Des rébellions armées en
Centrafrique, pour quoi faire?
Nous disions plus tôt que la démocratie en Centrafrique n’était pas exclusivement celle de Bozizé, ni celle des députés, même si tous avaient été démocratiquement élus à la suite de consultations libres. Nous pourrions aussi ajouter que la démocratie ne serait pas la chasse-gardée des partis politiques qui avaient rallié le gouvernement de Bozizé. La démocratie appartiendrait à toutes les couches de la société centrafricaine sans distinction aucune. De la même manière, nous avancerons aujourd’hui qu’une rébellion armée ou plusieurs rébellions d’où qu’elles viennent ne devraient pas être considérées comme une forme acceptable de l’expression de cette démocratie, surtout si ces rébellions donnent l’impression de vouloir règler certaines querelles ou des comptes personnelles avec Bozizé en particulier ou avec d’autres personnalités dans le pays.
Ce préalable établi, nous
pourrions dire simplement que la démocratie serait un ensemble de
prescriptions, acceptée par tous et par chaque citoyen, pour gérer efficacement
dans les règles et dans la paix toutes les affaires importantes du pays, afin
que les bénéfices que l’on en tirerait profitent à toutes les générations des
centrafricains, celles présentes et les autres à venir. La démocratie serait un système qui offrirait
aux centrafricains un forum pour débattre publiquement et civilement des
problèmes qui les préoccupent; ce système offirait aussi le choix libre de
différentes alternatives politiques, puis l’acceptation du consensus quant à ce
qui concerne les actions à mener et les méthodes. Malheureusement, de très nombreux fils et des
filles du pays avaient crû que l’exercice de la démocratie ne se limitait qu’au
choix d’un président et à celui des députés, et, avaient refusé de voir le
vaste champ d’application que l’exercice de cette démocratie offrait. Malgré cette incompréhension qui
constituerait un lourd handicap que le peuple devrait circonscrire d’urgence,
nous pourrons encore dire haut et fort qu’une rébellion armée en Centrafrique,
d’où qu’elle vienne, n’offrirait pas aux citoyenx ces options libres, car une
rébellion armée ne dicterait que son seul choix idéologique en s’imposant à tous comme la seule et unique option
politique. Les citoyens, y compris ceux
ou celles qui seraient aujourd’hui dans l’opposition et qui, pour certaines
raisons connues d’eux seuls, auraient de la sympatie pour ces rébellions,
avaient semblé oublié qu’une rébellion armée apporte toujours avec elle son lot
de destruction, de désolation et de traumatisme qui, tous ensemble, auraient
des effets pervers et latents sur la société.
Par ailleurs, pourquoi ces centrafricains accepteraient l’idée de ces
rébellions si, d’entrée de jeu, ces chefs de guerre et ceux qui les soutiennent
n’auraient la volonté, ni les moyens financiers, ni les capacités pour
reconstruire tout ce qu’ils auraient détruit?
Est-ce que ces fils du pays avaient déjà oublié les effets néfastes,
causés par la dernière rébellion de Bozizé et de ses hommes? Pourquoi donc Bozizé tarderait aujourd’hui à
trouver les solutions aux problèmes pressants des centrafricains?
Enfin, observons un peu plus attentivement la logique des récentes rébellions armées de Miskine, de Djadder et d’autres non encore identifiés à venir. Ne trouvez-vous pas que ces chefs rébelles avaient utilisé le même prétexte que celui des mutineries de l’armée nationale sous le régime de Patassé? Bozizé n’avait-il pas utilisé ce même subterfuge qui avait abouti à son coup d’état? Mais quelle avait été cette logique ou cette ruse? Lorsque l’euphorie du pouvoir leur était montée à la tête, un régime politique en place à Bangui n’était plus sensible, devenait sourd et refusait d’écouter les cris de désespoir des citoyens. Si seulement ces régimes là avaient voulu écouter les cris d’appel à l’aide de leurs concitoyens, puis avaient accepté de rechercher ensemble avec toute la communauté nationale les solutions pratiques aux crises du moment, l’on aurait éliminé ces pretexts et le pays ne serait pas au point où il faille chaque fois ré-écrire la constitution du pays.
