Centrafrique – s’il y a échec, à qui la faute ?

 

Les institutions qui avaient été identifiées dans la constitution par les enfants de ce pays comme des éléments indispensables à la gestion moderne de la société civile centrafricaine seraient aujourd’hui en place.  Et depuis l’adoption de cette constitution, puis la tenue des élections présidentielles et législatives, l’on avait volontier assumé que tout ceux et celles qui avaient été désignés pour conduire ces instances avec diligence et dynamisme vers la réalisation des grandes aspirations de développement du pays, auraient été à la hauteur des tâches.  Malheureusement aujourd’hui, le peuple aurait des raisons d’avoir des doutes quant à ce qui concerne les habilités et les capacités que ces hommes et ces femmes auraient à effectivement jouer leurs rôles et à mener les enfants du pays vers la réalisation de leurs rêves, à l’instar de ceux d’ailleurs, plus ambitieux.

 

Rappelons plus simplement ces rôles !  Le Président de la République devrait dicter sa vision de société ou de développement rapide et durable du pays à son gouvernement pour des actions rapides à mener.  Le gouvernement devrait travailler avec passion, ardeur, rapidité et intelligence pour concocter des stratégies, ouvrir des grands chantiers, et mettre en marche des grands projets pour éduquer la jeunesse, assurer la formation professionnelle des citoyens, prevenir les endémies, assurer l’ordre et la sécurité publiques, offrir l’accès de chaque citoyen à un emploi, offrir des services publiques et sociaux adéquats, et ouvrir au pays toutes les voies d’accès possible à la prospérité.  Les honorables députés devraient penser aux grands maux du pays et proposer au gouvernement d’autres solutions originales et pratiques qui s’attaqueraient aux problèmes urgents de l’heure et ceux à venir.  Les magistrats devraient veiller à l’application sans faille des lois et au maintien d’une certaine forme civile de moralité, nécessaires à une cohabitation harmonieuse des membres de la société, puis à l’existence et à la cohésion de l’état.  Une armée nationale qui rassembleraient des hommes et des femmes du pays, devrait rendre concret les notions de patriotisme, de civisme, de discipline, d’honneur, et de courage qui seraient les piliers d’une institution militaire dont la mission serait la protection des citoyens, la sécurité de leurs biens, l’intégrité du territoire nationale, la conception et l’exécution de gros ouvrages d’art, et non exclusivement la protection ou le renversement d’un régime au pouvoir à Bangui.  La société civile constituée de chaque citoyen, de partis politiques respectables, d’associations professionnelles, d’associations de jeunesse, d’associations de femmes, de syndicats professionnels, de groupements confessionnels, etc, devrait constituer le ciment qui révélerait toutes les aspirations de la société dans son ensemble et sans lesquelles la constitution, les institutions, et l’existence d’une république ne seraient qu’utopie.  Alors, quel sens véritable devrait-on donner à l’existence de la République Centrafricaine et aux questions liées à la recherche du développement économique et social, si dans la réalite chaque membre des organisations citées ci-dessus se refusait à assumer avec enthousiasme, assurance, compétence, et conviction toutes ces responsabilités que nous avions brièvement résumées?

 

