Ce que pourrait cacher la loi d’habilitation

Dès l’aube de l’existence de l’Université Jean-Bedel Bokassa, la faculté de droit de cette noble institution nationale, devenue Université de Bangui, avait mis en place différents programmes de formation qui permettraient à des centrafricains et étrangers dans le pays, des études, l’acquisition, et la maîtrise de connaissances juridiques de base. Ces cycles de formation juridique à l’Université de Bangui avait permis à plusieurs jeunes centrafricains d’y finir leurs études, de poursuivre des études supérieures, plus avancées, à l’étranger, et, avaient ouvert à chacun d’eux la porte vers une carrière professionnelle, certainement exaltante dans ce domaine.

Tout cela avait été louable. Cependant, nous serions bien curieux de savoir si des évaluations régulières avaient été faites pour améliorer les méthodes, les contenus et par conséquent la qualité des cycles de formation dans cette faculté. Par exemple, l’on aurait pensé qu’en tant qu’institution nationale de formation, cette faculté aurait tourné ses priorités et ses enseignements vers l’adéquation du profil des étudiants aux besoins de l’émergence de la démocratie et du renforcement des capacités humaines des grandes institutions du pays, telles l’assemblée nationale et les cours de tribunaux. Par ailleurs, nous aurions pu nous demander si des enquêtes avaient été menées, afin,de déterminer très exactement le nombre d’étudiants qui s’étaient inscrits dans les différents cycles de cette faculté, le nombre d’étudiants qui avaient terminé avec succès chaque cycle de formation, le nombre d’étudiants qui avaient abandonné, le montant total des investissements de l’état pour ce qui concerne les honoraires et salaires des enseignants, les recettes provenant des frais d’inscription et autres, le montant total des bourses payées aux étudiants, et enfin le nombre actuel de magistrats, d’officiers de justice, et d’avocats dans le pays qui étaient diplômés de cette institution. Nous serions bien curieux d’en connaître les conclusions.

Si cette faculté avait formé des étudiants valables et compétents depuis plusieurs décennies, l’on se demanderait où ceux-ci se trouveraient en ce moment. Seraient-ils en Europe ou ailleurs, parce qu’ils avaient eu l’occasion de quitter le pays et de poursuivre des études plus avancées après Bangui? Est-ce que leurs emplois actuels seraient en rapport avec les études initiales qu’ils avaient faites à la faculté de droit de l’Université de Bangui? Est-ce que ces anciens diplomés de ladite faculté exerceraient un emploi sans aucun rapport avec leurs études de droit? Seraient-ils en ce moment au chômage dans le pays, parce que l’administration de la fonction publique, les cabinets d’avocats locaux et les bureaux d’études privés n’auraient des postes de travail ni les ressources financières nécessaires pour les embaucher?

Nous pensons que des centrafricains qui avaient suivi ces différentes formations en droit(s) et qui s’étaient spécialisés dans les domaines du droit constitutionel ou des législations et autres, avaient apporté leurs expertises, puis contribué à la rédaction de la dernière version de la Constitution de le République Centrafricaine. Mais nous pourrions nous tromper. Enfin, cela était passé. Aujourd’hui, le peuple centrafricain devrait être heureux de savoir qu’il existerait bien une Constitution qui, à son tour, définissait les différentes hiérarchies du pays comme l’Assemblée Nationale, par exemple. Si nous posions la question de savoir quelles étaient les attributions exactes de cette Assemblée Nationale, quelqu’un nous rétorquerait que ces attributions seraient décrites dans les articles de ladite Constitution. Et nous avons cru que l’Assemblée Nationale aurait constitué une entité indépendante avec sa propre autorité et avait entre autres prérogatives, celle d’amender d’anciennes lois, conventions ou accords, de rédiger de nouveaux textes de loi, afin de réglémenter l’organisation des grandes affaires du pays et protéger les intérêts de la population. Nous avions également pensé que dans la République, l’Assemblée Nationale aurait par essence un pouvoir qui équilibrerait les autres pouvoirs, notamment celui de l’Exécutif. Mais qu’est-ce que serait cette Assemblée Nationale si cette autorité et ces attributions ne demeuraient que dans les lettres? A cause des grands maux sociaux et économiques que le pays et ses enfants vivent depuis ces dernières années, nous avions pensé que les députés auraient du pain sur la planche et veilleraient à ce que tous ces maux soient pris à bras le corps puis éradiqués. Et chaque citoyen avait attendu que tous les membres de cette nouvelle Assemblée Nationale se mettent résolument au travail, afin d’aider le pays à sortir de toutes ces crises.