Même si une constitution
avait établi l’essentiel des prescriptions normatives, chaque régime au pouvoir
et ses membres qui avaient les mains plongées dans les pots de miel, s’étaient montrés arrogant en refusant de
véritablement donner vie à ce mouvement démocratique, puis de faire participer
tous les fils et toutes les filles à la gestion des affaires du pays. Ces
régimes avaient estimé qu’écouter les critiques ou les suggestions, reconnaître
publiquement leurs erreurs ou accepter de corriger certains actes, seraient
simplement faire la démonstration des faiblesses du régime en question. Et les solutions que ces régimes proposaient
avaient été de prouver que leur autorité qui avait résulté de l’investiture
démocratique, était la finalité. Ces régimes avaient estimé qu’il était
important d’affirmer cette autorité en refusant par exemple de se plier aux
demandes légitimes des différentes couches sociales, affectées par leur gestion
médiocre des affaires, plutôt que d’accorder une quelconque concession. Mais gouvernenr un pays ne signifierait-il
pas aussi accepter des responsabilités et vouloir s’en décharger
honorablement? Et nous nous étions
demandés à quelles écoles ces militaires et ces politiciens avaient appris que
servir son peuple se faisait exclusivement par le durcissement de ton ou par le
brandissement d’une décision de non-recevoir?
Regardons
particulièrement les rébellions armées et leurs conséquences. Dans leurs déclarations officielles de faire
tomber le régime de Bozizé, Miskine ou Djadder avaient oublié de préciser au
peuple centrafricain qu’ils avaient aussi l’intention, à leur tour, d’être un
jour président de la république. Et ils avaient aussi volontairement oublié de
dire au peuple ce qu’ils feraient une fois en poste et qui serait différent de
la misère dans laquelle Bozizé, son gouvernement et les députés de sa majorité
maintiennent le pays. Quels
centrafricains nouveaux, hommes ou femmes, auraient-ils avec eux et qui ne
feraient pas les mêmes choses que ceux qui sont en place aujourd’hui? Bozizé était entré en rébellion et ses hommes
avaient détruit, volé, violé et tué sur leur passage, parce que Patassé ne
voulait pas de la tenue du dialogue national.
Le dialogue national avait enfin eu lieu. Dites-nous donc ce que Bozizé, son
gouvernement et ses députés en avaient fait depuis pour le pays et ses
enfants?
Mais dites nous donc qui
avait en réalité payé le prix cher de ces rébellions? Nous estimons qu’il ne serait pas juste de la
part de ces chefs de guerre de faire porter à de nombreuses familles innocentes
les conséquences de leurs fantaisies égocentriques. Mais ne devraient-ils pas plutôt expliquez
clairement à leurs frères et soeurs ce qu’ils leur apporteraient par leurs
rébellions et qui serait different de la situation d’insécurité et des misères
auxquelles Bozizé avait contribué et qu’aujourd’hui son gouvernement aurait du
mal à éradiquer! Si ces chefs de guerre
avaient des capitalistes, des hommes affaires, des bailleurs de fonds ou encore
des marchants de la mort derrière leurs rébellions, nous pourrions suggérer que
toutes ces ressources financières destinées à l’achat d’armes et de munitions
et à leurs campagnes pour prendre le pouvoir a Bangui, servent plutôt à
développer des grandes exploitations agricoles ou d’élevage dans le pays ou à
créer des petites unités de production qui assureraient du travail en grand
nombre pour ceux qui les suivent dans leurs rébellions et pour les autres fils
du pays qui sont chercheurs d’emploi. De telles exploitations pourraient
profiter à ces chefs de guerres réconvertis, à leurs bailleurs, et enfin au pays tout entier.
Ces rébellions qui
apporteraient encore plus de misère, n’auraient aucun sens dans une démocratie
que les fils et les filles de la Centrafrique cherchent ardemment à bâtir. Nous
voudrions humblement demander à ces centrafricains de suivre l’exemple de
Joseph Bendounga qui, d’une manière très honorable et civique, défend les
intérêts des enfants du pays. Même si celui-ci n’est toujours pas entré en
rébellion armée, il n’en est pas moins un grand chef et un grand
démocrate. Nous suggérerons à ces chefs
de guerre de rentrer pacifiquement à Bangui et de se joindre à Bendounga et aux
autres pour débattre civilement avec Bozizé et toute la communauté nationale
des voies et moyens pour débarasser le pays des zaraguinas, pour renforcer la
paix et pour apporter la prospérité à la Centrafrique. Et si un jour prochain, le peuple qui avait
élu Bozizé juge enfin que les prestations de celui-ci ne seraient plus
acceptables, par cette même voie démocratique, le peuple choisira un autre fils
ou une autre fille du pays pour continuer à lancer le défi au
sous-développement.
Enfin, si ces chefs de guerre ont du mal à considérer cette alternative pacifiste, nous leur demanderons de se rappeler des rébellions et de leurs conséquences sur les populations civiles dans des pays comme l’Angola, le Soudan, le Congo Démocratique, et le Sierra Leone. Mais si en réalité les centrafricains voudraient régler les problèmes de la destinée de leur pays par les rébellions plutôt que par la démocratie et par les termes de la constitution qu’ils avaient plébiscitée, eh bien qu’il en soit ainsi! Et ce serait dommage!
Jean-Didier
Gaïna