Toute la forme requise pour le bon fonctionnement des affaires de l’état serait donc véritablement en place.  Mais seulement voilà, l’habit ne fait pas le moine, avait-on entendu dire!  Et le moine centrafricain serait vêtu de loques, parce que ces institutions républicaines et la société civile dans son ensemble ne joueraient pas véritablement les rôles qui leurs avaient été assignés ou encore les responsabilités que le gouvernement s’était adjugées.  La vision du développement économique et social, les discours politiques, les actes posés par le gouvernement de Bozizé, par l’assemblée nationale et par les autres entités n’arriveraient toujours pas à convaincre l’observateur avisé d’un progrès quelconque, ferme et durable, malgré toutes les promesses faites, toute l’énergie, tout le temps et tous les moyens investis.  Et l’on s’en convaincrait facilement car si les médias nationaux dans leurs différentes éditions ne mentionnaient pas la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International, l’Union Européenne, la Cémac, ou certains pays amis dans leurs actions d’aide à la Centrafrique, il n’y aurait vraiment pas grand chose à inscrire au tableau de chasse du gouvernement de Bozizé.  Mais, est-ce que les institutions du pays et les enfants de la Centrafrique ne devraient exister et fonctionner que grâce à toute cette générosité de l’aide extérieure?  Qu’est-ce qu’enfin les fils et les filles du pays devraient faire pour eux-mêmes et le pays et par eux-mêmes?  Est-ce que tout le monde s’était résigné à attendre éternellement que ce développement dont on parle arrive uniquement de l’extérieur, via le port de Douala ou via un transfert de fonds sur un compte dans une banque de la place?  Est-ce que ces cadeaux ou dons des pays amis, ces accords de financement de projets, et ces séminaires de formation avaient vraiment apporté depuis les solutions définitives aux problèmes du pays ou encore avaient finalement empêché les fonctionnaires centrafricains et leurs nombreuses familles, les petits commerces, les petites gens de continuer à crier, et pour cause, que tout ne va plus dans le pays?  Ces lamentations constantes de la majorité de la population ne seraient-elles pas le signe que rien de ce qui avait été entrepris avec le consentement du gouvernement ou par le gouvernement n’avait toujours pas réussi à éradiquer les maux essentiels que vit le pays?  Mais ne vous méprennez point!  Nous n’insinuons pas ici qu’il faille refuser toute cette aide financière, technique ou matérielle et ces marques de bonne camarederie.  Ce que nous voudrions dire c’est qu’il faudrait penser les véritables solutions et les mèthodes autrement que ce qui avait été fait jusqu’aujourd’hui, si les enfants du pays voudraient réellement mettre en place les solutions permanentes aux grands maux de la Centrafrique.  Enfin, les affaires du pays devraient être traitées de manière plus pratique, plus réaliste, plus sincère, plus convaincante, et avec beaucoup plus de rigueur.

 

L’on pourrait montrer du doigt les nombreux responsables de cette absence de progrès.  Ce manque de progrès serait caractérisé par l’absence absolue d’un leadership adéquat de la part d’un individu (le président de la république), d’une institution (les honorables députés, les membres du gouvernement, les magistrats, et les militaires) ou de la société civile (les chefs de partis politiques, les responsables syndicaux, les chefs de confessions religieuses, les responsables d’associations) qui, chacun en ce qui le concerne, n’avaient pas été capables de jouer pleinement et effectivement leurs rôles, de réunir un consensus, de penser de manière pratique les stratégies aux nombreux problèmes, de proposer des solutions solides et permanentes susceptibles d’apporter rapidement au pays la prospérite économique tant attendue.  La société civile toute entière n’aurait-elle pas aussi des responsabilités dans ce qui se passe dans le pays?  Les citoyens avaient-ils crû que la tenue du dialogue national et la proposition d’une liste de recommandations au gouvernement de Bozizé ouvriraient enfin la porte vers des bonnes solutions pratiques?  Les citoyens avaient-ils crû que l’établissement d’une constitution, puis la tenue des élections présidentielles et législatives mettraient en place tout le leadership nècessaire qui proposeraient enfin les solutions efficaces aux maux chroniques du pays?  Les syndicats, les agents de l’état en activitè et ceux à la retraite, les parents d’élèves, les étudiants, les membres des diverses associations et des confessions religieuses et tous les militants des partis politiques dans le pays manqueraient-ils les véritables capacités nécessaires pour une analyse aiguë des solutions aux problèmes économiques, politiques et sociaux?  Que devraient-ils envisager, chacun en ce qui le concerne, pour identifier les sources des maux sociaux, pour évaluer les valeurs intrinsèques de leurs leaders, pour mettre en place les solutions pratiques et simples aux problèmes de chaque jour? 

 

Si hier Patassé et les membres du bureau politique du MLPC n’avaient songé qu’à ressasser et supputer les images des victoires électorales passées, si aujourd’hui Bozizé et ses fidèles n’arrivent pas à sécuriser le territoire national et à offrir au peuple ce qu’il demande, qui donc devrait porter les responsabilités des échecs?  Et surtout, qui donc devrait rechercher urgemment et trouver les solutions adéquates ?  Le gouvernement?  Les honorables députés?  Les magistrats?  Les salariés, les retraités et les boursiers eux-mêmes?  Les syndicats?  Les électeurs qui par leurs votes avaient fait les mauvais choix de leurs leaders politiques?   Mais dites-nous donc qui!

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (Sun, 5 Nov 2006)