat. Un peu de liquidité serait nécessaire pour payer les salaires, les pensions et les bourses et serait le bienvenu, afin dautoriser le gouvernement à engager dautres projets en attente dans les domaines de léducation, de la santé publique et autres.
Toujours est-il que nous demeurons surpris que les médias nationaux aient fait tout ce remu-ménage qui, à la fin, avait laissé filtrer un chiffre insignifiant des économies que cette opération de contrôle des états financiers aurait fait engranger. Un peu moins de 100.000.000 de francs CFA! Avait-on vraiment eu besoin de faire tout ce tapage pour une économie si modique? Nous espérons que le gouvernement du Président Bozizé évitera le ridicule et pourra révéler très prochainement, par le biais dautres grosses opérations du genre, de plus grosses économies, ailleurs, qui seraient réellement à la mesure de la véritable capacité économique de la Centrafrique.
Le lion pour nourrir ses petits ne va pas donner la chasse aux moineaux.
Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis dAmérique (26 octobre 2005)
Actualité Centrafrique de sangonet