La délégation de pouvoir qui venait d’être votée par l’Assemblée Nationale nous amènerait à nous poser les questions suivantes. Le peuple avait élu ses représentants. Cependant, est-ce que ces représentants avaient dans leur ensemble la motivation pour changer le cours des choses, la maîtrise des véritables problèmes du pays, et, la parfaite connaisance des procédures et règles requises pour permettre à cette institution d’être un modèle d’efficacité? Avaient-ils en quelque sorte les compétences nécessaires pour faire des propositions de projets de lois, pour faire convoquer des expertises, pour échanger des points de vue et débattre ensemble, pour voter des lois, et, pour demander au chef de l’état de rendre les projets exécutoires? En faisant l’hypothèse que tous les députés ne maîtriseraient pas nécessairement tous les espects techniques du métier de législateur, pourquoi ne se mettraient-ils pas individuellement à l’étude de tous ces sujets, afin de se rendre réellement utiles au pays et de remplir pleinement leurs mandats? Si cela n’était pas une option valable pour certaines raisons, pourquoi n’avaient-ils toujours pas songé à recruter ces jeunes diplômés en droit qui seraient au chômage et qui pourraient les assister, leur servir de conseil et rédiger valablement des textes de projets de loi? Cette proposition n’aurait-elle pas été un moyen pour offrir des emplois à des jeunes chômeurs diplômés et leur donner l’occasion de continuer à apprendre, et, d’être les futurs cadres politiques dont le pays aurait besoin à l’avenir? D’où viendrait les fonds pour payer les salaires? De la réduction des honoraires de ces mêmes députés, pardi! Pourquoi l’état devrait utiliser l’argent du peuple centrafricain pour payer des honoraries et des allocations aux députés si ceux-ci ne font pas leur travail ou ne font que de la figuration? Il y aurait l’insécurité dans le pays, il y aurait des étudiants centrafricains sans ressources à l’étranger, il y aurait des ambassades et consulats délabrés dans les capitales des pays amis. Cette courte liste ne représenterait-elle pas des impératifs? Ce députés ne seraient-ils pas enfin capables de débattre de ces problèmes et d’aboutir à de bonnes résolutions? Cette assemblée ne pourrait-elle pas s’inspirer des recommandations du dernier dialogue national pour déterminer les thèmes de leurs débats et pour guider leurs travaux? Si non, quelles seraient les véritables attributions de cette assemblée.

 

Ou bien est-ce qu’il faudrait encore demander à Bozizé l’autorisation pour la tenue d’un autre dialogue national pour mener ces mêmes débats? N’avez-vous point remarquer la grande contradiction dans les révendications de peuple en faveur d’un dialogue national permanent et l’exercice de cette démocratie? Le peuple avait réclamé la tenue du dialogue national. Aujourd’hui, l’Assemblée Nationale élue a toute la latitude pour que le dialogue soit quotidien, pour inclure les points de vue des citoyens dans les débats et pour faire participer le peuple à la gestion des affaires du pays. Mais ces députés avaient décidé d’aller au plus facile en donnant à Bozizé tous les pouvoirs de légiférer par ordonnance ou par décret. Mais que feront-ils pendant ce temps là? Est-ce que l’Assemblée Nationale à Bangui, n’existerait plus que de nom? Si l’on devrait pas considérer cette accumulation des pouvoirs par Bozizé et son gouvernement comme l’illustration d’une dérive dictatoriale, l’on pourrait néanmoins se demander si cette délégation ne pourrait être considérée comme une démission volontaire de l’Assemblée Nationale devant des responsabilités civiques que le peuple leur avait confiées. Enfin soyons honnêtes, dites-nous donc quelles défaillances de l’Assemblée Nationale Bozizé aurait relevées, et, qui avaient rendu cette délégation nécessaire? A notre humble avis, ces votes avaient été comme une peau de banane, subrepticement et malicieusement glissée sous les pieds de la démocratie en Centrafrique.

Enfin, si l’Assemblée Nationale faisait bien son travail, il n’y aurait peut-être plus ces grèves endémiques des fonctionnaires ou encore cette insécurité dans le pays. N’est-ce pas là des impératifs qui mériteraient toute leur attention?

Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique (11 janvier 2006)

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